C’est connu, on ne vit pas que de bons sentiments, et tout laisse à penser que le président de la République est sur la mauvaise pente. Alors que cela fait un peu plus de deux mois qu’il est installé à Carthage.
Ainsi, la charge serait-elle trop lourde pour ses frêles épaules? Comment y remédier? Quand tout dans les dernières sorties présidentielles respire le désordre, la précipitation et l’absence de jugement. Le président veut prendre son temps et donner du temps au temps; mais est-ce bien le cas? Il veut se parer de « la sagesse attitude », encore faut-il que là aussi, ce soit le cas. Et puis, à l’heure des hautes technologies où tout se passe en temps réel, n’est-il pas à craindre que prendre du temps, ne devienne lenteur? Que trop réfléchir, ne devienne hésitation et manque d’assurance? Pour ne pas dire incompétence? Le président Saïed ne serait-il pas l’homme de la fonction? Alors que près de trois millions de voix se sont portées sur sa personne. Vraies questions.
L’embarras !
En effet, on ne vit pas que d’envolées lyriques qui galvanisent les foules. Le nouveau président l’apprend chaque jour à ses dépens. Sa dernière sortie à Sidi Bouzid témoigne de cette inconsistance. Celle-ci est due peut-être à l’inexpérience que ceux qui n’ont jamais cru en les capacités de M. Saïed pour diriger et incarner le pays, exploitent à souhait.
Car, on a vite dit que l’ancien professeur de droit était un miracle de la révolution. Il va falloir déchanter, à moins que ce dernier ne se rebiffe. En faisant taire ses détracteurs par l’effet de ce que la population attend d’un président.
D’ailleurs, je ne sais si le chef de l’Etat devra s’en prendre à lui-même; ou bien aux personnes de son entourage le plus proche qu’il a désignées. Et qui semblent ne pas être à la hauteur de la responsabilité qui leur a été confiée? Je dirais les deux à la fois.
A cet égard, il est clair que le président est dans l’embarras et cela se voit. Qu’il veuille jouer le conciliateur même tardivement, pour faciliter la mise en place rapide du nouveau gouvernement; il y aura toujours un Ghannouchi qui voudra jouer le grand seigneur et tout gâcher.
Cependant, les sondages disent que le président caracole toujours en tête. Sauf que l’état de grâce a ses limites et qu’elles commencent à apparaître. Dire que la situation du pays impose qu’il soit plus dans l’action que dans la parole est une évidence. Faire le constat que le président a tendance à tomber dans le piège du populisme, en est une autre.
Quel complot?
Et on a tellement flatté le nouveau président qu’on a cru un moment que les tontons flagorneurs étaient de retour. Alors qu’on a naïvement pensé que l’époque où on chouchoutait l’ego démesuré du prince et de son régime était derrière nous. Erreur. Autre erreur aussi d’avoir cru que l’on ne s’en prendrait plus aux journalistes.
Donc, le président de la République déçoit. Et ce n’est pas en nous hurlant qu’il est victime d’un complot qui se tramerait dans une chambre close, qu’il fera revenir une confiance qui s’effiloche. Quel complot? Allez savoir.
A moins que ce ne soit du vent, cette journée du 17 décembre 2019 aura marqué les esprits. Puisque si le président a dit vrai, il y aura un avant et un après 17 décembre 2019. S’il a dit faux, ce sera une autre histoire.
Un peu plus, et on dirait que le chef de l’Etat fait comme le chef du gouvernement sortant. Un Youssef Chahed qui, pour masquer son échec, s’est défaussé sur l’héritage laissé par les gouvernements qui l’ont précédés.
On a dit du président qu’il était le meilleur, le plus apte, le plus propre, le plus honnête, le plus droit. Et qu’il incarnait à merveille ce retour à la véritable foi révolutionnaire. Cela n’empêche pas le doute. Que dire, quand vous restez muet, alors qu’il vous appartient de réagir et d’agir à la fois?
En outre, la nature a horreur du vide que les autres se hâtent de rentabiliser. C’est ce que s’empresse de faire Rached Ghannouchi. Puisqu’il n’hésite pas à envahir l’espace laissé vacant pour l’accaparer et se le réapproprier.
Le « Président de tous les Tunisiens »…
Après Sidi Bouzid, beaucoup ont vite présenté M. Saïed comme étant un président dangereux. Non, le président dangereux, c’est bien l’autre président qui siège au Bardo… On sait que le cheikh- professeur et ses disciples ont cette manie à haut risque de tout vouloir voir en double… Sauf que le gourou est allé cette fois-ci encore plus loin dans la provocation et la défiance. C’est oublier qu’à Montplaisir, on porte le parallélisme à son point culminant. Et on ne s’en cache pas. Même si c’est tout l’appareil de l’Etat qui devra y passer. Et quand, en plus, on s’autoproclame ipso facto président de tous les Tunisiens, la boucle est bouclée. Pourquoi s’en priver quand tout vous y invite? Que M. Ghannouchi use et abuse, cela participe d’une passivité coupable, hélas bien consentie. Pourquoi se priver de l’immense boulevard ouvert par un Mohamed Bouazizi que tout le monde s’arrache pour mieux le dépouiller.
« Après Sidi Bouzid, beaucoup ont vite présenté M. Saïed comme étant un président dangereux ; non, le président dangereux, c’est bien l’autre président qui siège au Bardo… »
Alors, une question simple, mais qui vaut son pesant d’or, s’impose. Jusqu’à quand va-t-on laisser l’homme nuire à la République civile et à tout ce qu’elle représente?
Et s’il y a un lieu symbolique où le réveil attendu pourrait être sonné, c’est bien celui de l’Assemblée nationale dans sa nouvelle composition. Celle-ci a déjà envoyé deux signaux. Et ce n’est que le début. La bataille pour s’affranchir de la tentacule sera sans doute longue et coriace. Rendez-vous est pris dans cinq ans.