Au lendemain de la première plénière de l’ARP, bon nombre de tunisiens commence à se rendre compte que les dernières élections risquent d’être un jeu à somme nulle.
In fine, les mêmes figures sont là. Les grandes lignes de la politique sociale et économique sont connues. Et ce n’est que le début. Les électeurs tunisiens vont prochainement constater que le nouveau Président n’a pas vraiment les outils pour réaliser toutes les attentes d’une population déprimée.
Les souhaits de 2011 sont toujours là …
Le grand souci des Tunisiens est l’économie. Bizarrement, ils ont massivement voté pour Kaïs Saïed Ils croient en sa capacité à faire bouger les choses et améliorer leur quotidien. Nous n’avons aucun doute dans les intentions du Président. Mais nous sommes également convaincus que ses pouvoirs restent limités à ce niveau.
Une grande partie de la population est convaincue que le pays est très riche en ressources naturelles. Celles-ci peuvent, selon eux, transformer le pays en Dubaï. Ils comptent sur l’actuel locataire du Palais de Carthage pour que « le colonisateur lève enfin ses mains« . Les dossiers du sel et du pétrole sont déjà deux chantiers pour lutter contre le «Fassed » (la corruption). Il a aussi la mission de faire baisser les prix et l’inflation qui a frappé de plein fouet le pouvoir d’achat. Plein de chômeurs pensent qu’il a les clés de la fonction publique et leur permettra d’y accéder.
Tous ces points agitent quotidiennement les réseaux sociaux et parrainés par des candidats aux présidentielles. Même des partis politiques commencent déjà à être remis en question après les nouvelles alliances d’hier.
… Et seront à la une en 2024
Mais au-delà de cette alliance qui inspire peu, les attentes qu’on vient d’énumérer ne peuvent pas être atteintes même par un « Gouvernement du Président » comme veut le Mouvement du Peuple pour des raisons logiques.
La Tunisie dispose de richesses naturelles. Mais pas au point de pouvoir transformer le pays. Le meilleur exemple est les phosphates. Ils n’ont pas un impact direct sur le Budget, contrairement à ce que pense la majorité. L’Etat n’est qu’un actionnaire et perçoit des dividendes. La plus grande contribution du Groupe Chimique Tunisien est au niveau des réserves en devises.
Pour le pétrole, il y a certainement des problèmes de gouvernance. Mais, il faut comprendre que notre capacité de production et de raffinage est limité et dépend des prix internationaux.
Quant au sel, nous restons loin dans le classement mondial des producteurs. Nous produisons moins de 1% de la production mondiale. S’en passer de nous reste ainsi facile pour nos clients.
Pour l’emploi, l’Etat a déjà consacré 39% de ses ressources au paiement des salaires fin septembre 2019. Aucune équipe gouvernementale n’osera en rajouter. D’ailleurs, cette masse est l’une des principales raisons de la cherté de la vie. Plus elle augmente, plus l’Etat met de la pression fiscale. celle-ci sera transmise aux agents économiques par les prix. Elle ne laisse aucune chance pour que les taux d’imposition baissent.
Quant à lutte contre la corruption, il faut que les Tunisiens aient conscience que la guerre totale à ce fléau va toucher leur quotidien. Prenons le cas du marché parallèle : une bonne partie de la population s’y approvisionne. Ce marché a des effets indésirables sur l’économie. Mais il participe à la régulation des prix. S’il disparaît, on aura un impact macroéconomique positif, mais les prix vont encore flamber.
Les grandes réformes ?
Mais les Tunisiens sont, historiquement, sélectifs dans les différentes mesures qu’un gouvernement doit prendre. Ils n’acceptent que les solutions qui leur sont favorables. Mais le pays a besoin de grandes réformes que la pression populaire les a retardé. Et par conséquent, augmenté le coût à supporter par le contribuable.
Nous devons travailler plus longuement pour sauver notre système de retraite. L’équilibre budgétaire de l’Etat nécessite que nous payions tous nos impôts et que nous refusions de consommer du marché parallèle même si cela va faire de la vie plus coûteuse. Nous avons besoin d’oublier la culture classique d’emploi dans une administration publique. Nous devons chercher à créer, soi-même, la richesse et les postes de travail. Il faut commencer par l’auto-changement avant tout car l’Etat c’est nous, pas l’exécutif.
Mais sincèrement, est-ce que nous sommes prêts à le faire ? Chacun de nous pense qu’il a déjà payé sa dette envers le pays. Les fonctionnaires tunisiens se considèrent comme mal rémunérés par rapport à leurs homologues dans le secteur privé. Ces derniers pensent qu’ils sont victimes des politiques managériales coercitives à leur égard et qu’ils bossent trop par rapport aux fonctionnaires ! Les chômeurs pensent que l’Etat n’a pas fait d’efforts pour les intégrer dans ses structures, notamment dans les régions intérieurs. Les habitants de ces régions se considèrent oubliés par le pouvoir central contrairement à ceux des grands gouvernorats qui, eux aussi, pensent qu’ils ont assez payé en termes de dégradation de qualité de vie !
Dans les propos de toutes les parties, il y a du véridique, mais il faut être conscient que ce pays mérite qu’on sacrifie un peu plus pour lui.