Rencontre, le 14 décembre 2019, à la Cité des sciences à Tunis, pour la présentation d’un livre centré sur le vécu politique des Destouriens. Tout au long de ce qu’ils appellent l’Etat national.
Ce livre est l’oeuvre de l’Amicale des Anciens parlementaires Tunisiens (AAPT). Mais les Destouriens ne sont-ils pas responsables de ce qui leur est arrivé en décembre 2010 et janvier 2011?
Fierté quant aux réalisations accomplies entre 1955 et 2010, mais force est de constater que des erreurs ont été commises par les Destouriens. Le livre présenté par l’Amicale des Anciens Parlementaires Tunisiens (AAPT), le 14 décembre 2019, à la Cité des sciences de Tunis, a voulu faire passer ce double message.
Importantes réalisations, mais…
Un livre de quelque trois cent soixante-dix pages qui se veut une « Lecture critique des politiques de gouvernement entre 1995 et 2010 ». Une lecture qui a touché à tous les aspects de la vie publique. La vie politique évidemment, mais aussi économique, sociale et culturelle.
Un travail de longue haleine qui est l’œuvre de pas moins de quatre cents personnes qui ont été, pour la plupart, des acteurs importants de la vie politique du pays (anciens ministres, ambassadeurs, PDG, directeurs généraux, parlementaires, membres de partis politiques, notamment du Parti Socialiste Destourien (PSD) et du Rassemblement Constitutionnel démocratique (RCD).
Un travail qui n’a pas été mené sans difficultés. Les membres de l’AAPT ne sont pas en effet tous d’accord quant à la démarche, a reconnu Adel Kaaniche, président de l’Amicale. Il a annoncé, dans un mot de présentation du livre, que certains y ont vu du bon et d’autres pas du tout. Ou du moins partiellement.
Adel Kaaniche a affirmé également que la démarche, menée entre 2016 et 2017, est en rapport avec les travaux de l’Instance Vérité et Dignité (IVD). Une sorte de contre-message de cette Instance qui a été largement critique de l’œuvre de « l’Etat national », expression entendue plus d’une fois au cours de la rencontre de l’AAPT.
Le livre est parsemé de phrases et d’expressions qui jugent somme toute sévèrement –et malgré la mise en exergue des importantes réalisations de « l’Etat national » – l’œuvre accomplie entre 1955 et 2011.
« Une constitution sur mesure pour Bourguiba », « adoption d’un système politique basé sur le parti unique et difficulté de passer à un paysage libre et multipartiste », « des engagements limités au niveau du développement régional »… Les textes publiés sont truffés de petites phrases de ce genre.
Absence d’une éclosion d’une élite au niveau de l’opposition ?
Les débats qui ont suivi la présentation du livre de l’AAPT n’ont pas manqué non plus d’une certaine autocritique sur le bâti destourien. « Un de nos échecs aura été de ne pas avoir permis l’éclosion d’une élite au niveau de l’opposition », a dit un ancien ministre en poste sous Ben Ali.
Mais les Destouriens ne sont-ils pas responsables de ce qui leur est arrivé en décembre 2010 et en janvier 2011? « Il y avait comme une inaction, une sorte d’inertie qui a fait que le régime de Ben Ali est vite tombé », a souligné un ancien cadre du PSD. « Cela était-il dû au fait que certains ont comploté contre leur propre structure ? », a opiné un autre.
Mais que reste-t-il aujourd’hui de la pensée destourienne ? La question, comme une autre sur ce qu’il faudra redonner vie à celle-ci, a occupé une partie des débats à l’heure où les militants destouriens s’apprêtent à fêter en 2020 le vingtième anniversaire de la naissance du Destour, le parti créé, en 1920, par Abdelaziz Thaâlbi.
Un Destour qui a, a insisté plus d’une personne présente, un long passé, puisque la pensée destourienne date du mouvement des Jeunes Tunisiens de Ali Bach Hamba et peut-être bien avant du XIX ème siècle et de l’émergence du mouvement réformiste tunisien.
Force est cependant de constater que les Destouriens sont divisés aujourd’hui. Ils sont installés dans plus d’un parti et d’un mouvement. Mais ils constituent, à en croire certains intervenants de la manifestation organisée par l’AAPT, une majorité dans le pays. Plus de 80 membres de l’actuelle Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) ont été à un moment de leur vie politique des Destouriens !