L’intégration économique des femmes est un important levier de croissance économique d’un pays. D’ailleurs, qui dit évolution de carrière des femmes en Tunisie, dit aussi un facteur de croissance économique et de développement.
Même si la femme tunisienne a prouvé sa compétence à tout égard, il y a beaucoup de chemin à faire. Quels sont les principaux ingrédients de réussite ? Nadia Zrelli Ben Hamida, membre fondateur de l’ONG et présidente du « Tunisia Leadership Council for The Policy Circle » dresse un état des lieux du leadership féminin. Ainsi qu’aux rôles traditionnellement dévolus aux femmes qui constituent, malheureusement, un obstacle à l’égalité des chances professionnelles. Interview…
Comment est née l’idée de cette ONG ?
Nadia Zrelli Ben Hamida : Le Tunisia Leadership Council for The Policy Circle est l’antenne d’une ONG internationale. Nous sommes un groupement de femmes leaders qui veulent assurer un impact dans notre pays et principalement dans les régions. Le Policy Circle est en collaboration avec le think tank Ardes.
Or, ce que nous voulons faire, c’est établir un dialogue constructif pour une meilleure force de proposition et une inclusion participative de la femme. Soit un dialogue constructif pour une meilleure force de proposition. Et pour que la voix de la femme soit beaucoup plus forte et entendue. D’où notre rôle.
Le Policy Circle est une organisation qui se consacre à faire progresser le leadership des femmes en augmentant la sensibilisation à l’impact des politiques publiques dans notre société. L’objectif étant de développer une approche participative de proximité sur la base d’un travail de diagnostic, d’analyse et de recommandations.
Pour que les femmes soient plus entendues et qu’elles soient actives, de quoi auront-t-elles besoin aujourd’hui ?
Elles ont besoin de leadership.
Quelle est votre définition du leadership ?
Il s’agit avant tout de l’aptitude à fédérer, avoir de l’impact et être leader dans tout ce qu’on fait. La prise d’initiative est très importante. C’est pour cela que la participation des femmes à tous les niveaux est essentielle. Il faut bien l’avouer, la Femme tunisienne excelle à tous les niveaux. D’ailleurs, elle a prouvé sa compétence à tout égard. Selon l’indice de parité genre des diplômés de l’enseignement supérieur en 2017, on compte 2.5 docteurs femmes en médecine dentaire, et en pharmacie pour un homme. 1.5 PhD femme pour un homme et 2.75 femmes diplômées d’un mastère de recherches ou professionnel pour un homme. C’est pour cela que l’on constate que la femme est non seulement compétitive, mais aussi productive de part la répartition du diplôme.
A mon sens, un grand potentiel qui, malheureusement, est sous exploité. Pourquoi ? Parce que la femme ne sait pas se défendre et n’en pas l’aptitude. Il est d’autant plus important pour elle de s’imposer dans un monde de plus en plus masculin.
Par ailleurs, notre objectif à nous en tant que cette de Policy Circle c’est de former un réseau de femmes à succès, des femmes à leader pour qu’elles puissent impacter d’autres femmes n’ayant pas réussi leurs vies professionnelles. Pourquoi ? Parce que ce réseau va être un réseau de femmes avec “le role models” .Autrement dit, “si j’ai réussi, tu pourras réussir”. D’où le mentoring. Quant à notre démarche, elle est claire : se projeter vers l’avenir et travailler dans la durabilité. D’où notre mot d’ordre : le soutien mutuel. Et à partir de là, on peut créer et avancer à tous les niveaux.
Quelles sont les principales actions ?
Nous avons une certaine méthodologie de travail. Nous partons du principe sur l’élaboration de policy briefs basé sur des thématiques bien précises : les contraintes de développement des carrières des femmes.
