« The Donald », comme l’appellent les journalistes américains, annonçait triomphalement et avec jubilation dimanche 27 octobre la mort du chef de « l’Etat islamique », Abou Bakr Al Baghdadi. Le président de l’ Amérique ne cachait pas sa satisfaction.
En effet, Donald Trump ne cachait pas sa satisfaction de « l’exploit » des soldats américains qui ont pris de « gros risques ». Et ce, pour mettre hors d’état de nuire le chef de l’organisation terroriste la plus violente de l’histoire, Abou Bakr Al Baghdadi. En annonçant la nouvelle, transmise en direct aux quatre coins du monde, le président de l’Amérique était un peu fanfaron. D’ailleurs, il bombait légèrement le torse; comme s’il faisait lui-même partie du commando.
Le message de Trump
Ainsi, le message qu’il voulait faire passer aux Américains est clair: « Admirez ma détermination à combattre le terrorisme. J’ai planifié avec succès la mort du chef terroriste le plus dangereux et le plus recherché du monde. Je suis candidat à ma propre succession. Je ne vais pas tarder à entamer ma campagne électorale de novembre 2020. N’oubliez pas cet exploit au moment du vote. »
D’ailleurs, les journalistes reçurent bien le message et lui ressortirent très vite sa réaction après l’annonce, tout aussi triomphale, faite par son prédécesseur Barack Obama. Et ce, après l’élimination de l’autre chef terroriste, Oussama Ben Laden, le 2 mai 2011, à Islamabad.
Car, à l’époque, Donald Trump déclarait : « Obama n’a aucun mérite. Ce n’est pas lui qui a tué le chef terroriste, mais les braves soldats américains ». Il devrait regretter cette attaque gratuite contre Obama. Et celui-ci devrait jubiler que, huit ans plus tard, l’attaque se retourne contre son auteur.
Mais revenons à « l’exploit américain » qui fait encore les gros titres de la presse mondiale. La jubilation de Trump devant l’élimination du terroriste en chef, Abou Bakr Al Baghdadi, tout comme la jubilation d’Obama après l’assassinat de Ben Laden, ressemblent à la jubilation du pyromane qui participe aux efforts d’extinction du feu qu’il allume. Et qui bombe le torse chaque fois qu’il réussit à éteindre quelques flammes.
Quelle politique géostratégique?
En fait, l’incendie terroriste qui, depuis des années, consume le monde arabe, n’aurait jamais eu lieu, si la politique étrangère américaine était entre les mains de politiciens responsables. Des responsables compétents et qui œuvrent pour le vrai intérêt de leur pays et de la paix dans le monde.
Et c’est le drame de l’Amérique et du Monde arabe en particulier, pendant les quarante dernières années. En effet, la politique étrangère américaine était entre les mains d’une élite dont les caractéristiques étaient l’égotisme, l’ignorance, la suffisance, l’arrogance, l’avidité et l’agressivité. Une élite dont la petitesse dans tous les sens du terme se souligne par le gigantisme de l’Amérique.
Trois dates clés
A cet égard, l’histoire retient trois dates comme des moments clés. Pendant lesquels les Etats-Unis, croyant servir leurs intérêts, ont jeté les bases du terrorisme. Terrorisme qui, à l’aube de ce siècle, allait s’avérer être un phénomène d’une violence jamais expérimentée dans l’histoire de l’humanité.
Tout d’abord, au lendemain de l’invasion soviétique en Afghanistan en décembre 1979, Washington opta pour le financement et l’armement de groupes jihadistes hétéroclites. Et, sous l’égide d’Oussama Ben Laden, ils finissaient par se regrouper au sein d’Al Qaida. On connaît la suite.
Puis, en janvier 1991, Bush père déclencha « la tempête du désert » contre l’Irak et détruisit ses infrastructures vitales. Après la guerre, 11 années de sanctions économiques étouffantes étaient imposées au peuple irakien. Un demi-million d’enfants morts suite aux pénuries alimentaires et de médicaments. Les enfants qui survécurent, grandirent avec un fort sentiment d’injustice et de haine vis-à-vis des responsables de leur malheur.
Ensuite, en mars 2003, Bush fils, poursuivant l’œuvre du père, ordonna l’invasion de l’Irak. Aux blessures encore vivaces nées de la guerre du père, s’ajoutent d’autres drames autrement plus terrifiants nés de l’invasion du fils. Du coup, des endroits comme la prison d’Abou Ghraib et Camp Bucca, de par les horreurs qu’y commettait la soldatesque américaine, sans parler des immenses camps de déplacés intérieurs, se sont transformés en immenses usines de terrorisme.
Camp Bucca, l’enfer sur terre
Ainsi, Kathy Kelly, journaliste américaine, a parlé de sa visite à Camp Bucca en janvier 2004. L’endroit même où était détenu le futur « Calife » Abou Bakr Al Baghdadi.
A ce propos, planté au sud d’Al Basra dans un endroit désertique, Camp Bucca était l’enfer sur terre. Quand les détenus échappent aux piqûres de scorpions et aux morsures de serpents du désert, ils sont livrés au sadisme des soldats. Et pour « se déstresser » ou « pour passer le temps », ils s’adonnent à des séances de torture sur les détenus jusqu’à leur évanouissement.
Mieux encore, ou pire, les préposés aux interrogatoires exigent que, avant de se présenter devant eux, le détenu subisse entre 12 et 24 heures de torture pendant lesquelles il est privé de nourriture, d’eau et de sommeil. Un « loisir » pour les sadiques de l’armée américaine; et une aubaine pour les préposés aux interrogatoires qui trouvent le détenu « prêt à coopérer dès la première question ».
Kathy Kelly nous informe encore que dans l’enfer du camp Bucca, le détenu ne reçoit sa portion de nourriture que s’il aboie comme un chien ou s’il dit « I love George Bush ». Histoire d’amuser les soldats qui s’ennuient à 10.000 kilomètres de chez eux…
Les Etats-Unis, créateurs d’une immense haine
Abou Bakr Al Baghdadi, qui a vécu des mois, peut-être des années, dans cette usine infernale de terrorisme, en était sorti désaxé, déséquilibré, détraqué, désorienté, la mort dans l’âme et la haine dans le cœur. L’immense haine et l’incommensurable rancœur qu’il portait en lui, il a vite fait de les retourner contre ses coreligionnaires. Il est responsable de la mort de dizaines de milliers et du malheur de millions d’entre eux en Irak, en Syrie, en Libye et ailleurs.
Quand on a tout cela en tête, on ne peut pas être trompé par Trump. On ne peut pas le croire quand il nous dit que le rôle de l’armée américaine au Golfe et au Moyen-Orient est de faire la chasse aux terroristes.
L’Amérique a tué le monstre qu’elle a créé et dont elle n’a plus besoin, voilà tout. En disciple brillant de Machiavel, l’Amérique continuera à combattre le terrorisme et tuer les terroristes dont elle n’a plus besoin. Et à armer, financer et entretenir ceux qu’elle estime encore utiles pour ses plans stratégiques.