Il semble que le chef d’Ennahdha a décidé de passer à la vitesse supérieure pour asseoir le pouvoir islamiste en Tunisie. En apparence, tout l’incite à aller dans cette direction. Des formations dites modernistes laminées, une défaillance d’alternative crédible et combative; la lâcheté des uns, la couardise des autres. Ou la bassesse de toute une cour d’opportunistes, qui se sont mis au service de son dessein, par intérêt ou par peur; des citoyens écrasés par les problèmes quotidiens de survie… La politique du pire.
Autant d’éléments dans la persistance de ce coup de force en infligeant un gouvernement pléthorique. Aussi agressif avec des « fauconneaux » dans des départements ministériels sensibles et quelques bigots retors dans d’autres. Mais, dans cette entreprise téméraire le chef de musique tente le diable. La politique du pire en fait. Car, il prend des risques et se perd dans un cheminement hasardeux pour lui et pour son mouvement. Surtout avec ce qui se dessine dans la région quant au fiasco de l’islam politique.
Au-delà des motifs avoués ou inavoués, justifiés ou non, approuvés ou rejetés, ce nouveau palier dans le tamkin confirme les ambitions totalitaires de la confrérie. D’ailleurs, il suffit de rappeler les méthodes discrétionnaires employées par leur mentor dans sa propre organisation. En effet, elles soulevaient des contestations au sein même de ses propres instances. Pour se rendre compte qu’il tient à être le maître incontesté.
Ainsi, la politique du pire pratiquée actuellement, serait sans doute la pire des politiques. Parce qu’à la fois la plus douloureuse, pour les citoyens et la plus contre-productive politiquement. Puisque, nous faisons face à un pouvoir irresponsable qui, en prenant ses urgences pour l’essentiel, ruine l’urgence de l’essentiel. Le court terme de sa survie menace le long terme de notre futur. Ses serviteurs sont imprévoyants, aggravent les maux qu’ils prétendent combattre. Quand, au contraire, des mobilisations venues de la société portent l’esprit de responsabilité et le réalisme de solutions durables. C’est ce que nous enseignent si bien les neuf ans qui nous séparent de 2011.
Jamais l’annonce des membres d’un gouvernement n’a soulevé autant de polémique, de contestations en Tunisie. Ici, une fois de plus, c’est la politique du fait accompli qui continue. Et ce, malgré les leçons du passé, pourtant très claires dans ce domaine.
De ce point de vue, on peut alors dire que les dénégations hypocrites ne changeront pas grand chose à cet état de fait. La vassalisation du pouvoir judiciaire par l’intermédiaire de certaines nominations se poursuit. Malgré les alertes lancées par les organisations professionnelles elles-mêmes.
Qui a dit que l’histoire ne se répète pas! En Tunisie, elle se répète et se répétera à n’en plus finir, comme pour démentir cette assertion. On semble incapable de franchir le pas du déjà vu, pour innover et offrir d’autres spectacles que les sempiternelles bêtises de prétendus dirigeants… Nous n’avons pas le souci de la perfection, nous nous contentons du bancal et de l’à-peu-près depuis une décennie au moins. De toutes façons en Tunisie, les simulacres n’ont jamais dérangé. Mais, dans la situation actuelle, nous faisons comme si nous avons des instances efficientes. Mais nous savons que c’est un mensonge.
Alors, qu’on ne vienne pas nous dire après que les intellectuels et les médias n’ont rien fait pour éviter cette évolution. Une évolution non conforme aux aspirations des Tunisiens dans leur écrasante majorité après des élections frelatées. La nébuleuse islamiste, qui a sa propre perception de notre société, a désormais l’habitude des coups fourrés en matière électorale. Parce que, sachant qu’une fois passée la vague de réprobation, les opportunistes de tous bords se bousculeront à leur porte. C’est la politique du pire, mais c’est aussi la politique de Gribouille, quelles qu’en soient les causes: ignorance bureaucratique, arrogance, calculs électoralistes, vertige du pouvoir…
Selon des déclarations des « faiseurs de rois », il apparaît que l’ARP se trouve reléguée au rôle de « fournisseur d’acceptation » pour le « fait accompli ». Puisqu’elle aurait peu de choses à dire sur la composition du gouvernement. Si nos parlementaires ne comprennent pas les vrais enjeux. Si, non imbus de leur rôle, ils pensent que la fonction de parlementaire est une plateforme de deal et de négociations pour s’assurer des prébendes et autres avantages. Sans jamais être pourvu pour entrer dans la peau du parlementaire, législateur et défenseur de l’intérêt public. Alors autant laisser les aventuriers avancer de pied ferme et faire une bouchée des institutions dévoyées.
Aujourd’hui, le choix est beaucoup plus simple. Il s’agit de choisir entre un mal probable et un pire certain, si on ne sort pas de cette impasse. L’idée d’élections législatives anticipées deviendrait une perspective envisageable en tant que moindre mal. Si le moindre mal est toujours un mal, il est préférable au pire. Et le pire serait cinq ans encore avec une cohorte de démolisseurs et de bradeurs sans scrupule! Tout est si clair aujourd’hui, si cousu de fil blanc, qu’il serait suicidaire d’accepter l’insoutenable dépouillement.
Et l’histoire est là pour témoigner des déboires de ceux-là qui voulaient s’imposer par le fait accompli dans une fuite en avant vers la politique du pire. Ceux qui sont obsédés par leur seule volonté, ont toujours payé le prix fort, proportionnellement à leur entêtement.
Ce qui ressort à travers l’histoire de ce pays, au gré des conquêtes et des révolutions c’est un attachement du Tunisien à la tempérance et à la pondération. Les bouffées de raideur pseudo-religieuse qui firent éruption au cours de son histoire n’ont jamais perduré.
En effet, les Tunisiens avaient rejeté le wahabisme au début du 19ème siècle. Ce n’est pas au 21ème siècle qu’ils vont accepter l’islamisme, après un soulèvement sans aucun référent religieux.