Faire ressurgir la Tunisie des lumières et des savoirs à travers un grand projet national de mise en place d’une économie de savoir, c’est la seule voie qui reste pour redresser le pays, rehausser son positionnement à l’international et redonner confiance et espoir au peuple. Ce grand projet national a fait l’objet du livre « Making the Tunisian Resurgence » de Mahmoud Sami Nabi, économiste et professeur des universités à la FSEG Nabeul.
Dans ce livre, Mahmoud Sami Nabi, trace les contours de ce projet national et identifie les préalables à mettre en place pour réussir son implémentation. »Making the Tunisian Resurgence » et l’approche qu’il prône pour faire aboutir la transition tunisienne ont été au cœur de cette interview accordée par Mahmoud Sami Nabi à l’Economiste Maghrébin.
Comment expliquez-vous le choix du titre « Making the Tunisian resurgence », pour votre ouvrage paru en janvier 2019 ?
Mahmoud Sami Nabi : « Making the Tunisian Resurgence » est un ouvrage en anglais, paru fin janvier 2019 chez l’éditeur international Palgrave MacMillan, après plus de trois années de travail. C’est un essai qui s’inspire des approches de développement multidimensionnelle de Ibn Khaldoun et de Joseph Stiglitz pour proposer une approche holistique de développement où l’accent n’est pas seulement mis sur l’économique mais aussi sur les aspects institutionnel, politique et social.
En effet, les transitions politiques et économiques, partout dans le monde, sont des périodes particulières où interagissent des facteurs de dimensions diverses, face auxquelles les approches partielles de développement sont loin d’être suffisantes.
Ainsi, pour réussir la transition, cet ouvrage recommande une approche de développement globale et intégrée visant à faire ressurgir la Tunisie des lumières et des savoirs à travers un projet national de mise en place d’une économie de savoir, inclusive et ouverte aux dynamiques extérieures, d’où le choix du titre « Making the Tunisian resurgence ».
En quoi consiste au juste cette approche de développement globale et intégrée que vous prônez ?
Mahmoud Sami Nabi : Dans l’absolu, pour pouvoir avancer, il faut d’abord savoir où l’on veut aller. Or ce qui a manqué depuis 2011, en Tunisie, c’est qu’on n’a pas fixé d’objectif ou de destination.
Les approches mises en place étaient, pour la plupart, vagues et imprécises et le pays naviguait à vue depuis. Ce dont le pays a besoin aujourd’hui, c’est de vision et de stratégie de développement claire et intégrée qui impliquent tout le monde (politiciens, organisations, citoyens), qui reposent sur des institutions suffisamment solides et qui soient portées par un vrai leadership fort, visionnaire et fortement fédérateur. C’est ce que j’appelle dans le livre le leadership institutionnel.
Ce leadership institutionnel doit être capable de canaliser toutes les énergies du pays vers la concrétisation d’un grand projet national de transformation de notre économie en une véritable économie de savoir. Pour ce faire, il ne suffira pas d’injecter des contenus technologiques sur d’anciens modèles de développement. Il va falloir être capable d’insuffler un véritable changement en modernisant les institutions et les lois, en révolutionnant le climat des affaires, en catalysant les énergies des Tunisiens, en libérant les initiatives et en valorisant la recherche scientifique.
La réussite de ce leadership institutionnel va être tributaire de sa capacité à faire accepter le changement, de le mettre en oeuvre et d’être redevable à chaque étape de concrétisation du changement décidé.
Car en temps de démocratie, les gens n’acceptent plus de donner des chèques en blanc aux gouvernements, mais ils exigent d’être constamment informés et éclairés des différentes orientations et démarches adoptées.
Ce leadership institutionnel, auquel j’ai consacré une bonne partie du livre, devra également être le garant d’un ancrage institutionnel qui préservera le pays contre les dérives de l’instabilité du paysage politique en le dotant d’une feuille de route claire qui rassure, qui stabilise et qui donne confiance aux citoyens et aux investisseurs aussi bien nationaux qu’étrangers.
Et je pense que cela suppose que le gouvernement soit étoffé d’une instance ou d’une sorte de think tank économique qui réfléchit, qui questionne, qui soit capable de rallier l’opinion à ses réflexions et qui mène une stratégie d’influence auprès des différentes institutions du pays pour les associer au projet global.
N’est-ce pas là le rôle de l’actuel Conseil d’analyses économiques ?
