La Ligue arabe rejette le « plan de paix » du président Trump. Il est qualifié « d’injuste » et « ne respect[ant]e pas les droits fondamentaux du peuple palestinien« .
Pourtant, cette position officielle ne saurait masquer l’isolement diplomatique de l’Autorité palestinienne; y compris au sein du monde arabe. En atteste le délai de quatre jours pour se réunir sur le sujet avec ses alliés historiques. A savoir: la Jordanie, l’Egypte et l’Arabie saoudite.
Pis, on aura remarqué aussi la présence lors du « Deal du siècle » promis par Donald Trump des ambassadeurs des Emirats Arabes Unis, de Bahreïn et d’Oman.
Enfin, la critique à ce plan américain n’était pas unanime. Ainsi, les Emirats arabes unis saluaient « une initiative sérieuse, un important point de départ pour un retour à la table des négociations ». Tandis que le royaume saoudien « appréciait à leur juste valeur les efforts » de l’Administration Trump. Le Royaume exprimait son soutien « inébranlable » aux droits des Palestiniens. Quant à l’Egypte, elle exhortait les deux parties à « prendre en considération la vision américaine ».
Un cas de défaillance
En outre, nous ne reviendrons pas sur l’imbroglio autour de l’ambassadeur de la Tunisie à l’ONU. Lequel devait être en charge d’une résolution-réaction offensive… Cette séquence s’inscrit en réalité dans un long déclin d’une organisation. Puisqu’elle avait été créé à l’origine pour faire face à l’impérialisme et défendre la Palestine…
Car le panarabisme, l’anticolonialisme et la lutte pour la libération nationale des peuples arabes sont les raisons d’être originelles de l’organisation. En effet, créée le 22 mars 1945, la « Ligue des États arabes » s’est efforcée de défendre à l’ONU les mouvements de libération nationale. D’ailleurs, ils aboutiront à la création de nouveaux États arabes comme le Maroc, la Tunisie, l’Algérie. Mais également Oman et le Yémen.
À l’inverse, la Palestine représente un cas symptomatique de la défaillance de la Ligue. Et ce, malgré l’idéologie panarabiste de ses Pères fondateurs. Ainsi que l’appel à l’unité des États arabes par l’article 2 de son Pacte constitutif. Car la Ligue est une organisation de simple coopération intergouvernementale.
A cet égard, loin de toute intégration politique supranationale, la logique interétatique a primé de facto sur la solidarité interarabe. De même, l’instrumentalisation de la Ligue par ses États membres a contribué à son discrédit. Sentiment conforté par l’inefficacité, voire l’impuissance, de l’organisation sur la scène arabe et internationale. Toutefois, c’est surtout à la faiblesse intrinsèque des États arabes que sont dus les échecs de l’organisation.
Divisions et conflits interétatiques
En effet, l’histoire de la Ligue arabe est celle d’une crise existentielle rythmée par des divisions et conflits interétatiques. Son déficit de crédibilité et d’efficacité est directement lié à une forme d’ « incapacité de puissance ».
Et cet état de crise permanente entame le bon fonctionnement et l’efficacité d’une organisation. Elle est le reflet de la désunion et de l’impuissance (collective et individuelle) des États arabes eux-mêmes.
Alors, la Ligue fait office de façade commode derrière laquelle ils tentent de masquer leurs faiblesses et leurs turpitudes. Malgré sa vocation panarabe, l’organisation n’a jamais pu se départir de son instrumentalisation par ses États membres; et par des puissances étrangères au monde arabe (de l’Iran aux Etats-Unis).
Tout d’abord, dès sa naissance, la Ligue est divisée en deux lignes de fracture idéologique et stratégique. D’un côté, l’entente égypto-saoudienne favorable aux projets d’indépendance. Elle fait face, de l’autre côté à l’axe hachémite jordano-irakien plus enclin à une coopération avec la puissance britannique, à la tête de nombreux protectorats et mandats (Soudan, Palestine, Émirats, etc.).
Puis, dans un second temps, les rivalités intra-arabes ont connu une reconfiguration avec la Guerre froide. La Ligue devenant durant cette période le théâtre d’un affrontement politico-idéologique entre d’un côté l’alliance nationaliste arabe (Égypte, Libye, Syrie); et le bloc soviétique, et de l’autre, l’alliance entre les monarchies arabes (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Jordanie) et le bloc occidental.
Crise existentielle
Dans ce contexte, de la fin des années 1950 aux années 1960, l’arabisme à teneur socialiste et anti-impérialiste- incarné par le pôle syro-égyptien- s’impose au sein de la Ligue. Et ce, à la faveur de deux événements: la victoire politique de Nasser au terme de la crise du Canal de Suez (1956) et l’affaiblissement de l’influence hachémite avec la chute du royaume d’Irak.
D’ailleurs, cette configuration implose avec la signature, le 17 septembre 1978, des Accords de paix de Camp David, entre l’Égypte et Israël. Outre le déplacement du siège de la Ligue du Caire à Tunis. Ces accords de paix marquent une rupture qui se traduit par l’exclusion de l’Égypte, puissance régionale, porte-étendard historique du panarabisme et membre fondateur de la Ligue des États arabes. La crise existentielle de l’organisation atteint ici son paroxysme… L’organisation ne s’en est jamais vraiment remise.
Si l’aspiration unitaire a permis la naissance de la Ligue arabe, l’absence de cohésion politique et la prévalence des logiques d’intérêts nationaux sur le principe de solidarité arabe ont empêché toute dynamique d’intégration arabe. Aussi, la Ligue arabe se voit-elle concurrencée par des organisations (pan)islamique (OCI) ou (sub)régionales (comme le CCG), qui tentent à leur tour de peser sur une question centrale pour les peuples arabes: la « cause palestinienne ».