Au début du mois de février, une rencontre inédite en Ouganda a fait les gros titres de la presse internationale. Abdelfattah Al Borhane, le chef du Conseil souverain du Soudan, rencontrait le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Était-ce le prélude à une normalisation des relations soudano-israéliennes?
A cet égard, cette rencontre suscita une controverse au Soudan. Elle fut largement commentée dans les médias arabes et internationaux. Mais, la controverse au Soudan était loin d’être intense. D’ailleurs, on ne peut pas dire qu’elle divisait le peuple soudanais. En effet, la majorité des intellectuels et des journalistes invités dans les débats télévisés et radiophoniques étaient pour la rencontre et la normalisation.
D’un côté, leur argument est simple: « Le peuple soudanais souffre, depuis des décennies, de sanctions étouffantes suite à l’inscription du pays sur la liste des pays soutenant le terrorisme. La normalisation avec Israël va ouvrir la voie à un rapprochement avec les Etats-Unis, à l’annulation des sanctions, au retrait du Soudan de la liste des pays soutenant le terrorisme, au retour des investissements étrangers et à l’amélioration des conditions économiques et sociales des Soudanais. »
De l’autre côté, l’argument de ceux qui refusent tout rapprochement avec Israël est aussi simple. « Ce pays est le spoliateur qui a conquis et qui continue de conquérir les terres palestiniennes par la force », disent-ils. Par conséquent, le Soudan qui a toujours soutenu la cause du peuple palestinien ne peut pas normaliser ses relations avec le pays colonisateur.
Passivité populaire
Curieusement, la rencontre Al Borhane-Netanyahu en Ouganda ne suscita pas la moindre réaction de la part du peuple soudanais. Pas de manifestations publiques, pas de protestations populaires. Certains commentateurs attribuent cette passivité à la fatigue de ce peuple. Les soucis et les difficultés de la vie quotidienne refroidissent ses ardeurs envers la cause palestinienne.
L’évocation par quelques commentateurs soudanais de la réunion arabe de septembre 1967 à Khartoum et ses trois ‘NON’ (non à la paix, non à la négociation et non à la reconnaissance d’Israël), n’a pas réussi à faire bouger les Soudanais qui, visiblement, ont bien d’autres soucis en tête que la cause palestinienne
Alors, dimanche 16 février, Netanyahu était aux anges. Dans une réunion avec des juifs américains à Jérusalem, il rendait public le premier fruit de sa rencontre du début du mois en Ouganda avec le dirigeant soudanais Abdelfattah Al Borhane. « Aujourd’hui pour la première fois, un avion israélien a survolé le Soudan. Cela nous fait gagner plusieurs heures de vol dans nos liaisons aériennes. Et ce, avec l’Amérique latine et avec le cœur de l’Afrique », affirmait Netanyahu d’un air triomphant.
Car, il a raison de jubiler Netanyahu. Les gains pour la compagnie israélienne « El Al » en économie de carburant se chiffreront en millions de dollars. Le voyageur israélien pour l’Amérique latine ou pour l’Afrique verra le prix du billet d’avion baisser très substantiellement.
Mais ce n’est pas le plus important pour Netanyahu. Pour lui, la normalisation avec le Soudan est un grand succès. Un succès qui confirme la percée que ne cesse de réaliser Israël dans le monde arabe. Et ce, aux dépens de la cause palestinienne et, bien entendu, aux dépens de l’Iran.
Une franche explication
En effet, la normalisation israélo-soudanaise est en train de prendre son envol. Elle n’est pas entravée par le lourd contentieux qui séparait les deux pays. N’oublions pas qu’Israël ne s’était pas gêné de bombarder des infrastructures au Soudan, sous prétexte que le pays abritait et hébergeait « des terroristes de Hamas ». N’oublions pas aussi qu’Israël a soutenu pendant des années les rebelles du Darfour. Israël a contribué à faire durer la très coûteuse guerre qui déchirait cette province déshéritée.
Mais tout cela c’est de l’histoire ancienne que les Soudanais semblent vouloir oublier pour ouvrir une nouvelle page. S’ouvrir sur le monde et avoir de bonnes relations avec les pays influents sur la scène internationale. Tel est l’objectif des nouveaux dirigeants soudanais. Des porte-paroles, officiels ou non, du nouveau pouvoir sont francs. Ils vont droit au but: « Israël a de l’influence aux Etats-Unis. Il peut nous aider dans la normalisation de nos relations avec cette grande puissance et la convaincre d’enlever le Soudan de la liste noire du terrorisme. »
De telles déclarations ne peuvent que remplir d’aise Benyamin Netanyahu pour qui les élections du 2 mars prochain sont les plus décisives dans sa carrière politique. Puisque, ou il les gagne ou il va en prison. Son succès au Soudan l’aidera-t-il à éviter la prison le 2 mars?