A première vue, les résultats des sondages à la sortie des urnes n’annoncent pas une stabilité gouvernementale. La mosaïque de représentants et le clivage bien apparent ne vont même pas faciliter la constitution d’un gouvernement qui pourra mettre le pays sur les rails.
D’abord, et c’est sans doute le plus important, les élections législatives du 6 octobre 2019 n’ont pas attiré les foules. Le taux de participation n’était que de quelque 41%. Un chiffre, qui même si on le révise à la hausse, marque une désaffection pour les législatives.
Il est bien en deçà de la présidentielle du 15 septembre 2019 (49%). Qui est elle-même en deçà de la présidentielle de 2014 qui voyait la victoire de Mohamed Béji Caïd Essebsi (60,09%); et des législatives de la même année (68,3%). Une courbe pour ainsi dire bien descendante qui n’est sans doute pas bonne pour le cursus de la démocratie tunisienne.
Dans cet ordre d’idées, une étude plus fouillée pourrait également montrer une désaffection parmi les jeunes. Beaucoup de constats, basés sur les observations de terrain, font état d’une faible présence des jeunes dans les bureaux de vote. Une réalité du reste visible au cours des élections de 2014 et des municipales de 2018.
Des rendez-vous politiques qui sentent souvent l’exécrable
Faut-il, par ailleurs, croire à une certaine désaffection des électeurs en général qui estiment qu’on les sollicite un peu trop pendant trois dimanches presque de suite? Avec les brouilles qui accompagnent des rendez-vous politiques qui sentent souvent l’exécrable. Les dernières révélations sur des opérations de lobbying de trois acteurs de la scène électorale (« Ennahdha », « Qalb Tounes » et « Aïch Tounssi ») ont-ils fait leur effet ?
Qu’il s’agisse de la présidentielle ou des élections législatives de cette année 2019 est-il possible de dire que nous avons assisté à un débat d’idées ? Loin s’en faut. Brouilles entre partis et personnalités et boules puantes– on ne le dira jamais assez- ont marqué les rendez-vous politiques plus qu’autre chose.
Donnant l’impression que les préoccupations des hommes politiques sont bien loin de celles d’un peuple qui s’est soucié ces derniers jours d’abord du prix des denrées alimentaires. Le prix de la pomme de terre se négocie à deux dinars. Et les bananes font l’objet d’un boycott réel.
Plus de 20 sièges en moins
Les résultats annoncés des sondages à la sortie des urnes donneraient la victoire au parti islamiste (une quarantaine de sièges). Une victoire ? S’agit-il d’une victoire à la Pyrrhus ? Les résultats ne sont pas évidemment définitifs et devraient être corrigés par les résultats qu’annoncera l’ISIE le lendemain. Les résultats des Tunisiens de l’étranger ne sont pas, à ce titre, connus. Le parti islamiste perdrait cela dit– et jusqu’ici- plus de 20 sièges par rapport à la dernière Assemblée.
L’observation des résultats montre à coup sûr qu’ Ennahdha ne pourra pas, avec sa victoire, constituer facilement un gouvernement qui puisse jouir, du moins, d’une stabilité pendant toute la législature.
Les voix de la Coalition d’Al Karama, que l’on désigne comme appartenant à la famille islamiste, et même du « Courant démocratique » et de Tahya Tounes (où sont les quelque 100 sièges promis par un ténor de ce parti ?), dont la coalition a fait un bout de chemin avec lui lors de la précédente législature, et même d’autres, ne pourront peut-être pas suffire.
Tout est possible
Evidemment tout est possible en politique : des députés pourraient s’allier avec un camp ou l’autre pour éviter l’organisation de nouvelles élections. Mais il semble irréaliste que Qalb Tounes (33 à 35 sièges) ou le Parti Destourien Libre (PDL) (14 à 15 sièges) ou encore le mouvement d’Al Chaâb (15 sièges) puissent participer à un gouvernement conduit par Ennahdha.
De fait, Ennahdha devrait, selon la Constitution tunisienne, avoir la responsabilité de conduire le gouvernement (Art. 89). Et il est à craindre, si l’on se réfère à la Constitution, qu’ Ennahdha soit obligé de jeter l’éponge, au terme des périodes prévues pour constituer un gouvernement.
Les partis qui auront refusé de se joindre à Ennahdha- tels que Qalb Tounes ou encore le Parti Destourien Libre (PDL)- pourront-ils à eux seuls constituer un gouvernement?
Un blocage est de ce fait à craindre. Et même s’il est trop tôt pour le dire, les difficultés ne font que commencer. Ce qui ne va pas faciliter la gestion du pays. Et notamment agir pour le faire sortir du marasme dans lequel il se trouve.