Comment améliorer la démocratisation des services sanitaires et de soin ? Est-il question de moyens et de part de budget investi dans la santé en Tunisie ? Telles sont, entres autres, les problématiques sur lesquelles les participants à la première session de l’Economic Policy Dialogue ont débattu. Et ce, hier, 30 janvier 2020.
En effet, l’accès à la santé en Tunisie était le deuxième volet de la table ronde. Le premier volet de l’événement portait sur l’éducation. Les participants ont soulevé plusieurs questions sur ce sujet crucial.
Ainsi, lors de son intervention, le consultant en TIC, Mustapha Mezghani, a affirmé qu’il est nécessaire de travailler sur le problème du financement de la santé. Dans cette perspective, il précise qu’il faut résoudre les problèmes de la CNAM. Cette caisse a des difficultés à payer la Pharmacie Centrale. Et ce, étant donné qu’elle ne peut pas souvent assurer le recouvrement des cotisations de la CNRPS et de la CNSS.
De ce fait, les problèmes de cette caisse impactent tout le système de santé. Pour cette raison, l’intervenant propose la mise en veille des nouveaux projets dans le secteur de la santé en Tunisie. Et d’estimer que la priorité doit être accordée à la maintenance et à l’entretien des établissements de santé existants. Par ailleurs, il propose de revoir la carte sanitaire. De même que la fermeture des établissements de santé qui ne reçoivent que très peu de patients.
Améliorer les conditions de soin dans les régions
Afin de booster le secteur, la Tunisie doit mettre en place des centres spécialisés de médecine de pointe. D’ailleurs, les autorités de tutelle doivent retenir les compétences qui travaillent dans ce domaine. Mais la motivation doit être de mise. Etant donné l’écart de rémunération très flagrant entre les médecins du secteur public et ceux du secteur privé. Il affirme que si les compétences médicales font défaut dans les régions, c’est parce que les conditions n’encouragent en rien les cadres et les enseignants à s’y installer.
Alors, appliquer des règles de la décentralisation pourrait contribuer à solutionner le problème des régions. L’économiste et enseignant à l’ISG, Makram Montasser, recommande de fournir aux régions des compétences médicales. Autrement dit, de transférer les compétences au niveau communal et régional.
Quant à l’universitaire, Ines Ayadi, elle est revenue, lors de son intervention sur le Projet Santé horizon 2030. Il s’agit d’un projet piloté par le ministère de la Santé. Il se base sur le principe constitutionnel du droit à la santé. La stratégie comprend plusieurs axes; à l’instar de la révision de la carte sanitaire. Elle recommande, également, plus de financement pour le secteur public. Et ce, pour qu’il puisse assurer son rôle comme il se doit. A cela s’ajoute une coopération, entre le secteur public et le secteur privé.
La santé publique reste le fer de lance
En outre, l’ex-député et le médecin Souhail Alouini, a souligné l’importance de la santé publique. Car 80% de la population tunisienne se soignent dans les hôpitaux. Pour résoudre les problèmes de la santé publique, une panoplie de mesures doit être mise en place. Il énumère la révision de la carte sanitaire, la révision de la rémunération des médecins et la remise à niveau des hôpitaux publics.
Quant à la CNAM, elle doit dépendre du ministère de la Santé et non du ministère des Affaires Sociales. Ainsi, il propose l’
instauration des états généraux de la santé. Cependant, il reconnaît que le secteur subit l’influence des lobbies. Il affirme que des lobbys ont bloqué la loi sur la responsabilité médicale au niveau de l’ARP.
La situation de la CNAM est un point récurrent dans les interventions. L’ex-ministre, Abderrazak Zouari, rappelle que la CNAM n’a pas récupéré 4216 MDT auprès de la CNSS et de la CNRPS.
La corruption est à bannir
De plus, la petite corruption persiste et signe au niveau de la santé publique. En effet, Hassen Zargouni, fondateur et directeur général de Sigma Conseil, affirme que 29% des citoyens se sont trouvés dans l’obligation de donner des pots de vin. Dans ce secteur, certains profitent du malheur du patient. Sur un autre volet, il rappelle qu’il faut rénover les dispensaires.
Pour l’universitaire Sami Mahmoud, il est urgent de traiter les problèmes de gouvernance de la santé publique. « Ce secteur est caractérisé par la corruption et l’inefficacité ». Dans ce volet, intervient le rôle du PNUD et de la Banque Mondiale pour ramener des success stories. Il affirme, dans le même contexte, qu’il faut abolir la distinction entre le secteur privé et le secteur public.
Le secteur de la santé en Tunisie doit apporter une réponse aux attentes des patients. Et ce, notamment en matière d’accueil et de la prise en charge, affirme Belgacem Ayadi, représentant du ministère du Développement, lors de son intervention. De même, il estime qu’il est inconcevable que l’établissement sanitaire travaille avec le régime horaire de la séance unique.
Remédier à la fuite des médecins
Le PDG de Cap Bank, Habib Karaouli, considère que la petite corruption est plus dangereuse que la grande corruption. « C’est un impôt sur le pauvre », a-t-il dit. Pour cette raison, il plaide pour le changement de mentalité.
Évoquant le problème de la fuite des cerveaux, il affirme que plus de 5000 ingénieurs ont quitté la Tunisie depuis 2011. Il estime que le coût moyen de la formation d’un seul ingénieur est de 25 mille dollars. « On forme ainsi des compétences pour les autres pays », lance-t-il.
Pour lui, l’investissement dans les infrastructures publiques doit continuer. A cet égard, il rappelle que les USA déboursent plus de 2000 milliards de dollars pour maintenir et régénérer des infrastructures publiques.
Le président de l’Association Action et Développement Solidaire (ADS), Radhi Meddeb, a émis les remarques qui suivent : il s’alarme de l’exode massif des médecins depuis 2011. La restauration de l’excellence de l’hôpital public est une urgence. Etant donné que les médecins qui exercent dans le secteur privé y ont été formés. De ce fait, la dégradation de la situation de l’hôpital public veut dire la dégradation de la formation des futurs médecins. Le praticien enseignant doit avoir une double paie. Et ce, pour valoriser ses compétences et sa double casquette.