L’écrivain, traducteur et critique littéraire argentino-canadien Alberto Manguel a été l’invité de la Maison du roman, samedi 22 février, à la Bibliothèque nationale.
Ainsi, la littérature a fini par triompher des décisions du ministère des Affaires culturelles. Retour sur les faits. Alors que la Maison du Roman a réussi à inviter Alberto Manguel pour présenter une conférence à Tunis, à la Cité de la culture. Le ministère des Affaires culturelles demandait de transférer le dossier au prochain ministre des Affaires culturelles.
La décision était inattendue surtout que l’obtention de l’accord de l’écrivain était le résultat de longues négociations de six mois. En plus, le ministère a émis cette décision a J-3 de l’événement. Alors, de nombreux intellectuels tunisiens se sont mobilisés avec leurs propres moyens. Et ce, pour prendre en charge la visite et le voyage de l’écrivain à Tunis. Dans le même sillage, la directrice de la Bibliothèque nationale, Raja Ben Slama, a ouvert le siège de la bibliothèque pour abriter la rencontre-débat; en lieu et place de la Cité de la culture où elle devait se tenir initialement.
Ainsi, grâce à une myriade d’intellectuel tunisien, la première visite d’un écrivain de renommée mondiale s’est bien déroulée. Menée par le directeur de la Maison du roman Kamal Riahi, cette initiative montre bel et bien que les intellectuels sont acteurs de changement. Ils peuvent exceller là où un organisme officiel a échoué.
Un double intérêt. Un intérêt littéraire puisque qu’il s’agit du plus important événement littéraire et culturel tunisien depuis des années. Il s’agit aussi d’un intérêt touristique surtout qu’un écrivain ou un artiste est capable de promouvoir l’image d’un pays.
Prenant la parole, la directrice de la Bibliothèque nationale Raja Ben Slama a affirmé lors de son intervention que la bibliothèque accueille un écrivain exceptionnel dont les œuvres ont été traduites en plusieurs langues. « Les lecteurs d’Alberto Manguel se comptent par milliers dans le monde arabe », rappelle-elle.
De son coté, le directeur de la Maison du roman Kamel Riahi s’est félicité du déroulement de l’événement. Et « ce malgré la volonté du ministère de l’annuler ». Pour lui, la réussite de l’événement montre bel et bien que les lecteurs sont capables de défendre la culture. « Personne n’est capable de priver les Tunisiens de leur droit sacré le savoir », lance-t-il. A noter que le poète Adam Fethi était le modérateur des débats.
Pour Alberto Manguel la société de la consommation n’est pas propice à la lecture et au savoir. D’ailleurs, l’abandon progressif de la lecture est l’une des manifestations de la société de la consommation. Il estime, également que la rapidité et la facilité sont les spécificités de cette société. Il s’agit donc de deux spécificités qui sont contre l’esprit de la lecture qui est un acte réfléchi. Le plaisir réel du lecteur ne consiste pas à acheter des objets luxueux pour suivre la mode, continue-t-il.
« Son réel plaisir n’est autre que la lecture », lance-t-il. L’acte de lecture n’est pas une recherche perpétuelle aux réponses. Pour lui, lire est une occasion pour se poser un tas de question. Car, « le lecteur est capable de changer le monde grâce aux mots », avance-t-il. « C’est dans ma bibliothèque que j’ai trouvé mes racines », affirme-t-il. Sensible à cette problématique, l’invité de la Maison du roman précise qu’il a ressenti la mort, l’amour, la tristesse et plein d’autres émotions sur les rangs des bibliothèques, dès neuf ans.
Il confirme qu’il a subi l’influence de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges. Comme lui, il considère que la littérature dépasse les barrières de l’immortalité et ne se confine pas aux frontière de l’identité.
Pour l’écrivain, il n’existe pas de recette magique pour apprendre la lecture aux enfants. Cependant, une chose est sûre. La fermeté et la rigidité ne sont, en aucun cas, les meilleures méthodes pour la réalisation de l’objectif.
Par ailleurs, l’écrivain appelle tous les intellectuels du monde à agir contre l’injustice que subit le peuple palestinien. Pour lui, les intellectuels doivent expliquer au monde qu’il n’est pas permis de s’emparer des terres palestiniennes.
D’ailleurs, quand il était à la tête de la bibliothèque nationale de l’Argentine, l’écrivain a appelé à aider les Palestiniens pour qu’ils aient leur propre bibliothèque nationale. « Ce qui permettra de sauver leur patrimoine et éterniser leur histoire », précise-t-il.