En ce mois de décembre 2019, cela fait plus de dix-huit ans que les Etats-Unis pataugent dans le bourbier afghan. L’Amérique a ainsi battu le record de longévité des très nombreuses guerres qu’elle a menées. Et qu’elle mène encore à des milliers de kilomètres de son territoire.
Or, le Washington Post, l’un des grands journaux aux Etats-Unis qui avait soutenu passionnément cette guerre à ses débuts, vient de publier, après une longue bataille judiciaire, « Afghanistan papers ». Il s’agit de milliers de pages d’interviews de militaires américains impliqués dans le bourbier afghan.
Et les administrations américaines successives (celle de Bush fils, d’Obama et de Trump) ont tout fait pour empêcher la publication de ces documents. Car, ils dévoilent au grand jour les mensonges débités dix-huit ans durant au peuple américain.
En effet, depuis le 7 octobre 2001, date de l’invasion, des milliers de communiqués du Pentagone, de conférences de presse d’officiers, d’articles de journaux et de reportages radiophoniques et télévisés n’ont cessé de mentir au peuple américain sur la réalité de la guerre en Afghanistan.
Ainsi, les Américains savent, par exemple, que les Etats-Unis ont envahi l’Afghanistan « sans savoir qui était son peuple, qui était avec eux ou contre eux, ni si l’ennemi était al-Qaïda ou les Talibans ou même les chefs de guerre que la CIA finançait. »
L’institution la plus dangereuse au monde
Cette affirmation, attribuée à un militaire, met en lumière l’aventurisme criminel de l’administration Bush fils en Afghanistan. Le même Bush récidive moins de deux ans plus tard avec une aventure militaire plus criminelle encore : l’invasion de l’Irak en mars 2003.
Avec comme architecte de ces deux désastres, le secrétaire à la Défense d’alors, Donald Rumsfeld. Un obscur PDG d’une société de matériel électronique à qui Bush a confié la gestion de l’institution la plus dangereuse au monde : le Pentagone.
En 18 ans de guerre en Afghanistan et en Irak, le contribuable américain a déboursé plus de huit trillions de dollars. C’est-à-dire 8000 milliards de dollars. Pourquoi? Pour massacrer, détruire, nourrir l’hydre terroriste et transformer la vie des dizaines de millions d’Afghans et d’Irakiens en enfer.
Si cette somme faramineuse avait été distribuée aux 50 pays les plus pauvres, chacun aurait eu droit à 160 milliards de dollars. Des centaines de millions d’êtres humains auraient été tirés de la misère. Des millions d’autres auraient été sauvés des maladies mortelles. La face du monde aurait changé et la paix aurait régné entre les hommes.
Ce rêve aurait pu se concrétiser si les Etats-Unis étaient ce qu’ils prétendent être : « l’empire du bien ». Or, depuis 2001, et plus précisément depuis le 11 septembre de cette année, l’Amérique s’est transformée en une machine infernale qui arpente la planète à la recherche d' »ennemis » à détruire.
« Afghanistan papers » de 2019, qui dévoilent les mensonges des administrations Bush et Obama sur la guerre contre les Talibans, font écho aux « Pentagone papers » de 1971 qui dévoilaient les mensonges des administrations Johnson et Nixon sur la guerre du Vietnam. Tout comme les « Afghanistan papers », le New York Times n’avait pu publier les « Pentagone papers » qu’après une longue bataille judiciaire.
Les responsables du désastre afghan n’ont pas eu plus de chances que les instigateurs du désastre vietnamien de maintenir leurs mensonges secrets et de les protéger contre la curiosité des médias.
Au Vietnam hier et en Afghanistan aujourd’hui, les mensonges sont la règle. C’est que les politiciens qui donnent les ordres et les officiers qui les exécutent n’aiment pas les défaites qui pourraient signifier la fin de leurs carrières.
Des cris effarouchés de sainte-nitouche
Prolonger des guerres « ingagnables » en travestissant la réalité sur le terrain, en gonflant les pertes de l’ennemi et en minimisant les leurs, en promettant au peuple que la victoire est à portée de main et qu’elle ne saurait tarder, telles sont les composantes de la folle stratégie que les différentes administrations américaines ont suivie au Vietnam, en Afghanistan et ailleurs.
Cependant, le plus terrifiant, c’est cette passivité et cette indifférence des 300 millions d’Américains. Vis-à-vis de la multitude de crimes de guerre commis par l’establishment washingtonien en Afghanistan, en Irak et ailleurs.
Des trillions de dollars partis en fumée, des dizaines de millions d’innocents entre morts, blessés et déplacés, des pays détruits sans raison aucune, et le peuple américain vit sa vie normalement. Aucune réaction. Aucune manifestation contre l’aventurisme criminel du Pentagone.
Pourtant, l’Amérique est capable de se mettre en colère et de demander des comptes à ses politiciens. Actuellement le pays bouillonne et on remue ciel et terre. Parce que le président Trump a demandé au président ukrainien d’enquêter sur des pratiques douteuses de Joe Biden, l’ancien vice-président d’Obama, et de son fils, employé par une grande compagnie ukrainienne.
Pour cette futilité, tous les démocrates du pays et une bonne partie de médias influents poussent des cris effarouchés de sainte-nitouche, exigeant l’impeachment de l’actuel président.
Tandis que Bush, Obama et leurs collaborateurs civils et militaires coulent des jours heureux. Pour le peuple américain, ils n’ont commis aucun crime de guerre. Ils ont servi les intérêts des Etats-Unis, même si cela s’est traduit par la destruction de nombre de pays et par la mort et le déplacement de millions d’êtres humains. Ils n’ont pas « comploté » avec des présidents étrangers contre des rivaux politiques…