Une manifestation contre l’islamophobie visant à dénoncer les actes anti-musulmans a réuni des milliers de personnes à Paris dimanche 10 novembre.
La question musulmane s’inscrit dans un climat de plus en plus nauséabond en France. Les amalgames entre musulmans et islamistes, entre islam et terrorisme, entre croyants et fondamentalistes, se sont banalisés. Ceci, dans un pays où la laïcité a glissé du principe juridique à l’argument identitaire.
Statistiquement, les musulmans sont particulièrement discriminés en France. Les descendants de migrants du Maghreb, de Turquie ou d’Afrique subsaharienne ont plus de risques de n’obtenir aucun diplôme du secondaire. Les immigrés en provenance de ces régions sont aussi plus souvent au chômage. Ce sont d’ailleurs ces mêmes groupes sociaux qui se sentent le plus victimes de discriminations dans le milieu professionnel.
Cette partie de la population et plus largement les personnes issues d’une immigration hors de l’Europe sont particulièrement concentrées. On les trouve dans les zones urbaines sensibles et l’habitat social. Le déficit d’insertion sociale nourrit le cloisonnement spatial de minorités. Celles-ci sont condamnées à vivre entre elles, dans des espaces clos communautarisés.
La question musulmane se pose essenteillement dans ces quartiers
Cette situation reflète l’une des réalités du « ghetto français », produit de stratégies d’évitement. Ce qui aboutit in fine à une ségrégation sociale et spatiale. En dépit des politiques de la ville qui interdisent de penser que ces quartiers sont totalement abandonnés. Alors que, la pauvreté, l’échec scolaire, la délinquance juvénile, le chômage des adultes et, plus encore des jeunes, s’y concentrent jusqu’à les gangrener. Les nouveaux venus plus pauvres remplacent ceux qui parviennent à quitter ces quartiers. Ils sont issus de migrations récentes et donc plus éloignées des modèles culturels et sociaux de la société française.
L’exclusion sociale nourrit la radicalisation. Outre le nihilisme et le fanatisme qui guident leur dérive meurtrière, les djihadistes français qui s’attaquent à leurs propres concitoyens sont aussi des enfants de la République, les créatures de ses échecs et désillusions.
Nombre de candidats au djihad sont issus de « quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Ils sont pris dans le cercle vicieux du processus de ghettoïsation. C’est ainsi que les quartiers relégués se ferment sur eux-mêmes, accroissant leur exclusion.
La machine est implacable : quand, en France, plus d’un habitant de banlieue sur deux est migrant ou fils de migrant. Ils se trouvent pris dans ce qu’un premier ministre a osé qualifier « d’apartheid territorial, social, ethnique ». Selon l’expression même de l’ancien Premier ministre M. Valls.
Une réelle crise d’identité
Non seulement la crise identitaire est une crise de l’égalité et de l’universalisme, mais la question de l’égalité est reléguée, délégitimée, disqualifiée. En France, le « problème des banlieues » a d’abord été lu et appréhendé comme un problème social. Il est considéré sous l’angle du chômage, de la crise de la société industrielle et de ses « grands ensembles » urbains.
Les questions d’identité et de culture étaient définies en termes de parcours migratoires. Quels sont les obstacles à l’assimilation et à l’intégration progressives des migrants appelés à devenir des « Français d’origine étrangère » ? Comme si ce récit « social » du problème des banlieues devait être pensé en termes d’identité, de culture et de religion, bien plus qu’en termes de catégories et de conditions sociales.
On porte le regard sur les banlieues, avec tous les stigmates et les discriminations que cela comporte. C’est le symptôme d’une mutation qui concerne moins les banlieues elles-mêmes que la République dont elles sont constitutives.
C’est dans ce contexte que la problématique de l’intégration ou de l’inclusion des musulmans dépasse celle de l’immigration. Ainsi, l’identité complexe contribue à interroger l' »occidentalité » et leur compatibilité avec les valeurs de la République.
Les débats récurrents sur l’intégration et l’identité nationale témoignent d’une tension sociale et d’un questionnement existentiel au sujet de citoyens français (ou non) musulmans (ou du moins apparemment) se trouvant prisonniers d’une chaîne de présomptions ou de soupçons – Arabes/musulmans, musulmans/islamistes, islamistes/terroristes – dans laquelle les divers éléments s’amalgament insensiblement…