L’arrivée du Président Turc Recep Tayyip Erdoğan pour rencontrer son homologue le Président de la République Kaïs Saïed a surpris plus d’un. Pour la simple raison c’est que cela n’était pas dans le programme des visites officielles. Quels sont les dessous de cette visite ? Rafaa Tabib, expert en géopolitique, donne son analyse dans une déclaration exclusive à leconomistemaghrerbin.com
Rafaa Tabib revient sur l’erreur protocolaire. Il estime que le pays voisin, à savoir l’Algérie, est en deuil depuis le décès de Gaïed Salah. « Or la visite d’Erdogan en Tunisie, c’est une première. D’ailleurs, j’espère qu’il s’agit d’une erreur de calcul géopolitique et non d’une véritable réflexion stratégique », rétorque-t-il.
Il ajoute: « Il y a une guerre qui se propage. Quant aux flammes de cette guerre, elles ne vont pas respecter les frontières. Tout comme j’ajouterais que l’accord entre Erdogan et le Chef du Gouvernement d’Union Nationale Fayez El Sarraj va impacter les frontières. Cela ne concerne pas uniquement les frontières tunisiennes. Cela touchera également les frontières avec l’Egypte, l’UE, la Grèce et touche, entre autres, les frontières avec les sociétés pétrolières et gazières installées dans la région. Ce qui nous amènera une guerre dans toute la région. Et ce qui va se passer, en effet, c’est que l’Algérie et l’Egypte vont réagir ».
Revenant sur la position de la Tunisie, Rafaa Tabib souligne de son côté: « On se retrouve à soutenir un gouvernement fantoche. Et ceux qui ont soutenu Sarraj au départ, c’était la France et l’Italie. Aujourd’hui, Sarraj n’est plus reconnu par ces deux pays. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi comment peut-on soutenir quelqu’un qui est devenu l’ennemi à abattre. Mais plus encore, pourquoi ne pas rencontrer Aguila Salah Issa, Président du Parlement Libyen basé dans l’Est du pays, alors que ce dernier dans deux semaines sera reçu à Washington où il proposera son initiative de reconstruction de la Libye ».
Selon l’expert, l’intérêt stratégique de la Turquie est d’intervenir militairement en Libye. Il ajoute: « Le premier déplacement qu’a fait Erdogan après la signature avec Sarraj est en Tunisie. Le même jour où le Parlement Turc est en tain de discuter d’une adoption de loi permettant l’intervention militaire en Libye. Mais ce qui fait encore plus peur, ce sont les terroristes qui sont les leviers réels turcs ».
Il conclut: « Il faut comprendre que l’impérialisme Ottoman était pire que les autres impérialismes. Qu’est-ce qu’on a à gagner dans ce foutoir. Il n’a rien résolu. Il faut comprendre qu’on est dans un pays aux abois. Pourquoi ne pas en discuter à Moscou, à Paris. La Tunisie est en train de perdre du temps. Il faut penser à la souveraineté d’abord ».
Reste à savoir que l’intérêt de la Turquie pour la Libye n’est pas nouveau. Car il est clair que les Turcs ont trouvé de nouveaux moyens d’étendre leur influence politique et militaire sur le terrain.