Il faut avoir la foi du charbonnier pour croire que le transport portuaire en Tunisie fonctionne comme il se doit. Et le port de Radès en particulier. Partant de la nécessité et de la certitude que le transport portuaire pourrait constituer une entrave aux acteurs économiques, notamment les exportateurs, la deuxième édition d’Economic Policy Dialogue lance sa deuxième table ronde. Ainsi, les intervenants ont disséqué le problème à la loupe de la situation actuelle.
Ainsi, économistes, chef d’entreprise, syndicalistes, responsables du ministère du Transport et du ministère du Commerce ont participé à la table ronde. Elle s’est tenue, aujourd’hui 27 février à Tunis. La Banque mondiale et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont organisé l’événement, en collaboration avec L’Économiste Maghrébin . D’ailleurs, il s’agit d’une initiative conjointe entre les deux organisations internationales. La manifestation étant marquée par la présence du représentant résident du PNUD, Steve Utterwulghe et le représentant résident de la Banque mondiale, Tony Verheijen. Lors de leur intervention, ils ont souligné l’importance de cette initiative. De même que l’impact des performances du port de Radès sur l’économie tunisienne.
En effet, plusieurs chiffres confirment l’urgence d’agir pour mettre en place une panoplie de réformes. Et ce pour sauver le secteur. Qu’on en juge. En Tunisie, 95% du commerce extérieur passe à travers le secteur portuaire, dont 70 à 80% à travers le port de Radès. Malheureusement pour l’économie tunisienne. D’ailleurs, la Tunisie a perdu sur les dix dernières années, plus de 40 places au classement international du Logistic Performance Index de la Banque mondiale. Elle passe de 60ème place en 2007 à la 105ème place en 2018.
De ce fait, la situation critique du port de Radès et la nécessité de la réhabiliter, dans le cadre d’une approche consensuelle et collective, ont traversé de bout en bout toutes les interventions des participants à la table ronde. Ainsi, les différents intervenants ont établi un diagnostic et ont proposé des postes de solutions pour décongestionner le Port de Radès.
Pour que les entreprises ne subissent pas de plein fouet les faibles performances du port de Radès
Alors, le gouvernement est appelé à résoudre les problèmes des investisseurs tunisiens. Et ce, avant de penser à attirer des investissements étrangers. Car, le transport portuaire ne doit plus être une entrave mais un avantage. Solutionner les problèmes du Port de Radès est une solution. Tel est le cri d’une cheffe d’entreprise exportatrice. Les sociétés d’exportation souffrent à cause d’une faible performance du port. Le temps d’attente pour charger la marchandise demeure long. L’exportateur ne sait même pas quand les transporteurs chargeront sa marchandise. Le retard impacte en particulier les produits alimentaires périssables destinés à l’exportation.
Parfois, les transporteurs ne chargent pas les marchandises et les laissent sur le quai. Et ce, sans explication. Ainsi, cela devient un parcours du combattant pour les investisseurs. Par ailleurs, le retard de l’arrivée de la marchandise au client a son propre coût. Dans le même contexte, des voix s’élèvent pour demander d’utiliser et développer les autres ports tunisiens qui font preuve d’efficacité. Et ce, surtout que le port de Radès n’est pas le seul en Tunisie. Par conséquent, la Tunisie doit avoir un port digne de son nom.
Pire encore, les faibles performances du port de Radès font que la Tunisie ne peut pas profiter de son excellente position géographique de proximité avec l’UE et le continent africain.
S’armer de volonté politique pour entamer les réformes du Port de Radès
Bien avant de parler réforme, il faut que le gouvernement ait une volonté politique pour réformer. Car l’existence de cette volonté est le premier des impératifs. Ainsi, pour l’un des intervenants, inutile de parler de réforme en absence de volonté politique. D’ailleurs l’absence de la volonté politique ne date pas de l’après 14 janvier 2011. Car même avant la révolution, il n’était pas possible de casser la monopolisation de la Société Tunisienne d’Aconage et de Manutention (STAM). En effet, il s’agit d’une entreprise publique qui nécessite une réduction de son déficit de gouvernance.
Un sujet considéré tabou à l’époque. Et ce, pour des raisons idéologiques. Privatiser la STAM ou faire intervenir dans son capital un partenaire stratégique fait aussi partie de la solution. Et parmi les autres réformes proposées, on note aussi le fonctionnement du port et de la STAM pendant 24h/24h; à travers une répartition des horaires. Et ce, pour éviter la congestion du port d’une part et réduire le temps d’attente d’autre part. En adoptant cette démarche, les navires ne se trouveront plus dans le besoin d’attendre pendant des heures interminables. Ainsi, plusieurs interventions convergent vers la nécessité de l’intervention du régulateur, à savoir le gouvernement. Une intervention qui urge d’après les intervenants. Surtout que la situation du port n’a pas enregistré d’amélioration depuis la révolution. Alors, plus question d’hésiter d’après les intervenants.
Une coordination harmonieuse entre les différents départements ministériels et une responsabilité collective
Alors que tous les ministères et les organismes font partie d’un seul gouvernement; pourtant chacun a sa propre définition et sa propre stratégie pour le secteur du transport. C’est la raison pour laquelle, tous les départements ministériels doivent travailler en harmonie sur ce secteur. Entre eux l’esprit de la collaboration doit primer. De ce fait, une vision partagée doit s’imposer à tous, afin de l’appliquer. A titre d’exemple, 13 différents ministères travaillent sur le sujet du Commerce. Si certains ministères sont connectés au guichet unique et digitalisés, d’autres ne le sont pas.
De même, une parfaire harmonie pourrait réduire les coûts et réduire les délais d’attentes, ô combien précieux pour les investisseurs. D’ailleurs, la performance portuaire est une responsabilité collective.
L’un des participants propose de créer une plateforme numérique pour publier les performances du port et les réalisations de tous les intervenants dans le port. Par ailleurs, la STAM doit travailler en étroite collaboration avec la Douane.
Sur un autre volet, des intervenants ont proposé de réserver des endroits à l’extérieur du port pour le stockage des conteneurs, dans des lieux aménagés. Mais cette proposition s’est soldée par le refus du ministère des Finances.
Faut-il réellement établir un nouveau diagnostic?
Cependant, l’un des intervenants affirme qu’il n’a trouvé aucun document officiel sur le diagnostic du Port de Radès. D’après lui, si depuis plus de 20 ans, les problèmes du port n’ont pas été résolus, c’est que le bon diagnostic n’a pas été établi. Ainsi, il propose de faire un diagnostic. Et même d’accorder plus de prérogatives au ministère du Transport pour qu’il ne se retrouve pas dans l’obligation de passer par d’autres départements ministériels. Dans le même contexte, il propose de mettre à jour plusieurs textes juridiques relatifs au transport. Et ce, pour se conformer aux normes internationales.
En effet, la Douane, à titre d’exemple, a octroyé à plus de 60 entreprises le statut d’opérateur économique. Ce qui a simplifié la relation des entreprises avec la Douane. Ainsi, il s’agit d’une coordination entre la Douane d’une part et le secteur privé d’autre part.