Mahmoud Sami Nabi : Ce conseil joue plutôt un rôle consultatif. Il n’a pas les prérogatives nécessaires qui l’habilitent à questionner le gouvernement ou à influencer les orientations prises. Ce dont la Tunisie a besoin, c’est d’une expertise économique ni antagoniste, ni subalterne au gouvernement et qui soit capable de mener un dialogue économique franc et structurant avec toutes les parties prenantes (autorités, organisations sociales, organisations patronales, institutions financières internationales…) et d’influencer les approches adoptées. Cette instance doit avoir la crédibilité nécessaire pour pouvoir rallier les Tunisiens à sa vision.
Quel diagnostic faites-vous dans votre ouvrage de la situation économique actuelle ?
Mahmoud Sami Nabi : Pour pouvoir cerner les facteurs socioéconomiques qui ont marqué la société tunisienne, le livre évoque les différents courants civilisationnels ayant laissé leurs empreintes en matière de bonne gouvernance et de savoir, depuis Carthage en passant par le pacte fondamental (Ahd El Amen) de 1857, les mouvements modernistes de Kheireddine Pacha, Abdelaziz Thâalbi, Bourguiba…
Le livre propose aussi des éclairages historiques sur les grandes questions ayant mouvementé la Tunisie postindépendance (place de la religion dans la société, conflit Bourguiba- Ben Youssef, dérive autoritaire de la postindépendance…) en se basant sur une riche littérature de philosophes comme Mahjoub Ben Milad.
L’objectif à travers cet éclairage historique c’est de comprendre les dynamiques qui ont jadis été derrière les grandes avancées sociales et sociétales. Il en ressort que ces avancées ont été souvent portées par un leadership rassembleur et fédérateur, qui fait de la diversité au sein de la société un facteur de performance plutôt qu’une arme de polarisation. Outre ce flashback historique, le livre propose également un diagnostic économique aussi bien structurel que conjoncturel.
Structurellement, l’économie tunisienne qui puisait sa résilience dans sa diversité, s’est essoufflée à la fin des années 2000, parce que son modèle de croissance a continué à être beaucoup plus tiré par l’accumulation des facteurs de production (capital et travail) que par le progrès technique et le savoir.
Cela contraste avec la réputation du pays en matière de recherche scientifique et de formation académique et explique en grande partie le problème de fuite de cerveaux auquel la Tunisie est confrontée depuis de longues années.
Conjoncturellement, le pays a subi après 2011, des chocs énormes, extérieurs et intérieurs qui ont été derrière la détérioration de ses fondamentaux macroéconomiques, le recul de son potentiel de croissance et la perte de son positionnement et de ses marchés traditionnels.
Que faire face à ce tableau pas du tout reluisant ?
Mahmoud Sami Nabi : Si la Tunisie veut atteindre le statut d’économie à revenu intermédiaire élevé, elle doit favoriser l’émergence d’une économie de savoir et de connaissance qui rétablit le lien entre la recherche et développement et l’économie réelle, à l’instar de ce qui a été fait en Corée du Sud.
Le challenge serait d’inscrire l’économie nationale dans les chaînes de valeur mondiales en articulant notre coopération internationale avec nos divers partenaires (Europe, Etats-Unis, Chine…) autour de nos stratégies sectorielles. Mais il va falloir qu’on ait d’abord des stratégies sectorielles.
Lesquelles doivent être conçues de manière à favoriser 2 ou 3 segments de spécialisation sur lesquels le pays doit se concentrer et mettre l’accent. Ces stratégies sectorielles doivent être inclusives et globales c’est-à-dire qu’elles doivent couvrir tous les maillons de la chaîne (conception, production, promotion, commercialisation..), et jouer le rôle de catalyseur de tout l’écosystème d’innovation et d’entrepreneuriat (financement, accompagnement, brevetage…).
La Corée du Sud a réussi à multiplier par 22 son PIB par tête d’habitant depuis 1960, grâce à son pari sur l’économie du savoir. La Tunisie, où la croissance est encore tirée par l’accumulation des facteurs de production, ne l’a multiplié que par 4. C’est dire le potentiel de transformation de notre économie en une véritable économie de savoir.
Quand on parle de la Corée du Sud, de la Malaisie, de Hong Kong ou encore de Singapour, il ne faut pas oublier que ces pays ont aussi tiré profit de la dynamique économique qui caractérise cette zone du Pacifique, alors que la Tunisie reste fort orientée, depuis 1973, vers l’Europe au dynamisme moins marqué. Doit-on changer d’orientation ?
