Un taux de croissance de 2% annoncé pour 2020 peut paraitre décevant. Néanmoins, nous pensons qu’il est même optimiste.
La Tunisie, pays exportateur par excellence, dépend naturellement de ce qui se passe chez nos voisins de la rive nord de la Méditerranée. Ils sont loin d’être en forme. La santé de la Zone Euro dépend, en fait, de celles des Etats-Unis qui commencent à afficher quelques mauvais indicateurs. La récession manufacturière aux Etats-Unis était une information déjà consommée. L’indice ISM (Institute for Supply Management) manufacturier du mois de Septembre est à son plus bas sur dix ans.
Récession : personne n’est épargné
Pas une surprise vu le conflit commercial avec la Chine. Mais observer une telle tendance dans le secteur des services est une vraie alerte pour une récession généralisée. L’indice ISM des services a reculé plus fortement qu’attendu. Il retrouve ainsi son plus bas niveau depuis août 2016. En même temps, la création d’emplois a déçu.
Les inquiétudes sont davantage plus importantes car une confrontation avec l’Europe n’est pas exclue. L’Organisation mondiale du commerce a autorisé les Américains à appliquer des droits de douane sur 7,5 milliards de dollars sur des importations de l’UE par an. C’est une conséquence du dossier des aides publiques accordées à Airbus. Maintenant, tous les opérateurs attendent la réaction de la Réserve Fédérale qui pourrait réviser à la baisse ses taux pour la troisième fois cette année dans sa réunion prévue pour la fin de ce mois.
Et quand le moindre indice du pays de l’oncle Sam montre une faiblesse, les autres économies tremblent.
En Europe, l’Indice des Directeurs d’Achat (PMI) a confirmé que rien ne va plus dans le secteur manufacturier européen. Le sous-indice qui mesure la production a signé une 8ème baisse consécutive et s’est retrouvé à son plus niveau depuis décembre 2012 ! Le cœur de l’Europe, l’Allemagne, n’est pas épargnée. Les entreprises industrielles allemandes ont enregistré en septembre leur plus mauvaise prestation depuis la crise financière. A cela s’ajoute des inquiétudes quant à une possible hausse des tarifs sur l’automobile européen, secteur clé de l’économie allemande. Tous les économistes tablent maintenant sur l’entrée de l’économie outre-Rhin en récession.
Même pour les émergents, la situation n’est pas positive. L’ombre de la récession plane. Dans ces pays, l’investissement dépend directement des exportations. Si ces dernières marquent le pas, c’est la crise. Selon les chiffres de la Banque Mondiale, la progression du PIB de la région Asie-Pacifique devrait reculer à 5,8% en 2019 après 6,3% en 2018. Cette région va souffrir de la vague de délocalisation d’une partie de la production des entreprises américaines qui veulent échapper à la hausse des droits de douane.
Et pour la Tunisie ?
Ce tableau n’est pas favorable pour la Tunisie. L’Allemagne est un partenaire de premier plan pour nous. Jusqu’au mois de septembre 2019, nous affichons une balance commerciale excédentaire avec ce pays de 989 millions de dinars. Avec la France, dont l’économie est très complémentaire de celle allemande, notre balance est également excédentaire de 3,058 milliards de dinars depuis le début de l’année. Ces deux pays sont les poumons de nos entreprises exportatrices. Si ce moteur est défaillant, c’est toute notre économie qui risque de pâtir.
Dans ce contexte, il est important d’avoir ce nouveau gouvernement le plus tôt possible car la relation avec l’Union européenne risque d’entrer dans une phase critique. Outre le dossier de l’ALECA, il ne faut pas oublier les rumeurs sur des pressions qui s’exercent sur la Tunisie en matière de la gestion des flux migratoires. C’est crucial car la situation actuelle ne facilite même pas l’ouverture sur de nouveaux marchés. Dans ces moments difficiles, nous allons être rudement concurrencés sur des destinations comme l’Afrique, marketées durant les élections comme l’eldorado de l’économie tunisienne.
Cher Président, chers députés, bienvenus dans la réalité.