Deux messages distincts ressortent du premier tour de l’élection présidentielle. Un message de sanction bien évident et bien lisible. En même temps, un deuxième message enfoui, d’acceptation et d’adhésion. Celui-là en direction des candidats dont les discours étaient faits exclusivement de préoccupations « tuniso-tunisiennes ». Un choix fort que la répartition mathématique, de plus de 50% des voix données, révèle clairement et significativement.
Déjà, le surnombre des candidats à l’élection présidentielle disperse les concentrations et les fortes médiatisations qui influencent les choix. Cependant, il n’a pas empêché les électeurs tunisiens de formuler, d’un coup, deux messages.
D’abord, toutes diversités et segmentations confondues (âges, sexes, localités et régions, niveaux d’instruction) la majorité absolue des votants, s’est prononcée pour favoriser tout ce qui est à même d’être à l’avantage de l’économie intérieure appauvrie ou de la proximité locale lâchée et désintégrée.
Oui massif pour avantager l’économie intérieure
En cela, les discours économiques des candidats ayant récoltés les minimas sont typiques et semblables. Discours qui s’embrouillent dans la confusion des rôles et dans la légèreté des interprétations. Les Tunisiens, intelligents, ne croient plus à cette image du Président qui va ramener des investissements étrangers. Un Président qui va discuter avec les hommes d’affaires internationaux pour ramener de l’argent au pays.
De telles proclamations centenaires, beylicales et deux fois républicaines, des plus hauts élus ou officiels qui ramènent des investissements étrangers, les Tunisiens savent désormais que cela ne conduit qu’aux débâcles. Il faudrait s’en détacher radicalement. Un patron chevronné ne ferait jamais de telles déclarations. Que dire alors si un futur Président de République, en course, en fait? N’est-il pas ainsi implicitement et grossièrement dans la négation de la capacité de sa propre monnaie nationale à financer son économie?
Non à la privatisation de la diplomatie
Ensuite, le deuxième engagement largement présent dans les discours sanctionnés du premier tour de l’élection présidentielle est celui qui concerne la diplomatie dite économique. Augmenter le nombre de nos représentations dans le monde n’a pas retenu l’intérêt des électeurs. Le choix de rejet qu’ils ont déclaré a été acquis par la force des informations accumulées dans le temps. Intuitivement, les images et les phrases indescriptibles qui se sont formées dans leurs esprits les laissent conclure que la diplomatie tunisienne se privatise au profit du commerce.
D’ailleurs, privatisation diplomatique qu’ils ont spontanément rejetée. Les votants, premier et deuxième message, se sont probablement dits qu’avant même de faire le bilan de ce que l’on possède comme représentations, l’on songe à en créer davantage. Avec les dépenses et l’inefficacité que cela pourraient représenter.
Ainsi, ils vont probablement se dire : « Quand il s’agit d’installer de nouveaux bureaux de Poste, des représentations CNAM, CNSS, des recettes des finances, des marchés municipaux de proximité, des postes de police, des municipalités, on va au goutte à goutte ».
Par contre, quand il s’agit d’export ou de tourisme, de commerce et alors que le patronat devrait investir de lui-même pour l’expansion de ses affaires, l’Etat généreux s’avance promptement pour le supplier.
Et le marché intérieur, ses patrons, ses consommateurs, ses contribuables, ses riches et ses pauvres, se sont retrouvés tous perdants par de telles politiques purement désavantageuses.
Par l’interprétation de la répartition de leurs votes, les électeurs viennent de se prononcer pour dire le contraire. « Il faudrait plutôt rétrécir le nombre des représentations diplomatiques et para diplomatiques à l’étranger dont l’efficacité et l’apport ne sont pas certains. Pour des finances telles que les nôtres, usées en dettes extérieures, nos caisses gagneraient les devises en salaires et en fonctionnement qui leurs sont affectés ».
Décider par Référendum
Quand, enfin, une nation décide de faire pour la première fois de son histoire contemporaine un vote économique. Et qu’elle le fait aussi massivement et aussi habilement que les Tunisiens de ce premier tour de l’élection présidentielle tenu le 15 septembre. On devrait lui faire confiance et solliciter son avis pour les grandes questions de l’avenir. Sur les grandes questions et les alliances régionales à venir, il faudrait s’adresser d’abord aux Tunisiens pour tout leur décrire.
Mais, le discours qu’il faut leur donner doit être celui de la démonstration et de la preuve. Discours qui nous ont toujours manqué. La logique commerciale dans laquelle nous semblons nous insérer s’avère déjà, mathématiquement, déstabilisatrice et appauvrissante. A l’extrême limite, les Tunisiens, il n’y a pas mieux qu’eux et que leur histoire, pour savoir que le commerce peut même mener aux conflits voire aux guerres.
Au final, le second tour et les législatives à venir verront des retrouvailles avec les gens et avec leurs soucis, avec leurs intelligences, ou jamais. Ils seront là pour donner l’avantage aux consommateurs local, pour la paix financière et bancaire, pour parler tuniso-tunisien, ou jamais.