Beaucoup de pays asiatiques ont développé leur économie sur le modèle japonais de développement dit » en vol d’oies sauvages « . Ce modèle prône l’intégration économique régionale et l’inscription aux chaînes de valeur mondiales. Nous vivons dans un monde où aucun pays ne peut prétendre au développement tout en restant en dehors des chaînes de valeur universelles.
Pour le cas de la Tunisie, c’est vrai que les problèmes de l’Europe, notre premier partenaire, nous ont beaucoup influencés, mais l’avantage de la Nouvelle économie, celle du savoir et du numérique c’est qu’elle ne reconnaît pas les frontières physiques et encore moins les distances, offrant à tous les pays, où qu’ils soient, la possibilité d’intégrer les chaînes de valeur mondiales, si les préalables et les conditions nécessaires à cette intégration y sont réunis. Malgré les retards pris dans ce sens, la Tunisie ne doit pas rater cette intégration, au risque de se trouver à l’écart de l’économie mondiale.
Comment faire pour rattraper les retards accusés ?
Mahmoud Sami Nabi : Le grand problème en Tunisie c’est qu’on a mal géré la massification de l’enseignement en favorisant les indicateurs quantitatifs aux dépens de la qualité. Le verrouillage de l’université tunisienne face aux compétences étrangères et son manque d’ouverture sur son environnement socio-économique ont aussi contribué à son isolement. Il y a donc nécessité et urgence de réformer la manière de former les nouvelles compétences qui feront la Tunisie de demain. Il va falloir ensuite se fixer une stratégie de développement intégrée, basée sur un nouveau contrat social qui prenne en considération les indicateurs de progrès et de bonheur sociaux afin de susciter l’adhésion de tout le monde au projet de transformation globale de l’économie nationale.
Cette stratégie devrait peut-être s’articuler autour des indicateurs retenus par « The Global Competitiveness Report » tels que ceux relatifs aux infrastructures ; à l’environnement macroéconomique, à la santé et l’enseignement, à l’efficience du marché du travail…afin de pouvoir rattraper les retards accusés sur ces indicateurs.
L’implémentation de cette stratégie nécessitera un vrai leadership gouvernemental, une coordination interministérielle optimale et une stratégie de communication gouvernementale efficace.
Elle doit aboutir à l’accélération de la mise en place des réformes urgentes telles que celles des caisses sociales, de la subvention, des entreprises publiques, de l’implémentation de la loi transversale et de l’adoption d’autres lois nécessaires au fonctionnement de l’économie. Cette stratégie a vocation à accélérer la transition énergétique et renforcer la cohésion et la solidarité nationale.
La mise en oeuvre de cette stratégie doit reposer sur de nouvelles sources de financement et une coordination entre les politiques budgétaire et monétaire du pays mais aussi sur une grande agilité institutionnelle qui permet de suivre les tendances importantes, surtout en matière de technologie et d’économie numérique.
Et à ce titre, je pense que la création de l’entité de gestion Smart Capital, une entreprise à actionnariat public, gérée selon une gouvernance privée et dédiée aux startups, est un premier pas réussi dans le sens d’une meilleure agilité institutionnelle. Cette dernière est primordiale face à l’évolution rapide de l’économie numérique qui ne supporte pas les schémas classiques d’action.
Pensez-vous que cette agilité institutionnelle est possible dans un pays où les lois sont inspirées du modèle latin selon lequel on doit d’abord légiférer avant agir ?
Mahmoud Sami Nabi : La vitesse avec laquelle le monde est en train d’avancer nécessite un changement de paradigmes et de mode d’action et de réactivité, dans le sens d’un assouplissement des règles du jeu économique. Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe d’être aussi lents et aussi inactifs, quand le pays est en train de perdre son positionnement régional et international, devancé qu’il est par des pays qui étaient bien loin derrière.
On peut comprendre l’urgence d’une stabilisation macro-économique, mais cette stabilisation ne doit pas se faire en tuant tout esprit d’initiative en complexifiant les règles du jeu économique.
Et qu’en est-il de la politique monétaire restrictive de la Banque centrale de Tunisie poursuivie depuis un moment au motif de vouloir maîtriser l’inflation ?
Mahmoud Sami Nabi : Je pense que cette phase de hausse des taux pourra prendre fin dès qu’on réussira à avoir une politique économique intégrale cohérente et dès qu’on mettra en place des stratégies sectorielles et des plans de stabilisation économique (redressement des déficits, relance de la production des phosphates…) et d’investissement public.
