L’arrestation de Sami Fehri, ou ce qu’on appelle la garde à vue, serait-elle un épisode déjà vu? Que pensent les journalistes et les analystes de ce qui vient de se passer? Beaucoup de questions demeurent en suspens.
Frida Dahmani, journaliste et membre de l’Association des correspondants à l’étranger en Tunisie, déclare qu’avant de parler de presse, de média en danger, il faut d’abord prendre du recul et distinguer des affaires en justice qui pourraient être justifiées, quand il s’agit de blanchiment d’argent ou d’évasion fiscale ou de suspicion de corruption.
Selon elle, cela n’empêche qu’on se pose des questions sur cette arrestation ou plutôt ce placement en garde à vue de Sami Fehri. Elle précise dans ce contexte: « Cela nous rappelle beaucoup l’épisode Nabil Karoui. » Elle précise: « On ne peut pas s’empêcher de faire le parallèle de ce qu’a subi depuis les élections comme menaces et pressions sa chaîne AlHiwar Ettounsi. Je me demande si les auteurs présumés de crimes en col blanc ont besoin d’être arrêtés. A mon avis, la justice doit répondre en toute transparence quand elle fait des interventions à l’encontre de personnalités en vue, patrons de médias ou autres. »
Frida Dahmani: « La liberté de la presse n’est jamais acquise »
Et de poursuivre: « Or pour revenir à la liberté de la presse, rien n’est jamais définitivement acquis. Malgré la Constitution. D’ailleurs, c’est vrai que selon la Constitution, il y a tout un chapitre sur la liberté de la presse. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a eu dans les années précédentes des dérives. A savoir, des magnats de la presse arrêtés pour différents motifs. Cela dit, à ce jour, les magistrats n’ont pas jugé utile de les faire comparaître sur la base des décrets 115 et 116″.
De son côté, Bassel Torjeman, analyste politique déclare que l’arrestation n’est pas anodine. Y a-t-il un lien entre le documentaire controversé sur Ennahdha et l’affaire qui semble montée de toute pièce contre Sami Fehri ? Il ajoute : » On ne peut s’empêcher de s’interroger ».
En outre, il précise dans ce contexte: « S’il s’agit d’un règlement de comptes. Cela ne présage rien de bon pour l’avenir du pays qui plongera dans une spirale infernale. La liberté de la presse et la liberté d’expression seraient en danger. »
Abdelkarim Hizaoui: « Le timing de son arrestation est hautement politique »
Abdelkarim Hizaoui, président du Centre de développement des médias (MDC) souligne que c’est malheureux de voir le même jour l’arrestation de Sami Fehri, alors que le chef de l’Etat reçoit les représentants des médias. « Cela nous renvoie un message peu rassurant », dit-il.
Et de poursuivre: « Je pense que le timing de son arrestation est hautement politique. Ceci n’exclut pas que Sami Fehri doive répondre des dépassements commis avant 2011. Et cela, au détriment de la télévision publique nationale par l’intermédiaire de Cactus prod. Je pense qu’il a utilisé le documentaire sur Ennahdha pour se protéger. Vu ce qui est arrivé à Nabil Karoui et qu’il sentait que son tour allait arriver. »
Il conclut: « L’instrumentalisation des médias à des fins politiciennes ne devrait pas exister. Les médias ne doivent pas se laisser impliquer dans la lutte politique. Si tout le monde manipule toute le monde et qu’il n’y a pas de contre-pouvoir, c’est le retour de la dictature. »