Prenons l’exemple du taux de féminisation dans la fonction publique qui est de 35.8%. La ventilation des femmes par grade montre que « le plafond de verre » est encore plus persistant au fur et à mesure que le niveau de responsabilité augmente. Les enjeux des emplois fonctionnels sont stratégiques puisqu’ils permettent aux détenteurs une certaine avancée hiérarchique de responsabilité, en outre, d’une meilleure situation financière. Contrairement au secteur public, le secteur privé se caractérise par une certaine flexibilité dans le sens où l’évolution dans la carrière ne dépend pas du diplôme minimum requis pour atteindre une certaine position hiérarchique dans l’entreprise.
De plus, ce que nous faisons, c’est un travail de diagnostic sur la base de statistiques. Nous proposons également des recommandations.
Pour ce qui est des actions concrètes, à titre d’exemple : on est partenaire avec le concours des Femmes Entrepreneures du Manager. Notre plan d’action consiste de coacher des femmes entrepreneures.
Quant à la 2ème action, on est sur la création des clubs de leadership dans les universités, le premier à l’IHEC de Carthage. En tout, 8 cellules qui seront créées d’ici la fin de l’année à Sousse, à Sfax et à Tunis. On est aussi en partenariat au niveau des collèges et des lycées pour donner des formations de leadership. Il est important de renforcer la participation des femmes dans la vie socio-économique.
Ne voyez-vous pas que nous sommes face à une société conservatrice et masochiste ?
Je dirai un monde façonné hommes, même aux USA. D’ailleurs, j’ai assisté à des ateliers aux États-Unis. Vous savez ? Les femmes américaines sont beaucoup assujetties à ces contraintes, contrairement aux Tunisiennes. Elles font face à beaucoup plus de contraintes, voire même plus de barrières. Ce « monde d’hommes » ne fait qu’intimider la femme et l’empêche d’évoluer suite à ses croyances et pratiques.
Quel constat faites-vous de la participation des femmes en politique ?
Si on part du principe de ce que dit la loi, elle garantit la parité par excellence, mais la réalité est tout autre. D’ailleurs, même dans le bureau exécutif des partis politiques, vous ne trouverez qu’une ou deux femmes au grand max. Alors que la loi impose clairement la parité. D’ailleurs, les élections législatives et présidentielles de 2019 montrent un net recul de la participation féminine. Elle n’est représentée qu’à hauteur de 5%.
Le Tunisia Leadership Council for The Policy Circle propose, à cet effet, une série de recommandations à plusieurs niveaux. La promulgation d’un texte juridique, en l’occurrence une loi, tout en veillant à sa mise en oeuvre. Au niveau de la sphère politique, il faut renforcer sa présence sur la scène politique et notamment au niveau des instances élues (ARP, communes).
Que propose le Tunisia Leadership Council for the Policy Circle ?
Le Tunisia Leadership Council for The Policy Circle a adopté une approche qualitative en organisant trois focus groupes pour explorer et analyser les contraintes à la montée en carrière des femmes Tunisiennes. Les différents entretiens avec des femmes à succès des sphères politiques, publiques et privées nous ont permis de classer les contraintes communes en trois catégories : les contraintes intrinsèques, les contraintes relatives à l’environnement professionnel et les contraintes d’ordre culturel.
La réussite de la femme dépend aussi de l’homme…
A mon avis, la réussite de la femme dépend aussi de l’homme et inversement. D’ailleurs, il n’y a aucune raison pour que l’homme soit mis en avant par rapport à la femme. J’invite aussi bien les hommes que les femmes à nous rejoindre. D’ailleurs, la réussite de la Tunisie aura beaucoup de potentiel de réussir dans la région Mena. Le mois d’avril prochain, nous organisons la conférence de clôture qui aura lieu à Tunis. D’ailleurs, la réussite de cette ONG revient aussi aux six autres membres fondatrices qui contribuent à la réussite de notre réseau : Sahar Mechri Kharrat, Salwa Trabelsi, Lamia Zribi, Najla Triki, Mejda Ben Hussein et Mouna Ben Othmane.