C’est en marchant, l’autre jour, dans les rues de Sousse, comme j’ai coutume de le faire quand le besoin de voiture ne se fait pas sentir, que je suis tombé sur un immense panneau publicitaire. Il invite, dans la langue de Shakespeare, les passants à aller encore plus haut, et ce, grâce à la magie des technologies les plus avancées, dans un pays où presque tout est à l’arrêt.
Curieux paradoxe, quand on connaît l’engouement des jeunes pour la révolution du web et leur habileté à en explorer les profondeurs… J’aurais pu tout aussi bien lire « Fly to the bottom » descendre dans les abîmes de l’insignifiant et de l’infiniment petit.
Qu’est-ce qu’un projet grandiose s’il lui manque l’existence ? s’interroge François Hollande dans son best-seller « Les leçons du pouvoir ». Et d’ajouter que le réalisme sans projet est un renoncement, et que l’idéal sans action est une abdication. Voilà qui a le mérite d’être superbement énoncé.
De dire tout simplement non
Je conseillerais vivement nos hommes politiques, en panne d’inspiration et d’action, d’aller vite acheter cet ouvrage. Il se lit d’une traite. Et en plus, il ne manque pas de piquant. Une réflexion d’une brûlante actualité dans une Tunisie où les hommes qui sont porteurs de grands projets manquent cruellement.
L’Homme révolté écrivait Camus pour signifier que la patience a des limites, et que face à l’adversité, il n’y a pas d’autre solution, que de dire tout simplement non.
N’y a-t-il pas encore sur le bateau Tunisie des révoltés pour dire non, redresser la barre et inverser le cours d’une traversée post-révolution décidément houleuse ?
On vient de frapper les douze coups de minuit annonçant qu’une page vient d’être tournée et qu’une autre s’est ouverte. Et toujours la question qui tue : quand la justice va-t-elle enfin fonctionner correctement pour arrêter et juger les assassins des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ? Des assassins qui nous connaissent et que nous connaissons…
Ce n’est pas la révolution elle-même qui est noble, mais ce qu’elle exige même si ce qu’elle obtient est encore ignoble, nous dit l’auteur de « L’étranger ».
N’est-il pas ignoble que les meurtriers de militants devenus symboles continuent de nous narguer en jouant avec notre destin ? Un bon mot, un trait d’esprit, quel homme politique tunisien peut se prévaloir aujourd’hui d’un tel talent ?
L’autre jour, à Carthage, et face à la séquence cigarette de l’invité Erdogan, la réplique présidentielle était d’une telle mièvrerie, d’une telle insipidité…On savait pourtant que le nouveau maître des lieux n’avait dans sa besace ni phrases assassines, ni saillies drolatiques. N’est pas Béji Caid Essebsi qui veut !