On peut être modeste et raisonnable et dire : « Moi, je n’échoue jamais ». A condition d’ajouter : « Ou je gagne ou j’apprends ». Sur la scène internationale, tout au long de la dernière décennie, le personnage à qui cette sagesse s’applique le moins est sans aucun doute le président turc Erdogan. A voir ses délires déroutants et ses déboires retentissants entre 2011 et 2020 en relation avec la Syrie et la Libye, on pourrait raisonnablement faire le constat suivant : Erdogan ne gagne jamais. Il échoue et s’inspire d’un échec pour s’enfoncer dans un autre.
Pour s’en convaincre, il suffit de voir où en est la Turquie et ce qu’en a fait son président islamiste Erdogan. Engluée en Syrie et en Libye, perdant ses amis et collectionnant les ennemis, la Turquie s’est transformée en l’espace d’une décennie de pays politiquement pacifique et économiquement prospère en une force majeure de déstabilisation pointée du doigt partout dans le monde, sauf au Qatar.
En effet, aujourd’hui, la Turquie n’a qu’un seul ami : le Qatar. Une amitié dont le ciment de base est le soutien au terrorisme islamiste. L’échec commun de ces deux pays en Syrie ne les a pas dissuadés de poursuivre leur soutien au terrorisme. Si Tripoli est toujours sous la domination des milices armées, c’est parce que le président turc et l’émir qatari s’entêtent à ne pas tirer les leçons de leur échec patent en Syrie.
Mais si le Qatar se limite à signer généreusement les chèques pour financer ses aventures en Syrie et en Libye, le président turc est allé beaucoup loin que le soutien militaire et logistique aux groupes terroristes. Il a envoyé ses propres soldats, par milliers en Syrie et en Libye.
Après les 15 soldats morts à Idlib la semaine dernière, Erdogan a tenu une conférence de presse le 25 février à Ankara. Et ce, pour annoncer la mort de deux soldats en Libye : « Nous avons eu deux martyrs là-bas en Libye », dit-il, selon l’AFP.
Vous avez dit « martyrs » ?
Evidemment, ce n’est pas la dernière fois qu’ Erdogan nous parle de « martyrs ». Les 15 soldats qu’il a lui-même envoyés à la mort en Syrie sont aussi qualifiés de « martyrs ». Il va sans dire que, en versant dans la démagogie et en détournant les mots de leur sens véritable, le président turc tente désespérément de convaincre son peuple qu’effectivement, les soldats tombés en Syrie et en Libye sont des martyrs.
Le martyr est celui qui défend sa patrie contre un agresseur. Ou un occupant étranger. Or, que font les milliers de soldats turcs en Syrie et en Libye loin de leur territoire ? Ils volent au secours des groupes terroristes mis en déroute par l’armée du président Bachar Al Assad en Syrie. Et par l’armée du maréchal Khalifa Haftar en Libye. Ils ne sont donc pas en train de défendre leur territoire ou un intérêt supérieur turc mis en péril par des forces étrangères.
Les milliers de soldats turcs lourdement armés sont envoyés par Erdogan dans les bourbiers syrien et libyen pour l’unique raison de maintenir en vie une illusion. Une folie politique qui embrouille l’esprit du président islamiste et le convainc qu’il est en mesure de ressusciter l’empire défunt de ses ancêtres. Comment sinon expliquer ce délire libyen d’Erdogan : « En Libye, nous ne sommes pas des étrangers. Nous sommes dans une terre qui faisait partie de l’Empire ottoman », disait-il dans l’un de ses discours délirants.
Mauvaise foi, tromperie et imposture
Sachant qu’il n’a pas les moyens de sa folle ambition, se rendant à l’évidence que ses projets en Syrie et en Libye sont entravés par la puissance russe, Erdogan appelle au secours ses alliés de l’OTAN en invoquant l’article 5 de la Charte de cette organisation qui stipule : « si un pays de l’OTAN est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué. »
En invoquant l’article 5, Erdogan a recours à la mauvaise foi, à la tromperie et à l’imposture. Après avoir qualifié ses soldats agresseurs de « martyrs », voilà qu’il tente de convaincre ses alliés américains et européens de l’OTAN que la Turquie est victime d’une attaque armée. Dans le raisonnement ubuesque d’Erdogan, la défense de leurs pays par les armées de Bachar et de Haftar équivaut à une attaque armée contre la Turquie. Donc les alliés de l’OTAN doivent appliquer immédiatement l’article 5 et entrer en guerre contre les armées syrienne et libyenne et leurs alliés…
Si la démagogie délirante d’Erdogan trouve encore des oreilles attentives en Turquie, elle est reçue par le mépris ou la condescendance chez ses alliés de l’OTAN. D’autant que ceux-ci n’ignorent pas qu’il n’y a pas si longtemps, leur allié turc n’a eu aucun scrupule à les quitter pour se jeter dans les bras de Poutine…