D’un gouvernement « issu » des Législatives, voici un gouvernement qui nous vient de la présidentielle. Une trouvaille qui peut ressembler beaucoup à une Tunisie en perte de repères. A-t-on assez lu la Constitution ? Kafkaïen !
Il semblerait que certains politiques tunisiens aient une manière bien particulière de faire de la politique. Et partant de là, ils semblent vouloir « enrichir » les sciences politiques. En témoigne du reste la réflexion faite par le chef du gouvernement désigné, Elyès Fakhfakh, le 24 janvier 2020. Le gouvernement qu’il souhaite mettre en place est, a-t-il annoncé, l’expression des voies qui se sont portées sur le président de la République. « Majoritaires dans le pays ».
Donc, le gouvernement qu’il entend composer ne sera pas un gouvernement issu du vote des législatives. Donc non représentatif du résultat des législatives. Comme cela se passe dans le monde entier.
Une réflexion d’Elyès Fakhfakh qui ne peut que susciter deux questions. D’abord, pourquoi, dans ce cas, aller pour obtenir l’approbation des députés et de pourquoi parler, dans cet ordre d’idées, d’ « une ceinture » au sein du parlement ? Ensuite, que faire du contrôle exercé par l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) inscrit dans la constitution et dans la pratique en Tunisie ?
Pourquoi avoir donc organisé également les Législatives ? Pourquoi avoir fait déplacer les votants le 6 octobre 2019 ? Et pourquoi avoir perdu tant d’argent et mobilisé tant d’énergie ?
Du moment que les législatives comptent pratiquement pour du beurre ! Le prochain gouvernement ne sera-t-il pas du reste « le gouvernement du Président » comme l’a souhaité un parti politique alors qu’Habib Jemli s’activait déjà à composer son gouvernement. Comment pourraient réagir les députés à cette incohérence ?
Il y a de quoi perdre son latin ou plutôt son arabe ! Voilà donc un gouvernement à composer sur la base des voies exprimées dans la présidentielle et non sur la base des Législatives.
Certes, l’équipe gouvernementale d’Habib Jemli, choisie, comme le prévoit l’article 89 de la constitution, par « le parti ou la coalition électorale ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au sein de l’Assemblée des représentants du peuple soit chargée de former le gouvernement » est tombé. Mais.
Et puis quelle partie le peuple –le vrai dépositaire du pouvoir- devra-t-il interroger à l’heure des bilans ? N’est-il pas d’usage que la « majorité » qui a appuyé l’action du gouvernement au sein du parlement rende des comptes ? Cette fameuse « ceinture » dont a parlé Elyès Fakhfakh du reste le 24 janvier 2020 ? Faudra-t-il demander des comptes pour le chef de l’Etat ? A-t-on assez lu la constitution ? A propos, quel le programme du Président de la République ? Personne n’en au fait eu vent. Kafkaïen !
Et si ce bâtit allait dans l’intérêt de certains partis et mouvements, à commencer par Ennahdah, qui ne souhaitent pas, pour des raisons multiples exercer seuls le pouvoir afin de « diluer les responsabilités ».
Autre exception tunisienne : voilà un chef de gouvernement issu d’une formation qui n’a aucun représentant à l’ARP. De plus un chef de gouvernement qui n’a pas brillé lors de la présidentielle par son succès 0,34%. Son choix est-il l’expression de la volonté populaire ?
Faut-il oublier également qu’Elyès Fakhfakh n’a pas été –loin s’en faut- un brillant ministre et qu’il est issu d’un mouvement qui a appartenu à une « Troïka » dont la gestion du pays a été critiquée et qui a été remplacée en janvier 2014 par un gouvernement de technocrates.