La séquence ouverte par la décision américaine d’exécuter le général iranien Ghassem Soleimani est loin d’être close. L’Iran a réagi en tirant une bordée de missiles contre deux bases américaines en Irak. Un bombardement qui n’a pas donné de suite militaire côté américain. Preuve de l’impasse dans laquelle se trouve une Administration Trump en passe de perdre un allié stratégique dans la région: l’Irak.
Et ce n’est pas la moindre des leçons de ce conflit qui pourrait finalement être tranché par des considérations intérieures.
Le trumpisme, un bellicisme
Car, le trumpisme n’est pas aussi singulier qu’il n’y paraît. Cette déclinaison du populisme démocratique s’inscrit aussi dans une vieille tradition de la représentation du monde. La décision unilatérale et brutale d’exécuter le général iranien Ghassem Soleimani témoigne ainsi d’une lecture essentialiste d’un Orient archaïque, incontrôlable si ce n’est par la force.
Alors, en cédant à cette représentation teintée d’une pulsion de violence, Donald Trump a fait resurgir le spectre d’une « 3e guerre mondiale ».
Si l’hypothèse relève encore du fantasme, l’atmosphère internationale est particulièrement lourde en ce début d’année 2020. Et pour cause. La perspective d’une confrontation irano-américaine se précise. Avec l’attaque de l’ambassade américaine à Bagdad par des miliciens pro-iraniens. Et surtout l’assassinat du général Ghassem Soleimani.
Ainsi, l’ « acte de guerre » commis sur le territoire irakien l’atteste. Le trumpisme conjugue un nationalisme politico-commercial et un unilatéralisme belliqueux. fFaisant fi de la légalité internationale… Et de l’avenir du Moyen-Orient.
Quant à l’autre faux paradoxe de cette affaire. Il réside dans l’« acte de guerre » commis sur le territoire irakien. Et signé par un président Trump élu sur le slogan nationaliste d’« America First ». Si le trumpisme n’est pas à une incohérence près, il s’inscrit dans une tradition. Par laquelle des passions et pulsions occidentales nourrissent l’instabilité et le chaos au Moyen-Orient.
Un conflit international aux résonances intérieures
En fait, le jeu des puissances sur l’échiquier régional ne saurait masquer une réalité plus prosaïque. A savoir que le dénouement de la crise dépend en grande partie de facteurs purement internes. Or, l’assassinat du général Ghassem Soleimani a permis au régime iranien de bénéficier, du moins dans un premier temps, d’une réaction patriotique unitaire. Alors même qu’il était affaibli par les effets socio-politiques des sanctions économiques américaines.
Sauf que le crash du Boeing 737 touché par erreur par un missile iranien a remis la pression sur le régime. Après l’avoir niée catégoriquement, l’Iran a finalement reconnu sa responsabilité. Et ce, dans le crash de l’avion qui s’est écrasé mercredi peu après son décollage, et faisant 176 morts. La majorité des victimes sont des Iraniens ou des Canadiens d’origine iranienne.
Certes, l’Iran a présenté ses excuses. Tout en soulignant la responsabilité de l’« aventurisme américain » dans cette catastrophe. Dans la mesure où Téhéran était en état d’alerte maximale par crainte d’une attaque aérienne de l’armée américaine. Le premier ministre canadien n’en a cure: « Ce que l’Iran a reconnu est très grave. Abattre un avion de ligne commercial est horrible. L’Iran doit en assumer l’entière responsabilité ». Il s’est dit « scandalisé et furieux ». Et a estimé que « cela n’aurait jamais dû arriver, même dans une période de tension accrue ».
L’Iran et le lobby évangéliste américain
« Trump en Orient » tire aussi sa force du soutien inconditionnel d’un électoral qui fait bloc. Et dont le noyau dur est animé par des mouvements chrétiens évangéliques. Lesquels représentent une menace réelle pour la paix et la sécurité internationale.
En effet, ces derniers semblent même prendre le relais des néoconservateurs. Ceux qui avaient gagné la bataille culturelle dans l’Amérique post-11 septembre. De même qu’ils avaient convaincu le président Bush Jr d’envahir l’Irak en 2003.
Or la situation actuelle de la région moyen-orientale est directement liée à l’expédition militaire anglo-américaine motivée par l’accès à l’or noir irakien. Mais aussi et surtout par la vision d’un monde partagé entre le « bien et le mal ». Où la « Démocratie » devait s’imposer y compris par la force.
De sorte qu’il ne s’agit plus aujourd’hui d’incarner et de diffuser la démocratie. Mais l’irrationalité du trumpisme et des Chrétiens évangéliques, qui forment son noyau dur, peut s’avérer tout aussi ravageuse pour l’avenir de la région.
Déjà, en décidant de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël et de transférer l’ambassade américaine dans la Ville sainte. Le président Trump visait à satisfaire cet électorat constitué de sionistes chrétiens (aux tonalités antisémites…). Des fondamentalistes évangéliques pour lesquels la Palestine est le berceau du peuple juif. Une « Terre promise » sur laquelle il convient de regrouper le « peuple élu » pour mieux amorcer sa conversion au christianisme… Preuve que les « fous de Dieu » ne sont l’apanage d’aucune religion, ni d’aucune région du monde.
De même, lorsque Donald Trump menace de détruire des sites constitutifs de la culture iranienne. L’analogie avec la barbarie djihadiste (qui s’est déjà attaquée à des œuvres civilisationnelles) s’impose.