Rares sont les rapports de Moody’s qui ont suscité autant de polémique que celle du dernier rapport sur les banques africaines, y compris les établissements bancaires qu’elle note en Tunisie.
Ce rapport nécessite quelques éclaircissements. Il s’agit d’abord d’une revue et non d’un rapport de notation et aucune dégradation n’a eu lieu. Cette analyse intervient trois semaines après une évaluation réalisée par Moody’s pour le risque souverain pour une longue liste de pays, y compris la Tunisie.
Le contexte du rapport de Moody’s
En 2020, l’agence reste très pessimiste en matière de croissance économique. Ainsi, son appréciation pour les perspectives globales est passée de « Stables » à « Négative ».
L’économie mondiale est fragilisée par la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, les tensions politiques au Golfe, entre le Japon et la Corée du Sud sans oublier le Brexit.
Tous ces éléments mettent de la pression sur des pays comme Singapour, La Malaisie, l’Irlande ou la Belgique. D’autres pays ont des problèmes plus graves. Ils concernent le niveau de la dépendance du financement étranger, comme le Liban, la Turquie et la Tunisie.
Et comme toute révision des risques souverains, une revue des risques corporates suit. L’agence s’est donc intéressée aux établissements de crédits africains qu’elle note. Les pressions sur la qualité d’actifs et la forte exposition à des risques souverains ayant des perspectives négatives a conduit à la reconsidération des perspectives de ces banques.
Toujours les mêmes faiblesses
Et c’est la dégradation de l’environnement opérationnel pour l’ensemble du secteur, et non seulement des banques citées, qui pèse toujours sur leur notation. Moody’s a pointé le faible rythme de croissance et la forte vulnérabilité de la Tunisie face à son niveau actuel d’endettement. Cela réduit le volume d’affaires potentielles pour l’ensemble des opérateurs et ne permet pas d’améliorer la qualité actuelle d’actifs.
Fin 2018, le ratio des créances accrochées s’est établi à 13,4%. La solidité financière du secteur est fragile avec un ratio Tier 1 de 9%. La capacité des banques à supporter un choc macroéconomique reste encore limitée.
Mais en même temps, le rapport a souligné la réduction du niveau de refinancement de la BCT aux banques, ce qui montre une amélioration de la liquidité dans le secteur. Une baisse des créances classées est également attendue avec la liquidation des affaires en cours par les banques publiques et l’accélération du rythme de radiation des dettes carbonisées.
Inverser la tendance est possible
Malgré un contexte très morose, les banques tunisiennes sont déjà sur la bonne voie et peuvent espérer, au bout de quelques années, améliorer leur positionnement sur l’échelle de notation.
La plupart des éléments leur échappent car ils concernent des aspects macroéconomiques. Néanmoins, elles doivent individuellement œuvrer à améliorer leur ratio de fonds propres. Malheureusement, les conditions actuelles sur la Place de Tunis ne permettent pas de mener facilement une telle opération.
L’environnement haussier des taux a fait que ces opérations sont peu attractives pour des investisseurs qui préfèrent les placements monétaires juteux. La majorité des établissements s’est orientée vers les emprunts subordonnés, en attendant des jours meilleurs pour le marché actions.
En parallèle, il y a des efforts considérables au niveau de l’amélioration des niveaux de provisions. Et ce, comme l’atteste la hausse du coût du risque au premier semestre 2019. L’approche entreprise pour le moment par le régulateur se base sur une modernisation progressive du cadre réglementaire pour permettre aux banques d’assurer le financement de l’économie nationale.
La BCT ne peut se permettre d’imposer un passage direct à des normes internationales très compliquées car cela est synonyme d’une paralysie totale du système.