Les législatives tunisiennes n’ont pas dégagé un parti ou du moins une coalition majoritaire. Une situation politique qui a une incidence directe sur l’exécutif et la formation du gouvernement.
Ainsi, le premier délai d’un mois- renouvelable une fois- pour former l’organe exécutif vient d’expirer. Et c’est l’ensemble de l’appareil institutionnel et la capacité d’action de l’Etat qui pâtissent de cette situation politique d’incertitude et de vide institutionnel partiel.
En réalité, une situation qui peut sembler incongrue. Mais qui est loin d’être si exceptionnelle dans les démocraties contemporaines. En attestent la difficulté et le temps qu’a nécessité la formation des récents gouvernements allemand, italien, belge, espagnol…
Cependant, processus de nature foncièrement politique, la formation d’un gouvernement peut néanmoins faire l’objet d’un certain encadrement. Et ce, par un ensemble de règles de droit et/ou d’usages.
A cet égard, cette forme de « procéduralisation » de la formation des gouvernements s’inscrit dans une temporalité donnée; mais plus ou moins déterminée.
Car, si la décision politique suppose du temps libre, le décideur politique est soumis à des contraintes. Elles sont dictées par l’accélération à la fois des cycles électoraux, de l’urgence socio-économique et du rythme médiatique. Celui-ci s’imposant par un phénomène d’information continue accentué par la révolution numérique.
Donc, l’action gouvernementale n’échappe pas à cette accélération du temps politique. Mieux, la formation du gouvernement s’inscrit elle-même dans un cadre temporel plus ou moins défini par le droit.
Government-making power
Par ailleurs, le « government-making power » est à la charnière du droit et de la politique. D’un côté, il y a traditionnellement dans les constitutions nationales peu d’éléments sur la composition du gouvernement.
De l’autre, la formation d’un gouvernement relève d’abord de considérations politiques. A savoir:
- L’obtention ou non de la majorité parlementaire absolue du parti vainqueur des élections législatives;
- Les rapports de force inter-partisans et intra-partisans au sein de la coalition gouvernementale;
- La prise en compte variable de critères liés à l’équilibre entre élus/non élus, à la représentation territoriale et socioprofessionnelle, à la parité homme-femme, etc.
Mais, ce processus n’échappe pas forcément à une certaine codification juridique et procédurale.
Par exemple, les Constitutions grecque, turque et israélienne fixent les délais pour la formation du gouvernement.
D’ailleurs, ce dernier cas retiendra notre attention. Et ce, compte tenu du fait que le pays s’avance vers un nouveau scrutin législatif (en mars 2020). Le troisième en moins d’un an, à cause de l’incapacité des partis politiques à former un gouvernement.
En effet, la « Loi fondamentale sur le gouvernement » prévoit un délai total de 42 jours pour la formation du gouvernement. Durant un premier délai de 28 jours à partir de l’annonce des résultats officiels, un membre de la Knesset nommé par le président de la République est missionné pour former un gouvernement.
Toutefois, le candidat arrivé en tête des élections législatives peut demander un délai additionnel de 14 jours. Afin de prolonger ses consultations, en vue de constituer une coalition gouvernementale.
L’autorisation de prolongation de délai est soumise au président israélien, et l’autorisation est, en pratique, obtenue systématiquement. En cas d’échec, au terme de ce délai, le président de la République peut soit confier la formation du gouvernement à un autre député de la Knesset (auquel cas, sa mission s’inscrira dans le délai non renouvelable de 28 jours). Soit provoquer l’organisation de nouvelles élections législatives.
Tunisie: situation d’urgence
La situation en Tunisie semble moins alambiquée. Le droit national prévoit même le calendrier à venir: si Habib Jemli échoue à rassembler une majorité parlementaire d’ici mi-janvier, il reviendra au président Kaïs Saïed de proposer un chef de gouvernement. Ce dernier aurait également deux mois pour former un cabinet.
Les « responsables » politiques ont donc encore le temps de décider, juridiquement parlant.
Mais la situation d’urgence du pays permet-elle de jouir de ces délais et de jouer avec le temps?