Il est maintenant certain que l’actuel parlement nous réserve plusieurs « bonnes » surprises tout au long de ce quinquennat qui vient à peine de commencer. Après les débats autour de la Loi de Finances 2020, nous voilà avec une nouvelle initiative législative lancée par l’Union Populaire Républicaine et qui vise la révocation de l’indépendance de la BCT !
Selon ce parti, c’est cette indépendance qui pousse l’Etat à s’endetter auprès des banques plutôt que la BCT au moment où ces établissements dépendent de son refinancement. Le parti a mis sous le feu des critiques la politique monétaire de la BCT, essentiellement la hausse du taux directeur, et qui va à l’encontre de la politique économique du gouvernement.
De quoi parle-t-on?
Ce que certains n’arrivent pas à comprendre, c’est que la politique économique d’un gouvernement peut conduire à la faillite proprement dite. L’indépendance signifie que l’exécutif et les parlementaires n’ont pas le droit d’interférer dans les décisions de la Banque des banques. Généralement, les régulateurs veillent aux grands équilibres macroéconomiques alors qu’un gouvernement serait prêt à les sacrifier avant une échéance électorale.
L’essence de l’indépendance se trouve dans la volonté de contrôler l’inflation. Et c’est effectivement le cas en Tunisie. La politique monétaire suivie a permis de décélérer la hausse des prix ce qui donnera du sens aux prochaines augmentations salariales. Si le taux directeur n’a pas été révisé à la hausse en février 2019, on serait avec une inflation minimale à 8%. Nous restons toujours avec une inflation sous-jacente rigide, mais elle est largement due à l’inaction du gouvernement dans plusieurs champs de bataille.
Une indépendance remise en question
Ce que dérange l’UPR, et derrière une large partie de la classe politique, c’est que l’indépendance de la BCT lui donne la possibilité de se limiter à des interventions de second rang, à travers les taux d’intérêt par exemple, alors qu’il serait plus judicieux d’intervenir directement. Ce genre de politique crée des problèmes dans la répartition des fonds et impacte la politique d’octroi de crédits.
En partie, cela est vrai. La hausse des taux a privé les investisseurs de financements bancaires et une bonne partie des ressources disponibles se sont réfugiées dans les produits monétaires. Cela explique d’ailleurs la décision de la BCT de limiter le refinancement des achats de BTA à 40% seulement.
Mais en même temps, si la BCT a joué la carte de la création monétaire, en faisant appel à la planche à billets pour financer le trou budgétaire de l’Etat, quelle serait la taille de la masse monétaire aujourd’hui? Comment lutter contre l’inflation qui aurait dû en résulter?
Pour éviter ce scénario, la création monétaire est orchestrée à travers les banques commerciales (politique de crédits) ainsi que le financement du déficit public par l’émission de BTA.
Imposer un ratio Crédits/Dépôts de 120% visait un contrôle plus strict du mécanisme de création monétaire, car l’économie est toujours en panne. Toute nouvelle monnaie va directement se convertir en une hausse des prix.
Un problème de finalité
Certes, la politique monétaire actuelle de la BCT n’est pas parfaite. D’ailleurs, il n’existe pas de politique économique capable de résoudre tous les problèmes. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle a permis d’éviter le pire.
Ce qui inquiète est le fonds de ce débat. L’objectif de certains politiciens n’est pas une collaboration étroite entre le gouvernement et la BCT pour mieux affronter les problèmes. La finalité est plutôt rendre le régulateur un simple outil entre la main de l’exécutif et des parlementaires, et la différence entre les deux situations est claire. Le bon sens fait qu’un gouvernement ne peut que défendre les équilibres macroéconomiques car ils sont le garant de la continuité de l’Etat.
Avec de telles initiatives, il ne faut plus se demander pourquoi le FMI et les autres bailleurs de fonds semblent durcir le ton.
Bienvenue au quinquennat de la souffrance!