Un troisième crédit en euros a été signé le 31 janvier 2020 entre 17 banques de la place et le ministre des Finances.
Il s’agit d’un crédit de 455 millions d’euros, soit l’équivalent de 1,4 milliard de dinars. Il se répartit sur trois tranches: deux ans, trois ans et cinq ans avec des taux d’intérêt respectifs de 2%, 2,25% et 2,75%. Ce crédit est le troisième du genre: une opération de 250 millions d’euros conclue il y a deux ans. Une opération de 352 millions d’euros conclue il y a un an. Et une opération de 455 millions d’euros conclue fin janvier 2020. Soit au total 1,057 milliards d’euros.
Risque démesurés
Ces opérations comportent des risque démesurés. Seul un État aux abois accepte de prendre de tels risques. En effet, ces crédits sont accordés à l’État pour couvrir des dépenses budgétaires courantes. Les dépôts bancaires sur la base desquels ces crédits sont accordés sont des dépôts à vue (oui je dis bien à vue !) en euros. Ils appartiennent à des clients non résidents des 17 banques concernées. Je dois souligner encore une fois que ces dépôts appartiennent à des clients non résidents.
Il faut aussi souligner que ces trois crédits ne répondent à aucune logique financière. En effet, l’État tunisien vient de contracter en 2019 un crédit de 500 millions d’euros sur le marché financier international à un coût global d’environ 8% (oui je dis bien 8%).
Notez ceci: le même emprunteur, l’État tunisien, emprunte auprès du marché financier international en euros à cinq ans à un taux de 8%. Le même emprunteur, l’État tunisien, emprunte auprès de banques tunisiennes en euros (donc dans la même monnaie) sur cinq ans (donc sur la même durée) à 2,75 % SEULEMENT. Selon quelle logique financière ceci peut se faire et sous l’oeil bienveillant du Gouverneur de la Banque centrale?
Mais le plus grave n’est pas cela
En effet:
- Ces opérations aggravent l’effet d’éviction en rendant plus difficile l’accès de l’entreprise au financement de l’activité économique. En effet, lorsqu’elles se présentent aux banques pour demander des financements de leurs opérations courantes, et notamment celles qui concernent des importations ou des exportations, les entreprises se voient répondre par les banques que la liquidité a été « pompée » par l’État. (Avec des liquidités « pompées » en dinars: environ 22 milliards de dinars).
- En cas de retraits inhabituels des dépôts par les clients non résidents, que peuvent faire les banques ayant engagé des dépôts à vue sur des prêts à l’État sur deux ans, trois ans et même cinq ans. Si les banques peuvent toujours recourir à la Banque centrale, en cas de besoin de liquidité en dinar, elles ne peuvent rien faire en cas de besoin de liquidité en euro (et en devises en général).
- Vous allez constater rapidement que cette opération, comme les précédentes, va permettre de doper (oui doper) tout de suite, aussi bien les réserves en devises que le taux de change du dinar. Eh oui!
Il est vrai que la situation du pays est très difficile. Mais ceci justifie-t-il de faire prendre à la Tunisie un risque aussi démesuré?
Par Ezzeddine Saidane