Depuis le 31 janvier, le Royaume-Uni n’est plus membre de l’Union européenne. Ce retrait– connu sous le nom de Brexit– est sans précédent. C’est la première fois qu’un Etat membre se retire de cette organisation. Une Union européenne qui n’avait cessé de s’élargir. Et qui compte encore parmi les candidats à son adhésion un pays comme la Turquie. Est-ce le contrecoup de l’incapacité politique à protéger les Britanniques des contrecoups de l’intégration? Et de la globalisation économique dans un contexte général de repli identitaire et protectionniste?
Si le Brexit symbolise le retour des nation(alisme)s face à la globalisation; la crise européenne qu’elle révèle renforce l’intérêt d’investir politiquement. Et ce, dans la Méditerranée, comme espace d’interface.
Le spectre du déclin européen
Car, le retrait du Royaume-Uni s’inscrit dans une tendance lourde. Celle d’un retour des nations et des nationalismes, pour lesquels l’intégration européenne incarne une menace existentielle. Du Royaume-Uni à la Pologne, en passant par l’Allemagne, l’Autriche, la France ou l’Italie, l’Europe est traversée par une vague populiste. Elle est portée par un discours conjuguant identitarisme et souverainisme; le poids de ces deux variables différant selon les pays. Transpartisane, la vague mêlée d’europhobie et d’euroscepticisme ne concerne pas les seuls « partis extrémistes ». En témoigne le retour en force de l’idée de frontière ou d’identité nationale au sein des droites conservatrices nationales. Une tendance propice aux alliances avec l’extrême droite. Comme l’atteste le nouveau gouvernement autrichien. Un spectre auquel la France n’échappe pas non plus…
Entre le Brexit, la montée des forces centrifuges et la tentation de la démondialisation, l’Histoire contredit le sens de la construction européenne. Pis, l’intégration, la fédéralisation et la supranationalité semblent appartenir à un passé révolu. La frontière, la nation et la souveraineté, tels sont les éléments constitutifs du triptyque du nouvel ordre européen. Retour au vieux paradigme de l’Etat-nation souverain… Plongé désormais dans un monde globalisé structuré autour de pôles de puissances. Et dans lequel les Européens se cherchent encore et toujours…
De telles réactions suscitées par la globalisation trahissent un profond désenchantement. Ce sentiment n’est pas nouveau. La « globalisation heureuse » et la consécration universelle de la « démocratie de marché », pour reprendre l’expression de Francis Fukuyama, s’avèrent illusoires. Convaincu de sa propre existence, l’Occident craint aussi sa propre fin, du moins son déclin. Le sentiment d’être « en danger » ou d’être menacé par la civilisation islamique alimente la montée en puissance d’une idéologie « occidentaliste »…
Relancer l’Europe via la Méditerranée
Alors, l’incapacité politique des dirigeants Européens à produire du sens et à définir les ressorts d’un destin commun nourrit les mouvements de contestation. Et ce, vis-à-vis d’une chose européenne perçue comme une matière aussi floue qu’inconsistante; incapable de protéger et de décider, illisible et inaudible. Toutefois, si l’officialisation du Brexit renforce le spectre de la désintégration de l’Europe. Il apparaît clairement que l’expérience britannique a eu un effet repoussoir sur les opinions publiques des 27 Etats membres de l’UE. Et que les partis politiques eurosceptiques ne sont pas parvenus à capitaliser sur le départ des Britanniques… Alors comment rebondir?
D’abord, la Méditerranée est une chance pour l’Europe. Les pays de la rive européenne constitutifs de l’« arc latin » (Italie, France, Espagne et Portugal) pourraient ici jouer un rôle moteur.
Ensuite, la nécessité de repenser les fondamentaux de la coopération entre le Nord et le Sud du bassin méditerranéen suppose de dépasser l’échec de l’Union pour la Méditerranée (UpM). Et ce, par le choix d’un projet intégrateur fondé sur le principe de l’action coordonnée et sur le partenariat. Et réunissant les seuls Etats de la Méditerranée occidentale (constitutifs de l’enceinte informelle dite du « Dialogue 5+5 »).
De plus, les liens politiques, économiques, humains et culturels étroits, ainsi que la multiplication des défis communs– même s’ils se posent en des termes différents– placent les pays du Maghreb et les pays européens de l’arc latin dans une situation d’interdépendance particulièrement aiguë.
Nouvelle centralité géopolitique
De ce fait, la nouvelle centralité géopolitique de la Méditerranée mérite de réévaluer l’investissement politique des acteurs (inter)étatiques de la région, dont les peuples sont liés par un destin commun.
D’ailleurs, la Chine ne s’y est pas trompée. Et la Méditerranée n’échappe pas à sa montée en puissance économique et commerciale. Car une partie non négligeable des flux commerciaux chinois traverse la Méditerranée.
Ainsi, les hydrocarbures figurent ici au premier rang de ses préoccupations stratégiques. Compte tenu des besoins énergétiques du pays. Premier importateur mondial d’or noir, la Chine, en situation de dépendance énergétique, considère qu’il s’agit là d’une question de « sécurité nationale ».
Partant, l’une de ses priorités stratégiques dans la région est de protéger ses circuits d’approvisionnement et ses voies commerciales. Ceux-ci offrant une véritable passerelle vers les marchés européens. Elle a consenti des investissements lourds pour s’implanter dans le terminal commercial de Port Saïd au nord du canal de Suez. Ainsi que dans les ports de Naples et du Pirée, considérés comme autant de portes d’entrée vers les marchés européens…