C’était prévisible que l’Iran réagisse, vu l’importance et la valeur de la victime. Le monde entier qui retient son souffle pour voir comment les dirigeants iraniens vont réagir. Et les appels de millions d’Iraniens à la vengeance, autant d’éléments qui font que l’Iran ne pouvait pas ne pas réagir. Ce n’était donc qu’une question de temps pour venger Qassem Soleimani.
Et « le temps » arriva dans la nuit de mardi 7 à mercredi 8 janvier. A l’heure exacte où un tir de drone américain tua le général Qassem Soleimani à Bagdad, cinq jours plus tôt. En l’espace d’une demi-heure, 22 missiles ont été tirés sur deux bases militaires américaines en Irak.
Ainsi, plusieurs heures après la double attaque, nous ne disposions que de deux versions. L’iranienne qui assure que les missiles ont fait 80 morts et plusieurs morts parmi les soldats américains. Et la version du Pentagone qui assure que les missiles iraniens ont fait des dégâts matériels, mais zéro mort…
Dans les jours qui viennent, nous en saurons davantage sur les pertes. Nous serons également fixés sur l’évolution que prendra la crise. A savoir une montée continue de la tension jusqu’à la guerre, ou diplomatie et sagesse en vue de l’apaisement. Toutefois, si l’on en juge par le ton plutôt calme avec lequel on parle tant à Washington qu’à Téhéran, on pourrait dire que l’on s’avance plutôt vers l’apaisement.
La crise remonte à des décennies en arrière
Car, la grande et interminable crise entre les Etats-Unis et l’Iran remonte à des décennies en arrière. A l’année 1979, quand la révolution islamique renversa la dictature du Chah d’Iran Mohammed Reza Pahlavi. Elle remonte même à 1953, quand le dirigeant nationaliste Mohammed Mosaddeq fut renversé par la CIA. Et ce, suite à sa décision de nationaliser les richesses pétrolières du pays.
Mais, en éclairage de cette dangereuse montée de la tension en ce début d’année, contentons-nous dans cet article de remonter seulement au 21 juin 2019. Ce jour là, les Iraniens ont abattu un drone de reconnaissance américain, un RQ-4A Global Hawk. Il n’y a pas eu de victimes, mais 250 millions de dollars ont instantanément été transformés en un tas de ferraille.
D’ailleurs, il est à rappeler ici que le secrétaire d’Etat Mike Pompeo et son ami John Bolton, l’ancien conseiller à la Maison-Blanche, faisaient la paire qui poussait Trump vers une confrontation avec l’Iran. Le plus insistant était Bolton, ce qui amena Trump, qui ne voulait pas de guerre, à s’en débarrasser.
Alors, resté seul, Pompeo mit momentanément de l’eau dans son vin et attendit. L’abattage du drone par les Iraniens le 21 juin 2019 lui donna l’occasion de revenir à la charge. Il finit par convaincre Trump de réagir et celui-ci ordonna des frappes contre des cibles en Iran…Puis, il les annula dix minutes avant le temps prévu pour leur lancement.
D’après le Washington Post, la frustration de Pompeo était si grande qu’il devint « morose ». Dans son édition électronique du vendredi 3 janvier, le même journal révèle que « Pompeo a parlé pour la première fois avec Trump du meurtre de Soleimani il y a des mois. Mais, ni le président ni les responsables du Pentagone n’étaient disposés à accepter une telle opération ».
Pompeo, « l’homme le plus dangereux du monde »
En effet, le Secrétaire d’Etat, dont la mission est d’user de la diplomatie dans les relations de son pays avec l’étranger, fait une fixation sur la guerre avec l’Iran. Tout change le 27 décembre. Ce jour là, une attaque fut menée contre une base américaine dans le nord de l’Irak. Un homme d’affaires américain est tué et deux ou trois soldats blessés. A Washington, on accusa une milice chiite irakienne « téléguidée par Soleimani ».
Ce fut l’occasion qu’attendait Pompeo désespérément. Il se concerta avec son ami et camarade de classe, le secrétaire à la Défense Mark Esper. Ils se rendirent tous deux en Floride où Trump passait les fêtes de fin d’année à Mar-a-Lago, sa résidence de Palm Beach. Cette fois, Pompeo, aidé du chef du Pentagone, réussit à convaincre Trump de donner l’ordre d’assassiner Qassem Soleimani.
Et selon la presse américaine, Trump s’est laissé convaincre par les explications que lui ont donné Pompeo et Esper. A savoir que « la milice qui a mené l’attaque du 27 décembre est téléguidée par le général Soleimani; celui-ci prépare des attaques d’envergure contre les intérêts américains; la sécurité des forces américaines serait meilleure si l’ordre de tuer le général iranien est donné ».
Un président-gangster
La suffisance, l’arrogance, les facultés intellectuelles limitées et l’absence de sens politique, telles sont les vraies raisons qui ont en fait poussé Trump à se comporter non pas en président de la première puissance du monde, mais en chef d’un groupe mafieux prompt à éliminer des rivaux gênants. Ainsi, le célèbre acteur Robert de Niro n’a étonné personne quand il l’a qualifié il y a quelques jours sur CNN de « président-gangster ».
Puis, ce fut au tour du magazine américain The New Republic de poser la question sur la fixation pathologique de Pompeo sur l’Iran. « Qu’est-ce qui se cache derrière l’obsession de Pompeo pour l’Iran? Ce pourrait être ses propres convictions évangéliques que la République islamique doit être confrontée? Ce pourrait être la politique intérieure? Il a si souvent répété qu’il démissionnerait pour briguer le poste de sénateur du Kansas. Sa position maximaliste sur l’Iran l’a rendu populaire parmi juifs orthodoxes et les chrétiens évangéliques. Mais quelle que soit l’explication, son comportement est aux antipodes de l’esprit d’État. Il est incapable de peser les conséquences d’un conflit ouvert avec une nation de 82 millions d’habitants. »
Le magazine conclut qu’ « aujourd’hui, aucun homme n’est aussi dangereux pour l’humanité que Pompeo. »