La BCT semble bien déterminée à ne plus attendre les critiques des politiciens.
La BCT a changé ainsi de stratégie de communication en étant proactive. Elle publie une note complète sur les évolutions économiques et monétaires et les perspectives à moyen terme.
Etant un pays exportateur, l’économie tunisienne dépend de la bonne santé de notre principal client, l’Union Européenne. Après un dernier trimestre modeste (0,1% de hausse pour le PIB), les estimations de croissance sont loin d’être prometteuses. Les indices de production industrielle sont en berne et la confiance des industriels européens est à son plus bas niveau, depuis 2013.
Cette tendance n’est pas une bonne nouvelle pour notre industrie qui reste intimement liée à la demande des manufacturiers européens. D’ailleurs, en termes réels, les exportations ont accusé, en 2019, une baisse de 5%. En janvier 2020, et à prix constant, les exportations ont reculé de 2,5% et les importations de 18,7% en rythme annuel.
Autre facteur intéressant: l’évolution des prix des matières premières sur les marchés internationaux. La BCT a rapporté une hausse des produits énergétiques et des produits alimentaires, contre la baisse des prix des métaux. Pour la Tunisie, et au rythme de l’année précédente, rien n’écarte des pressions sur la balance commerciale.
L’inflation sous-jacente persiste
Ainsi, la contre-performance de l’économie tunisienne n’est pas une surprise. Surtout qu’elle vient des industries manufacturières (Industries Mécaniques et Électriques et du Textile, Habillement et Cuir) et énergétiques (raffinage du pétrole). L’agriculture a sauvé la mise grâce à une campagne céréalière exceptionnelle (23,8 millions de quintaux), limitant l’impact de la modeste saison oléicole.
Bien que l’inflation ait décéléré, l’inflation sous-jacente continue à peser. Elle enregistre une légère hausse en janvier 2020 pour s’établir à 6,2%. L’indice des prix à l’importation poursuivait sa tendance baissière, tirant profit de la reprise du dinar.
Pour ce qui est des prévisions pour 2020-21, la BCT table sur un indice des prix moyen de 5,3%. Pour l’inflation sous-jacente, elle est respectivement estimée à 5,8% et 6,3%. Ces chiffres sont basés sur quelques hypothèses clés qui vont impacter la sphère économique.
Ainsi, la banque des banques suppose une stabilisation du taux de change du dinar vis-à-vis des principales devises au cours du premier trimestre 2020. Elle s’attend aussi à l’ajustement à la hausse de quelques prix administrés (sucre, sel, café, riz, tarifs postaux et transport). C’est un élément très important et nous ne savons pas si le prochain gouvernement va opter pour cette politique. Car, sa « ceinture politique » ne serait pas en faveur d’une telle démarche.
En outre, en ce qui concerne l’impact des mouvements des marchés, la BCT retient l’affermissement des prix internationaux des produits alimentaires et du rebond des prix du baril de Brent.
Pas de baisse des taux
De ce fait, l’inflation et la croissance dépendent de la disponibilité des financements. En 2019, les niveaux de rémunérations attractives ont permis d’enregistrer une amélioration des dépôts à terme et des certificats de dépôts. Cela a contribué à la diminution des besoins moyens des banques en liquidité. Surtout avec la poursuite des opérations de vente de devises par les banques à la BCT (opérations nettes de 643 millions de dinars) et le retour des billets de banques (129 millions de dinars).
En parallèle, les crédits à l’économie ont ralenti en progressant de 3,6% en 2019 contre 8,9% en 2018. Pour les particuliers, le recul a concerné les crédits à la consommation (+1,9% en 2019 vs. 10,3% en 2018) et au logement (+1,9% à fin 2019 contre 6,5%). Pour les professionnels, le ralentissement n’a épargné aucun secteur, notamment celui industriel.
Tous ces éléments font que le pays reste sur un équilibre fragile et que l’inflation sous-jacente persisterait à moyen-terme. Ainsi, si nous nous attendons à une prochaine baisse des taux, même symbolique, nous devons commencer à réviser nos estimations. Il est plus probable maintenant que la BCT continue à maintenir le cap de sa politique monétaire restrictive. Un message direct aux partis politiques qui comptent signer aujourd’hui la feuille de route pour le quinquennat.