En effet, tout est intégré, car l’objectif de la politique monétaire s’est déplacé de l’équilibre interne (la stabilité des prix) à l’équilibre externe de la monnaie (parité du dinar), et cela est en partie dû au choix fait de libéraliser quelque peu le marché des changes. La Banque centrale n’a plus donc le monopole sur le marché des changes et du coup, le seul instrument qui lui reste pour agir sur l’équilibre extérieur c’est la révision des taux.
Elle a donc essayé pendant cette phase d’augmenter les taux pour agir sur la balance des paiements, l’endettement, l’inflation…
Sauf que la réalité économique du pays est fort différente des schémas théoriques de la BCT ! N’est-ce pas le cas ?
Mahmoud Sami Nabi : Je vais nuancer un petit peu. En effet, c’est vrai que la politique monétaire a été pénalisante pour l’investissement avec au final un loyer de l’argent qui dépasse les 11%. Mais face au choix de libéraliser partiellement le marché des changes et aux spéculations qui ont eu lieu sur la dépréciation du dinar par des acteurs économiques, je pense que la BCT n’avait pas d’autre choix.
Le seul moyen qu’elle avait pour lutter contre ces spéculations c’était d’ancrer les anticipations. S’il y a donc quelque chose de positif dans la politique monétaire restrictive c’est qu’elle a permis de casser les spéculations mais c’est vrai que le coût a été lourd à supporter par l’économie réelle. Et il faut dire que les banquiers centraux sont toujours pris dans ce conflit d’intérêt entre l’équilibre extérieur et l’équilibre intérieur.
Il faut savoir aussi que le choix d’ouverture des comptes de capitaux n’est peut-être pas trop synchronisé avec le niveau de développement de notre économie réelle. Le timing de cette ouverture ne fait pas en effet l’unanimité.
Les adeptes de l’approche institutionnaliste estiment que libéraliser les mouvements de capitaux suppose que des préalables soient déjà réunis, à savoir des institutions bien établies, une stabilisation macroéconomique, de fortes réserves en devises pour pouvoir faire face aux pressions spéculatives. Ce qui n’était clairement pas le cas en Tunisie. Il ne faut pas oublier également que le cadre dans lequel agit la politique monétaire nationale est très contraignant.
Le pays est sous programme FMI depuis 2016 et l’approche du FMI est toujours une approche de stabilisation macroéconomique, contrairement à la Banque mondiale qui opte souvent pour les approches de développement. Et les outils de la stabilisation sont connus.
Toutefois, il n’y a pas que l’augmentation des taux qui pénalise l’investissement. Il y a aussi l’environnement contraignant des affaires, la corruption, la lourdeur de la bureaucratie, la taxation, l’accès difficile au financement… Une réduction des taux ne permet pas, à elle seule, de faire décoller l’investissement et c’est la raison pour laquelle je plaide dans ce livre pour un grand projet national intégré de transformation de l’économie.
Concrètement, par quels mécanismes pensez-vous que ce projet national pourrait être implémenté ?
Mahmoud Sami Nabi : Il faut d’abord que le message du gouvernement dans son ensemble soit clair. Ce gouvernement doit mettre en place un projet national sur dix ans, tout en fixant des objectifs intermédiaires à court et à moyen termes.
Pour réussir à mettre en oeuvre ce projet, il ne faut pas que l’objectif de stabilisation macroéconomique soit dissocié de l’objectif de développement économique et social. Ce n’est qu’en couplant les progrès économiques et sociaux que ce projet pourrait être fédérateur et rassembleur.
Pour ce qui est du financement de ce projet, je pense que face aux difficultés d’attirer des financements extérieurs à des coûts raisonnables, la Tunisie devrait chercher des montages financiers moins coûteux, conçus en fonction des stratégies d’action à mettre en place.
Il sera par exemple possible de concevoir des montages financiers basés sur la titrisation des revenus futurs à travers l’émission de certificats d’investissement dans des revenus futurs pour lever des financements dédiés à des investissements publics structurants.
La titrisation des revenus futurs pourrait être exploitée dans puiseurs domaines, dont celui des énergies renouvelables et pourrait être gérée dans le cadre d’une holding publique, à l’instar de Tamasek Holding créée par Singapour dans les années soixante. L’Etat pourrait également émettre des « sukuks d’infrastructure » à l’adresse des investisseurs internationaux intéressés par les grands projets d’infrastructure. Il peut aussi faire appel aux mécanismes de financement alternatif à travers les obligations à impact social ou les obligations destinées à la diaspora « Diaspora investment bond».
