La Tunisie est en lutte contre le chômage et l’inflation. Et le taux de chômage connait une légère baisse de 15,5% en 2018 à 15,1% en 2019. Malgré le glissement du taux d’inflation moyen à 6,7% en 2019 contre une moyenne de 7,3% en 2018, Cependant, l’inflation reste la menace principale pour l’économie tunisienne. Etant donné ses effets néfastes sur la croissance économique et le pouvoir d’achat.
Dans quelle mesure les décisions de politique monétaire peuvent-elles induire de l’inflation et stabiliser l’économie? Pour répondre à cette question, on doit tout d’abord connaître les origines de l’inflation en Tunisie.
Et ces causes sont multiples. En effet, on les doit à des chocs de demande ou à des chocs d’offre. Dans le premier cas, l’inflation provient d’un excès de demande par rapport à l’offre. Afin de rétablir l’équilibre, il y une pression à la hausse des prix.
Ainsi, en présence d’inflation élevée, la solution passe soit par l’application d’une politique fiscale (augmentation du l’impôt); soit par une politique budgétaire (diminution des dépenses du gouvernement). Ou encore par une politique monétaire (augmentation du taux d’intérêt).
Or, on constate que dans la conjoncture tunisienne actuelle le gouvernement à peu de manœuvre. Alors, la banque centrale de Tunisie (BCT) n’a pas d’autre choix que d’agir en augmentant son taux directeur.
De ce fait, sur le plan théorique, il y a un débat sur l’effet à court terme de la politique monétaire. Avec la théorie quantitative de la monnaie que défendent les monétaristes. Et notamment Milton Friedman qui déclare: « L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire. En ce sens qu’elle est et qu’elle ne peut être générée que par une augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production. »
Et l’augmentation des prix provient d’une augmentation de la masse monétaire plus que la richesse réelle du pays. Ce qui déprécie la valeur de la monnaie. Et les prix augmentent pour compenser cette dépréciation.
Selon Keynes, une stimulation de la demande venant de l’augmentation de la quantité de monnaie (donc une réduction du taux d’intérêt) dynamise l’activité économique. Et entraînera une hausse de la production et du niveau général du prix; avec une baisse du chômage. Cette situation se produit surtout en cas de crise économique et de sous-emploi des facteurs de production.
Alors, ce type d’inflation n’est pas mauvais en soit parce qu’il est un signe de croissance. Cependant, il faut modérer cette inflation. Dans ce sens que la croissance des prix reste inférieure à la croissance du PIB. Ce qui n’est pas le cas en Tunisie.
Par ailleurs, la BCT a augmenté de manière drastique (100 points de base) son taux directeur. Il passe de 6,75% en 2018 à 7,75% en 2019. Mais la banque centrale n’est pas la seule responsable de la circulation de monnaie.
En effet, les banques commerciales sont aussi responsables de l’augmentation de la masse monétaire dans l’économie. Et notamment suite à l’augmentation de son taux directeur et selon les données de la BCT[1]. Ainsi, le taux de crédit à l’économie diminuait de 13,42% en 2017 à 8,83% en 2018. La même tendance à la baisse du taux de crédit se notait au niveau du secteur public (21% à 12%) et du secteur privé (de 12,97% à 8,6%). Donc, on peut dire que la politique restrictive de la BCT explique en partie la baisse du taux d’inflation en Tunisie.
En outre, l’inflation par l’offre est essentiellement une inflation par les coûts ou une Inflation d’origine structurelle. Dans le deuxième cas, l’inflation est un symptôme des déséquilibres de l’économie. Comme: l’existence de système de protection sociale; le monopole ou oligopole; l’intermédiation; la spéculation; l’inefficience des circuits de distribution; et l’existence de marchés parallèles…
Quant à l’inflation par les coûts, elle se manifeste lorsque le prix d’un bien augmente suite à l’augmentation de son coût de production. Cette augmentation peut être due à l’augmentation des prix des facteurs de production; quand elle est supérieure à l’augmentation de leur productivité.
En plus de: l’augmentation des prix locaux des matières premières; des pièces de rechange; des machines ou de leur prix à l’étranger avec la dépréciation du dinar. Dans ce cas, on parle d’inflation importée.
Par conséquent, les entreprises tunisiennes reflètent ces coûts dans leur prix. Les interventions du gouvernement par de nouveaux droits de douanes et l’augmentation de la TVA, sont aussi en partie à l’origine de la hausse des prix. C’est une inflation d’origine financière. Et dans ce cas l’augmentation du taux d’intérêt implique une augmentation des coûts de financement. Elle se répercute dans le prix ou par une diminution de l’investissent. Et ainsi de l’offre et par conséquent sur le prix.
La courbe de Phillips nous indique qu’il existe un arbitrage entre chômage et inflation, que les gouvernements et les banques centrales pourraient utiliser pour influencer l’économie.
En Tunisie cet arbitrage est impossible parce que les deux taux sont élevés. Les conséquences de l’inflation sont nombreuses et peuvent entraîner une spirale inflationniste. En effet, afin de protéger les travailleurs contre la hausse des prix et afin de préserver leur pouvoir d’achat, on applique une indexation des salaires à l’inflation observée.
Cette indexation implique que les effets spiraux des salaires, sont plus susceptibles de se produire, ce qui augmente la persistance de l’inflation. À mesure que l’inflation future deviendrait plus prévisible, les travailleurs préféreraient indexer leurs salaires sur l’inflation prévue, ce qui réduit la persistance de l’inflation.
Plusieurs études empiriques ont montré que lorsqu’on permet à l’indexation des salaires de varier en fonction de l’objectif monétaire, on constate une réduction économiquement et statistiquement significative de l’indexation des salaires pour les pays ayant une cible d’inflation. Plus précisément, le degré d’indexation des salaires est considérablement plus faible dans un régime cible qui l’inflation par rapport à un régime sans cible.
La BCT a annoncé que son objectif qui est de maîtriser et de stabiliser le taux d’inflation. Toute croissance du salaire nominal doit être déterminée par le différentiel du taux de croissance de la productivité et de l’inflation pour ne pas entraîner une spirale.
L’inflation pénalise aussi la compétitivité d’une économie et son commerce extérieur (les produits importés peuvent devenir moins chers que les produits domestiques). Il faut encourager la concurrence pour faire pression à la baisse des prix et améliorer la qualité des produits. Lutter contre la spéculation qui gonfle le prix de certains produites et améliorer la productivité dans les secteurs où il y a hausse des prix. Mieux contrôler les circuits de distribution et les frontières pour empêcher la contrebande et le marché parallèle. Aussi revoir les politiques commerciales avec le reste du monde, agir sur les prix des importations avec des négociations multilatérales.
Des réformes structurelles favorables à la croissance et des mesures budgétaires appropriées qui peuvent alléger la charge pesant sur la politique monétaire pour relancer l’économie et soutenir l’inflation.
Par: Afifa Khazri, PhD, Universitaire au Canada
[1] Source: Centrale des risques et des crédits aux particuliers (BCT)