Souvent minimisées en Occident, les attaques terroristes commises par des identitaires et suprémacistes extrémistes se multiplient aux Etats-Unis et en Europe. La cible privilégiée de ce nationalisme: les musulmans, mais pas uniquement.
Il y a quelques jours, l’Allemagne fut le théâtre de fusillades perpétrées dans deux bars à chicha de la ville de Hanau. Cette séquence historique mérite une mise en perspective politique. Pour saisir les menaces qu’elle charrie pour les démocraties occidentales et les minorités qui y vivent.
L’affirmation d’un « terrorisme blanc »
Si à l’échelle mondiale, le terrorisme des nationalistes blancs est moins meurtrier que sa variante islamiste djihadiste; il convient d’en prendre toute la mesure.
En effet, l’attaque en Allemagne survient quelques mois après l’assassinat de Walter Lübcke, le préfet de Cassel (Hesse). Il était connu pour son soutien à la politique d’Angela Merkel en faveur de l’accueil des réfugiés. Cette même attaque intervient aussi quatre mois après l’attaque de la synagogue de Halle par un adepte du « suprémacisme blanc ». Ainsi, la tuerie de Hanau relance le débat sur la sous-estimation, par les autorités allemandes, du danger que représente le terrorisme d’extrême droite.
Et sur ce point, les experts sont aujourd’hui d’accord pour affirmer que la menace n’a pas été suffisamment prise au sérieux, en Allemagne, au cours des dernières années. Il suffit de rappeler les meurtres de neuf immigrés et d’une policière allemande commis dans les années 2000 par le groupuscule néonazi NSU. Le tout avec des complicités au sein des services de police et de renseignement.
Par ailleurs, l’année 2019 était déjà marquée par le massacre de dizaines de fidèles dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande. L’assaillant, un Australien de 28 ans, Brenton Tarrant, dit s’être forgé des convictions extrémistes en surfant sur Internet et en visitant l’Europe…
La théorie complotiste du grand remplacement
Car, il est vrai que le concept racialiste de « grand remplacement » auquel se réfèrent les acteurs de cette vague terroriste a été forgé par un écrivain français Renaud Camus. Devenu depuis une figure de l’extrême droite identitaire en France et dans le monde.
Ainsi, cette théorie d’un « grand remplacement » cumule deux dimensions. D’abord, sur le plan racial: le remplacement des blancs de peau par une immigration « extra-européenne ». Renaud Camus évoque ainsi un « génocide par substitution, crime contre l’humanité du XXIe siècle ».
Il va même jusqu’à parler de seconde Carrière d’Adolf Hitler: « Un premier génocide (celui des juifs) a tant embarrassé la langue et la pensée qu’elles n’offrent plus aucune défense contre un second (celui des blancs) ».
Ensuite, sur un plan culturel, ce remplacement du terreau culturel chrétien par l’islam. Il s’agit en outre d’une théorie du complot, le « grand remplacement » étant « organisé » par le pouvoir politique et non subi. Ce type de délire paranoïaque s’inscrit dans un contexte politique marqué par la montée du nationalisme.
La montée du nationalisme d’extrême-droite en Europe
Car, des Etats-Unis de Trump au Royaume-Uni, en passant par l’Italie ou la France, le monde occidental est traversée par une vague populiste. Elle est portée par un discours conjuguant identitarisme et nationalisme. Même si le poids de ces deux variables varie selon les pays.
En outre, transpartisane, la vague mêlée d’europhobie et d’euroscepticisme ne concerne pas les seuls « partis extrémistes ». En témoigne le retour en force de l’idée de frontière ou d’identité nationale au sein des droites conservatrices nationales…
De plus, les nationalistes européens disposent tous de partis politiques. Ils ne pensent pas forcément que leur nation soit supérieure aux autres. Mais plutôt qu’il existe une convergence des nations européennes. Et surtout l’existence d’un ennemi commun qui se trouve à l’extérieur de l’Europe (l’islam, les musulmans, les Arabes, les Noirs…).
En ce sens, ils reconnaissent que l’UE est quelque chose de positif. Une tendance propice aux alliances avec l’extrême-droite, comme l’atteste le nouveau gouvernement autrichien. Un spectre auquel la France n’échappe pas non plus…
Trois facteurs permettent d’expliquer cette montée de l’extrême droite. Elle repose d’abord sur une crise de la représentativité. Ensuite, l’Europe a été touchée très massivement par une crise des migrants, et l’on constate un rejet de l’islam et de l’immigration. Enfin, les citoyens ont le sentiment que leur pays est dépossédé de son attribut de souveraineté, au profit d’entités comme la finance.
Alors, quelles armes la démocratie occidentale en crise peut-elle opposer à l’expression de cette angoisse existentielle?