Fatma Marrakchi, Professeur d’économie livre sa vision d’universitaire sur la conduite de « la politique monétaire en période d’instabilité ». C’était d’ailleurs le thème d’un débat de la Fondation BNA, mercredi 26 février.
Au début de son intervention, Fatma Marrakchi rappelait la stratégie de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour la stabilisation de l’indice des prix. Et ce, conformément au statut de la BCT qui prévoit la contribution au maintien de la stabilité financière. De manière à soutenir les objectifs de la politique économique.
Comment la politique monétaire a contribué à la stabilité des prix?
« Si on avait maintenu le statu quo, l’inflation aurait été probablement beaucoup plus élevée que son niveau actuel. Le taux d’intérêt réel serait négatif puisque le taux d’inflation dépasse le taux d’intérêt nominal. En effet, le coût du crédit serait bas. Ceci pourrait encourager: le crédit bancaire; une détérioration de la balance courante; du stock de réserves de change; et alimenter les tensions sur le taux de change. Si on n’avait pas augmenté le taux d’intérêt directeur, on aurait été à des taux d’inflation à deux chiffres ». C’est ce que précise Mme Marrakchi.
En effet, la politique monétaire devient restrictive. Elle contribue fortement à contracter les crédits à l’économie. Ces crédits enregistrent une tendance baissière marquée par la régression des crédits aux professionnels. Mais cela touche directement l’investissement privé (essentiel pour la croissance et la diminution du taux de chômage) et beaucoup moins les crédits à la consommation.
Taux d’intérêt et investissement : quel effet?
Par ailleurs, Mme Marrakchi rappelait les résultats d’une étude sur la décomposition de l’augmentation du taux d’intérêt réel par rapport à sa baisse. Cette étude permet d’observer l’évolution de l’augmentation de ce taux qui rendrait les crédits plus chers et impacterait négativement les investissements. A un rythme provoquerait une augmentation du taux d’intérêt réel pour diminuer l’investissement. Cette démarche a permis d’observer, du moins à court terme, que l’investissement privé est plus sensible à la baisse qu’à la hausse du taux d’intérêt.
En effet, si le taux d’intérêt réel augmente, l’investissement privé diminue. Toutefois, si le taux d’intérêt baisse, ceci encouragerait aussi l’investissement. Bref, la hausse du taux d’intérêt réel a plus d’impact sur la diminution de l’investissement. Mais pas autant que la baisse de ce taux.
Ainsi, à long terme, les coefficients estimés, à la baisse ou la hausse, sont proches; mais à court terme, ils sont asymétriques. Le taux d’intérêt réel est donc un déterminant de l’investissement privé. Il faut aussi noter que l’investissement public et la stabilité gouvernementale ont un impact plus important sur l’investissement privé. C’est pourquoi il est recommandé d’améliorer le cadre juridique et institutionnel. Il faut aussi réduire les entraves administratives pour l’investissement privé en Tunisie.
Innovation, compétitivité, productivité…
« La politique monétaire a participé à stabiliser les déséquilibres macroéconomiques. Elle a instauré une certaine stabilité. L’inflation n’est pas uniquement l’affaire de la BCT. Elle est aussi l’affaire du gouvernement. Le non contrôle des circuits de distribution et des déficits budgétaires ne dépendent pas de la tâche principale de la Banque centrale« , explique Mme Marrakchi.
Et d’ajouter que l’économie tunisienne est très sensible aux chocs exogènes. Et notamment le prix international du pétrole et des matières de base. Pour faire face aux différentes fluctuations, il faut une meilleure gestion des risques. Il faut que les entreprises publiques soient prémunies contre ces risques. Ainsi, la corrélation entre politique monétaire et politiques budgétaire et commerciale est fortement recommandée pour limiter l’hémorragie de devises.
Au final, « la politique monétaire a fait ce qu’elle a fait, mais on n’a pas beaucoup de marge de manœuvre. Rien ne sera fait si la croissance n’est pas de retour. Les politiques monétaires et budgétaires restrictives n’aideront pas à retrouver le chemin de la croissance. Il faut axer les efforts sur l’innovation, la compétitivité, la productivité… », conclut Fatma Marrakchi.