L’institutionnalisation de la Zakat : voici un sujet qui alimente le débat. Qu’il soit pour des raisons idéologiques ou des raisons économiques, plusieurs arguments signifient au contraire que l’institutionnalisation de la Zakat n’est pas la mesure adéquate pour booster l’économie.
Si le sujet refait surface, c’est à cause d’une proposition d’article dans le cadre du PLF 2020. En effet, le mouvement Ennahdha et la Coalition Al-Karama ont présenté l’article en question.
A peine la nouvelle a-t-elle vu le jour que la polémique sur la Zakat a surgi. Les initiateurs de l’article le présentent comme un levier de croissance et un moyen efficace de lutte contre le chômage et la précarité.
En quatre articles, les deux partis ont annoncé le projet à polémique. L’objectif du Fonds, selon le projet d’article, est « soutenir les efforts de l’Etat ». Et ce, dans plusieurs volets:
- Les mesures sociales destinées aux personnes et familles nécessiteuses et les personnes à mobilité réduite;
- Le financement partiel ou total des projets des chômeurs dans les zones défavorisées;
- Accorder des pensions annuelles pour les étudiants, élèves et chômeurs de familles nécessiteuses;
- Honorer l’endettement des artisans, agriculteurs et PME qui se trouvent en défaut de paiement;
- Contribuer à l’amélioration de l’infrastructure de la santé publique, l’enseignement, la recherche scientifique et les institutions religieuses. Toujours selon la même vision, les ressources du fonds proviennent de la Zakat des particuliers, des entreprises et des dons.
La proposition prévoit également la mise en place d’une Commission Nationale pour gérer et auditer le fonds. Elle se compose de la Cour des Comptes, la Présidence du Gouvernement, le Ministère des Finances, le Ministère des Affaires Religieuses, le Ministère des Affaires Sociales, l’Instance Nationale de la Lutte contre la Corruption, la Cour des Comptes, l’Instance Nationale des Comptables, l’Association Tunisienne de la Zakat, Université Zaytouna et l’Office de l’IFTA.
Après avoir présenté l’article, place aux motifs de l’impossibilité de sa mise en place.
L’institutionnalisation de la Zakat est un retour aux débats identitaires en Tunisie
A la suite de la chute de la Troïka, les débats identitaires ont baissé considérablement. La Constitution Tunisienne a déterminé la nature de l’Etat dans l’article 2. Cet article précise que « La Tunisie est un État civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit« . L’article 1 précise, également, que « la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ».
Les deux articles ont mis fin à l’instrumentalisation de la Chariâa dans la vie publique et politique. Par ailleurs, cet article pourrait laisser la porte grande ouverte à l’interprétation religieuse en contradiction flagrante avec l’esprit civil de l’Etat et de la Constitution émancipée pour laquelle, les progressistes se sont battus depuis la mise en place de l’Assemblée des Représentants du Peuple.
Une obligation ou un choix !
L’article n’a pas précisé si la contribution au fonds est une obligation ou pas. Un silence qui pourrait laisser penser à un nouvel impôt obligatoire. S’il s’avère que c’est une obligation, nous avons le droit de parler d’impôt parallèle qui se greffe sur d’autres types d’impôts. D’ailleurs, les particuliers et les entreprises, notamment les PME, en souffrent.
A cela s’ajoute que la pression fiscale en Tunisie est l’une des plus élevées du monde. Vu la conjoncture socio-économique actuelle, ni l’entreprise ni le particulier ne sont capables de participer à l’alimentation de ce fonds.
D’ailleurs, une obligation pareille est en contradiction avec les revendications des PME qui en appellent annuellement la baisse de la pression fiscale. Il s’agirait peut-être d’un nouveau coup de massue aux PME. Même la philosophie de la Zakat en Islam laisse le choix au donateur d’offrir son Zakat à qui il veut.
Et si l’Etat se mettait à assurer le recouvrement de l’endettement public au lieu d’imposer un nouvel impôt !
Il serait judicieux d’assurer le recouvrement des impayés au lieu de présurer le contribuable. En 2018, 3000 MD n’ont pas été recouverts aux dires des experts. La mise en place d’une vraie réforme fiscale traîne encore.
Tous les chiffres s’accordent à dire que l’Etat n’a pas réalisé des performances en matière de réformes et d’élargissement fiscale et en matière de recouvrement des sommes dues. Faut-il encore rappeler que le pays a un énorme besoin pour récupérer les impayés. Et ce pour booster l’investissement et le développement régional.