Il y a une vérité évidente, dont tout le monde est conscient et sur laquelle un grand nombre d’observateurs et de citoyens s’accordent. A savoir que rien ne pourra s’améliorer dans la direction souhaitée dans ce pays sans la mise à l’écart du pouvoir de la nébuleuse d’Ennahdha. Et ce, pour trois raisons au moins.
Tout d’abord, Ennahdha est bel et bien une succursale de la Confrérie des frères musulmans. Sa loyauté est établie envers la confrérie au détriment de la loyauté à la Tunisie. C’est un secret de Polichinelle diriez-vous.
Et n’évoquons pas les dernières élections législatives, pour justifier leur nécessaire présence au gouvernement. Elles ne relèvent plus de l’analyse politique, mais de la psychanalyse collective. Il est quand même utile de souligner cette hétérogénéité transnationale face aux tentatives entreprises pour leurrer encore les crédules ou les idiots utiles.
En effet, convertie en parti politique à la dérobée, ses tenants essayent de faire croire que la coterie est une formation nationale parmi d’autres, comme les autres. Que nenni! Rached Khriji est membre de plusieurs organisations « fréristes ». Parmi lesquelles: « The European Council for Fatwa and Research (ECFR) »; « Islamische Gemeinschaft in Deutschland (IGD) »,; l’Union des organisations islamiques de France (UOIF); « The Muslim Association of Britain (MAB) »; « The International Union of Muslim Scholars (IUMS) », où il est présenté sur son site comme membre de l’organisation internationale des Frères musulmans…
Ahmed Néjib Chebbi, qui sait de quoi il parle à ce sujet, a déclaré, dans une radio, que « le mouvement Ennahdha est une secte loin d’être un parti politique ». Pour sa part, le député Mabrouk Korchid considère que « Ennahdha est devenu un fardeau politique en Tunisie »…
Neuf années de malgouvernance
Ensuite, nous avons à traîner neuf années de malgouvernance comme échantillon édifiant de leurs pratiques. Où la section locale de la confrérie a été aux commandes directement (la Troïka) ou par ricochet (Tawafiq).
Sans rentrer dans les détails, tout un chacun peut témoigner du bilan désastreux sur tout les plans pour le pays. Lotfi Zitoun, un des témoins sortis de ses rangs, avait estimé que le mouvement doit se défaire de l’image de la secte. « Les gens ont peur d’Ennahdha, aussi bien pour son histoire que pour ce qu’ils ont pu constater durant la période de gouvernance de la Troïka. Notamment, les dépassements enregistrés à cette époque », dixit l’intéressé.
Enfin, il y a une particularité cannibale qui caractérise Ennahdha. Cette nébuleuse a démontré tout au long de ces années son anthropophagie. Et ce, à l’égard des autres formations politiques.
Tous les partis qui s’en sont approchés ont été pulvérisés. A commencer par ses compères de la Troïka (le Congrès pour la République, Ettakatol-Forum démocratique pour le travail et les libertés), puis Nidaa Tounes. Même les autres formations n’ont pas été épargnées.
En outre, ce pouvoir phagocyteur a été dénoncé par tous lors des conciliabules sur le gouvernement avorté. Lorsqu’une majorité de parlementaires rejetait un gouvernement islamiste pur jus.
A l’instar de la veuve noire, cette espèce d’araignée au venin potentiellement mortel, Ennahdha a tendance à tuer ses éphémères partenaires. Et ne leur laisse quasiment aucune chance de survivre,. Le poison fait son effet de l’intérieur des organes de la proie.
Par conséquent, il est donc logique de considérer que les tenants de cette confrérie peuvent accepter de s’écarter pour laisser la possibilité à d’autres de gouverner ce pays. Et le sortir de la grave crise dans laquelle ils l’ont plongé. Sans fuite en avant dans l’intimidation et le manège souvent employé pour menacer de recourir à la violence.
Ainsi, ils auront suffisamment de temps pour évaluer leur gestion, leurs méthodes et leurs préceptes. En vue de devenir, éventuellement, un parti fréquentable et toléré sur le plan national.
Masque de la rationalité
Par contre, ce qui préoccupe, en observant les récents événements, c’est la duplicité coupable de certains responsables de partis politiques; dont leurs députés. Ils sont parmi les 134, qui n’hésitent pas à dénoncer publiquement les graves travers et les méthodes fascisantes d’Ennahdha. Ils ne daignent pas faire le nécessaire lorsque l’occasion se présente pour neutraliser le pouvoir de nuisance de cet élément néfaste qui n’hésite pas à actionner ses vecteurs de violence. C’est une forme alarmante que prend la déraison politique quand elle se présente sous le masque de la rationalité ou de la démarche modératrice.
Alors, cette ambivalence, ce double langage, se présentent sous les oripeaux du sens des responsabilités. Savante manœuvre de politiciens hypocrites, dont peu de citoyens ont une claire conscience. Mais qu’ils ressentent désormais de plus en plus comme une mystification. Leur subtil discours qui ménage une faction dangereuse prend l’eau de toutes parts.
De ce fait, on ne peut continuer à nier cette évidence sur les intentions réelles des agents porteurs de ce projet totalitaire. Certains dirigeants de partis politiques ne cessent de lénifier, par aveuglement ou lâcheté.
Le prétexte fallacieux de cet establishment de néophytes est de contribuer à faire rentrer dans les rangs les adeptes de cette caste. A faire d’eux des gens responsables et patriotes.
Après neuf ans, cette ritournelle ne convainc plus. Il y a quelque chose d’effrayant à constater les points communs entre cette politique du déni envers des régimes totalitaires à leurs débuts; et celle prônée aujourd’hui envers les islamistes.
Nous voyons bien que refuser la réalité est un trait humain lorsque cette dernière fait peur. Ils ne font jamais le lien entre les différents faits. Le moindre événement qui parvient à la connaissance du public n’est jamais analysé comme significatif d’un projet redoutable plus vaste.
Changer le logiciel
Avec la désignation d’une nouvelle personnalité chargée de former un gouvernement, nous renouons avec le spectre de la Troïka. Il est incarné par l’ancien ministre des Finances d’Ettakatol, un parti croupion d’Ennahdha.
Durant son passage (19 décembre 2012 – 29 janvier 2014- 1 an, 11 mois et 13 jours), l’endettement de la Tunisie est passé de 41,4% à 44.3% (RNDB) ou 45% (PIB). En 2013, la Tunisie empruntait 500 M$ alors qu’en 2012 l’emprunt n’était que de 50 M$.
En outre, les dépenses publiques explosaient sous l’effet d’un recrutement massif. Quant au déficit de la balance commerciale, il s’accroissait largement. Le projet de la Loi de finances 2014 qu’il avait accommodé suscita une vive controverse. Mais il a quand même enrichi le vocabulaire d’un nouveau mot lors de son passage au ministère des Finances: « atawa »!
Candidat aux dernières présidentielles (0,34% des votes), il recueillait les parrainages des députés de quatre blocs parlementaires dont ceux d’Ennahdha. Sa désignation par le président de la République, au détriment des nominés en tête de peloton par les partis politiques, continuera à faire couler beaucoup d’encre et déliera les langues.
En attendant, on ne peut que lui souhaiter de réussir pour la Tunisie. En espérant qu’il arrivera vraiment à « changer le logiciel ». Et à gouverner sans procuration nahdhiste, comme il le promettait. Afin de se passer des services de la section locale de la confrérie.