La présidentielle anticipée 2019 est une échéance électorale particulière en Tunisie. Elle puise sa particularité dans plusieurs facteurs.
Le 15 septembre 2019 demeure l’une des dates décisives de l’histoire de la Tunisie. En effet, la présidentielle anticipée 2019 est la quatrième échéance électorale et la deuxième présidentielle de l’après 2011. Ainsi, le 15 septembre 2019 est une nouvelle pierre dans l’édifice de la démocratie. La nouvelle échéance électorale constitue un nouveau pas vers l’enracinement de la tradition démocratique. Par ailleurs, cette présidentielle anticipée demeure particulière par rapport aux précédentes échéances électorales. Qu’on en juge.
Une présidentielle loin des tractations idéologiques et identitaires…
Les tractations idéologiques et identitaires ont marqué fortement les élections de l’Assemblée nationale constituante, la présidentielle 2014 et les législatives 2014. Laïcité ou Etat théocratique ? Révolution ou contre-révolution ? Libertés individuelles ou répression ? Toutes ses interrogations ont marqué les élections précédentes. D’ailleurs, la société civile s’est opposée à tous les périls qui guettent la démocratie naissante.
A l’époque, les Tunisiens ont oublié leurs problèmes socio-économiques pour cogiter sur les problèmes identitaires. On a vu « les identités meurtrières » se battre en duel : entre celles qui prônent une Tunisie libérale, émancipée et laïque et celles qui prônent une Tunisie rétrograde et obscurantistes. La présidentielle 2019 n’a rien à voir avec celle de 2014. On n’assiste pas aux débats idéologiques. Ce type de débat a cédé la place aux soucis socio-économiques des Tunisiens. Rien que d’entamer une brève discussion avec un Tunisien de la classe moyenne pour se rendre compte de son désarroi face à l’avenir socio-économique. Il espère que le prochain président contribue, dans les limites de ses prérogatives, d’améliorer le vécu des Tunisiens. Ainsi, si les Tunisiens iront voter, c’est dans l’espoir d’un avenir meilleur. Pourtant, d’autres voix s’élèvent pour dire que voter n’est pas un facteur de changement.
Quand voter rime avec sanctionner
Selon le dictionnaire Le petit robert voter est « Exprimer son opinion par son vote ». De ce fait, voter dépasse de loin le fait de choisir un candidat à la présidentielle ou une liste pour les élections législatives. En 2019, fous de rage devant la dégradation du pouvoir d’achat, devant la qualité du service public, les Tunisiens se préparent à un vote sanction. En effet, les indicateurs socio-économiques du deuxième trimestre 2019 plaident en faveur d’une situation qui se dégrade de plus en plus. Un taux de chômage de 15,3%, un taux de croissance de 1,2%, un taux d’inflation de 6,7% et un déficit de la balance commerciale de 1700,3 MD. Voici un bilan qui incite à sanctionner tous ceux qui sont au pouvoir.
La possibilité de sanctionner toute la classe politique au pouvoir n’est pas à exclure. Le bilan qui s’est accumulé d’année à une autre et dont les répercussions étaient si sévères sur les Tunisiens, inciterait les électeurs à sanctionner la classe politique de l’extrême gauche à l’extrême droite. Pour cette raison, on assiste à l’émergence de nouveaux visages dans la course à la Présidentielle comme Kaïs Saïd qui pu gagner la sympathie d’une partie de la masse électorale, Nabil Karoui hissé au rang d’un Robin des bois des temps modernes aux yeux des démunis ou encore Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre qui puise son discours politique dans l’échec des gouvernements de l’après 2011 et la nostalgie de l’ancien régime.
De la sécurité avant toute chose
Les Tunisiens appréhendent le Président de la République en tant que chef suprême des forces armées selon la Constitution de 2014. Cette vision est alimentée par le nombre croissant de crimes, braquages, vols et attaques terroristes depuis 2011. Le taux de la criminalité a atteint son apogée pendant les dernières années. Face à cette situation, les Tunisiens ont vu leur sécurité menacée. De ce fait, on assiste à une panique générale. Cette panique générale fait que certains Tunisiens rêvent d’un despote éclairé pour faire régner la loi. La question est de savoir si les Tunisiens se trouveront dans l’obligation de choisir entre la sécurité et le spectre de la dictature ? La réponse ne fait pas l’unanimité. Si certains sont prêts à abandonner la liberté au détriment de la sécurité. D’autres estiment que la liberté, fraîchement acquise est une ligne rouge et rien ne justifie de l’abandonner sous prétexte de sécurité.