Une question intéresse beaucoup d’entre nous. Elle peut clarifier bien des questions au sujet des difficultés éprouvées à former le prochain gouvernement.
Un gouvernement introuvable, qui aura la tâche ingrate et peut-être homérique de nous sortir de la nasse. Pourquoi avions-nous été entraînés dans cette logique négative qui nous enferme dans des alternatives sous forme d’impasses ? Et par qui tout cela est-il arrivé ?
Contentons-nous d’un regard en arrière avec seulement un coup d’œil rapide dans le rétroviseur pour faire défiler des faits, qui appartiennent désormais au passé récent et qui ont marqué suffisamment les Tunisiens. Ils pèsent lourd dans la balance, pour cerner les nouveaux défis posés. Une analyse froide s’impose sur l’ampleur sans précédent de ce qui a bouleversé la vie dans ce pays à cause de sa classe politique : gouvernants et opposants.
Un bref regard jeté sur le rétroviseur pour voir tout le chemin parcouru. Pour comprendre et réfléchir sur presque une décennie écoulée, puis tenter d’aller de l’avant.
On a commencé les tribulations par trois longues années perdues à mitonner une Constitution, par une constituante extensible et innommable. Elle est caractérisée par un clair-obscur du texte qui complique plus qu’il ne facilite le fonctionnement des institutions et des pouvoirs.
Finalement, son mode de rédaction n’a pas été de nature à évacuer les soupçons d’un minage délibéré qui insulte la rationalité juridique. Une troïka prédatrice qui s’est acharnée à paupériser toutes les catégories sociales, à démolir les fondamentaux de l’État et de l’économie du pays, outre les assassinats politiques et la flétrissure du modèle social. Puis, vinrent des élections « libres, justes et transparentes » qui ont infligé le fameux « compromis-tawafek », un arrangement des plus catastrophiques !
Bilan économique et social affligeant !
Chacun s’accorde sur le fait que le bilan économique et social est plus qu’affligeant. Malgré ce constat sur lequel tous les économistes conviennent, les partis responsables en premier de ces échecs retrouvent partiellement leur place à l’ARP ! En particulier Ennahdha, qui perd des plumes certes, mais arrive étonnamment en tête (avec 52 députés), et se retrouve chargé de former un gouvernement. Il s’agit de résoudre la quadrature du cercle pour de multiples raisons, notamment pour acquérir une majorité stable aussi bien pour composer le gouvernement que pour soutenir sa gestion, en principe, au cours de toute une législature.
Il faut bien reconnaître qu’Ennahdha est auréolé d’une réputation sulfureuse, puisque les partis politiques sollicités en vue de former le prochain gouvernement tergiversent, craignant d’être phagocytés comme leurs prédécesseurs au temps de la Troïka et du « tawafek ». Mais il s’est avéré que ce parti est une entité politique dissolvante, d’une grande corrosivité. Tous ceux qui s’en approchent se désagrègent. Les risques sont par conséquent élevés. Leurs éventuels apparentés doivent porter des gants épais, des lunettes ou un masque facial pour éviter les projections, des vêtements de protection à manches longues, ainsi que des chaussures à doigts fermés ! Et bien plus encore !
De surcroît, cette formation islamiste, branche locale de la confrérie, se conduit avec arrogance et met la barre très haut pour négocier la composition d’un gouvernement. Alors que rien de raisonnablement justifié n’autorise cette posture prétentieuse. Elle refuse de tirer les enseignements de ses expériences passées, de reconnaître ses torts et exclut de corriger le tir. Ce qui confirme, si besoin est, que les préoccupations urgentes d’ordre économique et social ainsi que la situation critique dans laquelle se débattent les Tunisiens sont leur dernier souci. Elles passent derrière la volonté d’imposer un gouvernement issu de ses rangs pour continuer « son œuvre d’islamisation », le plus grand braquage imaginable : celui de l’État et de la société, en contraignant d’autres formations à se plier à ses desiderata. Le chantage brandi d’aller vers de nouvelles élections législatives servirait comme moyen de pression pour faire plier les récalcitrants parmi ses éventuels auxiliaires.
Entre-temps, le nouveau chef de l’État est « ausculté » de très près par tout le monde, y compris par ceux séduits par le slogan « le peuple veut », et qui seraient de moins en moins enthousiastes, semble-t-il. Cette notion de peuple qui désigne une masse indistincte, informe qui doit être prise en charge par le guide.
« Le peuple veut »
« Le peuple veut », une formule galvaudée qui a perdu cruellement son sens initial scandé en 2010-2011, pour devenir un moyen commode destiné à cajoler une catégorie de la population tunisienne. Elle implique une non-reconnaissance de maturité politique, une infantilisation de la masse dite silencieuse, une mise sous tutelle. Le peuple, dans l’esprit de ces utopistes, serait cette entité docile que l’on doit protéger. Alors que nous aspirons plutôt à la citoyenneté qui désigne les droits et les devoirs conférés par l’État à des personnes vivant sur un même territoire et soumis à des lois communes. Peut-on d’ailleurs reprendre l’idée de « peuple » sans populisme qui s’oppose immanquablement à la démocratie ?
Jusqu’à présent, les signaux qui nous parviennent du palais de Carthage et de Mnihla ne sont pas pour calmer les appréhensions ou réduire les interrogations à propos des profils qui s’insinuent dans l’entourage du Chef de l’État. Le même souci se manifeste concernant les entorses aux usages recommandés et au protocole. Au-delà des changements politiques, le protocole reflète la permanence et l’unité de l’État. Il signifie le respect des préséances et contribuent à la bonne image du pays.
Par ailleurs, est-il avisé et si pressant de limoger le ministre de la Défense Nationale et le ministre des Affaires Étrangères par le chef de Gouvernement « en concertation avec le chef de l’État » ? N’est-il pas plus avisé et bienséant d’attendre la formation du nouveau gouvernement pour effectuer les changements à la tête de ces deux départements de souveraineté ?
A tous ceux qui sont à la manœuvre, il faudra non seulement de l’ambition, mais aussi de l’humilité. Pour se mettre, sans attendre, à l’écoute des vrais besoins des Tunisiens et non pas de ceux dictés par le dogmatisme idéologique, les représailles politiques ou le conformisme qui nous ont conduits dans l’impasse actuelle.
Aujourd’hui, la question à résoudre, c’est surtout une économie qui périclite, une attention particulière pour ceux qui n’ont pas un emploi, ceux qui n’en ont plus ou pire … qui n’en auront pas de sitôt.