Le rejet du gouvernement Habib Jemli (134 contre et 72 pour) vendredi 10 janvier constitue un tournant. Pour la première fois depuis 2011, Ennahdha subit une défaite.
Le gouvernement qu’elle a présenté a été vivement critiqué. On remit en cause son indépendance des partis, ses compétences de ses membres et son absence de programmes.
Le nombre élevé de ses membres (42 ministres et secrétaires d’Etats) contredisait la politique d’austérité, qu’il était censé engager.
Conclusion de certains observateurs : Ennahdha n’a pu lire la situation politique du pays, ni prendre compte des enjeux et défis du contexte.
Le rejet par le parlement, lors de la discussion du budget de la caisse de Zakkat, révélait, bel et bien, le rejet de sa politique d’établissement du chariaa, sinon du régime du califat. Et pourtant, elle « persista et signe ».
Les manœuvres de sa direction, en marge des discussions parlementaires n’ont pas abouti. Est-ce le chant du cygne du parti islamique ?
Nouveau pari
Les partis modernistes (Tayar, Chaab, Qalb Tounes et Tahya Tounes) se sont empressés d’exprimer leur joie.
La conférence de presse qu’ils ont organisée, après le vote parlementaire, traduit cette joie précipitée.
On parla de l’avénement d’un « grand jour ». L’échec d’Ennahdha risque d’être conjoncturel, vu la dispersion des partis, d’un parlement mosaïque.
Ennahdha peut revenir à la charge, lors de la formation d’un gouvernement, dont le chef serait désigné par le Président de la République, en consultation des partis. Mais ne sous-estimons guère cette prise de conscience, qui constitue la nouvelle donne.
La situation fait valoir l’alternance. Mais peut-on parler d’un éventuel programme de consensus?
Comment rassurer les citoyens, qui ont pris leurs distances, des partis du pouvoir et de l’opposition ? Ne risquerions pas de restaurer le gouvernement l’équipe gouvernementale, qui a précipité la crise économique, provoqué la chute du dinar et établi un contexte de désarroi et de désespoir ? Le rappel des attentes des populations (niveau de vie, chômage, désinterêt des jeunes) doit constituer le programme du nouveau gouvernement. Comment gagner ce pari ?
Tirons la leçon de cette épreuve et hatons-nous de former le nouveau gouvernement, vu les situations d’urgences, qu’on ne pouvait occulter.