Dans le livre, je propose aussi de réactiver la coopération entre banques centrales à l’échelle maghrébine en mettant en place un mécanisme financier régional qui a été conçu avec des collègues dans la BID et que l’on propose d’appliquer à l’échelle du Maghreb pour financer le commerce et l’investissement.
L’une des solutions consiste aussi à orienter la politique d’assouplissement monétaire de la BCT vers des activités économiques ciblées pour stimuler l’investissement et limiter la croissance de la masse monétaire profitant aux dépenses de consommation.
Parallèlement et concomitamment, l’Etat doit s’engager à mettre en oeuvre la réforme fiscale pour une meilleure justice fiscale. Il doit aussi s’engager à réduire l’informel, à améliorer la traçabilité des actifs extralégaux et à lutter contre les sorties illégales de capitaux.
Une étude portant sur le secteur informel en Tunisie, réalisée en 2012 par l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) et l’Institut péruvien pour la liberté et la démocratie, a révélé que les actifs commerciaux et immobiliers extra-légaux ont atteint 180 milliards de dinars en 2010, soit onze fois la valeur des entreprises cotées à la Bourse de Tunis, la même année, et quatre fois les investissements directs étrangers en Tunisie depuis 1976.
Lutter contre cette extra-légalité ainsi que contre les sorties illégales de capitaux dont les montants sont aussi faramineux doit donc constituer l’un des chantiers à engager en urgence.
Cela dit, ouvrir autant de fronts à la fois nécessite, toutefois, un fort leadership et une grande capacité de coordination intergouvernementale et institutionnelle, bien que je n’aie pas trop l’impression que la structure retenue pour le prochain gouvernement puisse favoriser une telle coordination.
Et pour conclure ?
Pour conclure, je dirais que le salut de la Tunisie reste conditionné à la mise en place d’un grand projet national favorisant l’économie de savoir et de connaissance. Ce projet doit être piloté par un vrai leadership institutionnel pour pouvoir y impliquer tout le monde malgré les divergences des intérêts et de points de vue qui puissent exister.
L’économie politique des pays en transition nous enseigne que les transitions ne peuvent aboutir que si toutes les forces du pays sont embarquées dans le même projet. La mise en oeuvre de ce projet requiert une forte capacité de priorisation, de réactivité et de décision et une grande aptitude à s’adapter rapidement aux innovations, à trouver et à rassembler des ressources.
La donne est aujourd’hui doublement difficile, car nous sommes en train de mener une transition en pleine quatrième révolution industrielle et je n’ai pas l’impression que nous sommes suffisamment conscients de ce double challenge.
Notre économie a peut-être besoin d’une véritable onde de choc pour pouvoir rebondir, retrouver son dynamisme et favoriser l’éclosion d’une nouvelle génération d’entrepreneurs innovants qui façonneront l’économie de demain.
Interview réalisée par Hédi Mechri et I.M
Mahmoud Sami Nabi est économiste et professeur des universités à la FSEG Nabeul depuis 2016 et chercheur au laboratoire LEGI de l’Ecole Polytechnique de Tunisie depuis 2005. Il a siégé à la Commission d’agréments de la Banque Centrale de Tunisie en tant que membre indépendant de novembre 2016 à novembre 2019. Auparavant, il a occupé le poste d’économiste supérieur au Groupe de la Banque Islamique de Développement (juin 2011 à novembre 2013). Il a également occupé les postes de vice-directeur, directeur des études et des stages de l’IHEC Sousse (octobre 2008 à mai 2011) et chef du département d’économie de l’EPT (janvier 2014-juin 2016). Nabi fait partie de la 2ème promotion (1993-1998) de l’IPEST et de l’EPT et détient un Doctorat en économie de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne obtenu en 2004. Il a obtenu en 2010 le prix Thomson Reuters pour l’encouragement des jeunes talents de la recherche scientifique tunisienne (discipline: sciences économiques). Il a été actif dans plusieurs associations en tant que co-fondateur et premier vic-eprésident de l’ADAI (Association des Anciens de l’IPEST), co-fondateur et premier vice-président de l’Association Scientifique de l’EPT (2015- 2018) et vice-président (2010- 2011) de l’ADEPT (Association des Anciens de l’EPT).
Site web: www.msnabi.com