La performance de la championne Ons Jabeur en Australie a fait la fierté de la Tunisie et des Tunisiens. En quelques jours, elle a fait beaucoup plus pour la renommée du pays que les plus onéreuses campagnes publicitaires et les diplomates les plus chevronnés. La Tunisie le lui a bien rendu en l’honorant et en lui réservant un accueil digne des champions.
Tout allait bien donc jusqu’à sa participation à la Fed Cup 2020. A savoir, le tournoi mondial de tennis féminin disputé par équipes nationales, organisé par la Fédération mondiale du tennis et accueilli cette année par la Finlande. La Tunisie est représentée dans ce tournoi par Ons Jabeur et Chiraz Bechri.
Le 5 février 2020, selon le calendrier du tournoi, Ons et Chiraz devaient jouer contre les joueuses israéliennes. La question s’était posée de savoir si elles devaient jouer ou non contre l’équipe d’un pays considéré comme ennemi.
La présidence est bien évidemment contre cette participation. Le ministère des Affaires étrangères, ne voulant pas rater une belle occasion pour montrer son dynamisme et son intransigeance sur des questions de principe, dit non à cette participation.
Notre ambassadeur à Helsinki fut même chargé d’aller à l’hôtel où résident Ons et Chiraz pour leur signifier la position officielle tunisienne et les inciter à boycotter la rencontre.
« Injonctions officielles »
Que faire quand on se trouve dans un tel embarras ? C’est simple : écouter la voix de la sagesse. Et la voix de la sagesse ne réside pas ici dans « la position officielle tunisienne »; mais dans la séparation du sport de la politique. Dans le respect des règles des tournois et des règlements des fédérations organisatrices, comme le font tout sportif et toute sportive qui se respectent.
Si Ons et Chiraz s’étaient soumises aux « injonctions officielles », si elles avaient reculé face au lynchage et au déchaînement des hurluberlus sur les réseaux sociaux, elles auraient subi de lourdes sanctions de la part de la Fédération internationale du tennis. Elles auraient fait l’objet de critiques acerbes de la part de la presse internationale. Elles auraient été mises à l’index et placées en quarantaine dans le monde impitoyable de la compétition sportive internationale. En un mot, elles auraient endommagé sérieusement leur carrière.
En décidant de jouer contre l’équipe israélienne, Ons et Chiraz ont écouté la voix de la Raison et ignoré les péroraisons futiles de la politique politicienne. Car si le ministère des Affaires étrangères est vraiment soucieux de montrer au monde son attachement indéfectible à la cause palestinienne, il y a de bien meilleures occasions de le faire que l’immixtion dans un tournoi sportif international. Par exemple convoquer l’ambassadeur américain à Tunis, taper fort sur la table; avant de lui remettre une double lettre de protestation. La première dénonçant le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, la deuxième conspuant « le plan du siècle ».
Tennis et normalisation : quel lien?
En termes de normalisation avec Israël, on pourrait légitimement se demander en quoi un match de tennis joué contre deux jeunes filles israéliennes pourrait se répercuter négativement sur la réputation de la Tunisie ? Le jour même où Ons Jabeur jouait son match à Helsinki, Abdelfattah Al Borhan, le chef du gouvernement soudanais de transition, rencontrait en Ouganda le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Pourtant, c’est dans la capitale soudanaise que s’était tenue la fameuse conférence de Khartoum qui avait abouti, il y a des années, aux fameux « trois non » : « pas de paix avec Israël, pas de reconnaissance d’Israël, pas de négociation avec Israël »…
En termes de normalisation avec Israël, on pourrait légitimement se demander si le match de tennis à Helsinki de Ons Jabeur et Chiraz Bechri est plus compromettant que la rencontre de Rached Ghannouchi à Washington avec le lobby pro-israélien, AIPAC, auprès duquel même Netanyahu est un enfant de chœur ? Plus compromettante que l’accueil à Tunis de John McCain, le plus israélien des Américains et de ses chaleureuses accolades avec le chef du gouvernement d’alors, Hammadi Jebali ?
Le sport favori des hurluberlus ignares
Et puis, nos diplomates ne siègent-ils pas côte à côte avec les diplomates israéliens dans les instances internationales ONU, OMS, FAO, FMI, Banque Mondiale ? Sortent-ils de la salle de réunion des instances chaque fois qu’un représentant israélien y entre ? Non évidemment.
Last but not least, l’argent n’a pas d’odeur. Car, des dizaines de milliards de dollars que nous avons empruntés pour alimenter le budget de notre pauvre Etat et pour payer nos fonctionnaires appauvris, combien sont-ils d’origine israélienne ? Dieu seul le sait. En revanche, ce que nous savons c’est que les plus gros prêteurs d’argent sont les détenteurs juifs de capitaux. Et pas seulement les juifs américains ou européens, mais israéliens aussi.
Pour toutes ces raisons, Ons et Chiraz ont bien raison d’avoir écouté la voix de la Raison. Elles n’ont pas à être soucieuses des futilités politiciennes, fussent-elles enrobées dans un emballage officiel. Ni du lynchage, le sport favori des hurluberlus ignares, bêtes et méchants, qui tiennent le haut du pavé dans les réseaux sociaux parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire dans la vie.