Un récent entretien entre le nouveau ministre des Affaires étrangères, Noureddine Erray, et le chef de l’Etat permet de confirmer les lignes directrices régionales et internationales de la diplomatie tunisienne.
En effet, cet entretien ouvre la perspective d’un plan de réformes de cette institution étatique. Avec notamment pour axe majeur la valorisation de la compétence comme critère de promotion des agents diplomatiques. Ainsi, la réforme à venir de la diplomatie tunisienne s’inscrit dans une tendance globale. Celle de la restructuration de diplomaties nationales plongées dans un monde globalisé.
Diplomatie : la voix et le visage extérieurs de l’Etat
Si la pratique et l’art de la diplomatie précèdent l’État, elles représentent l’une de ses traditionnelles fonctions régaliennes. Celle-ci consiste à représenter l’État dans les relations internationales. De même qu’à défendre ses intérêts de manière pacifique.
Car, la diplomatie est « un instrument essentiel de coopération efficace dans la communauté internationale. Elle permet aux États, nonobstant les différences de leurs systèmes constitutionnels et sociaux, de parvenir à la compréhension mutuelle; et de résoudre leurs divergences par des moyens pacifiques ». Dixit l’Ordonnance rendue par la Cour Internationale de Justice, 15 décembre 1979.
Depuis le XVIIᵉ siècle, la fonction diplomatique– essentiellement bilatérale jusqu’au XIXᵉ siècle– concentre une triple fonction. A savoir: la représentation, l’information et la négociation. Dont l’exercice se fait traditionnellement dans le cadre de relations strictement interétatiques, d’une part. Et sur des sujets concernant essentiellement la guerre et la paix, d’autre part.
Or l’avènement d’un monde globalisé bouleverse cette double caractéristique. Ce monde est marqué par la montée en puissance des considérations commerciales et des acteurs non-étatiques, privés et transnationaux.
Par ailleurs, fondée sur l’égale souveraineté des États, la fonction diplomatique assurée par des diplomates, dont le travail traditionnellement mis au service d’une stratégie de puissance et d’influence, se trouve elle-même confrontée à une révolution culturelle.
Les diplomates ont de fait perdu le monopole de la fabrication de la politique étrangère. En effet, la globalisation amplifie la fonction diplomatico-stratégique de l’État. Et elle met en avant sa capacité à édicter normes et principes. Ainsi qu’à réguler de la sorte des secteurs de la vie internationale. Désormais, l’État doit composer avec des acteurs non-étatiques susceptibles de contester et de concurrencer sa puissance internationale…
Le bouleversement de la fonction diplomatique
Pourtant, un des phénomènes prégnants est la diversification de l’activité diplomatique. Le formidable essor de la « network diplomacy » et des « diplomaties sectorielles » aiguise la concurrence entre les nombreux acteurs publics (ministères, agences, etc.) et privés (multinationales, ONG, experts, médias, etc.).
D’un côté, l’art diplomatique ne relève pas d’un monopole étatique. En effet, des organisations non étatiques (de natures diverses: sociétés multinationales, ONG, mouvements de libération nationale, groupes terroristes, etc.) développent des relations (y compris avec des États) conformes aux canons de l’art diplomatique.
Cet activisme de la société civile exprime des intérêts particuliers ou défend une conception propre de l’intérêt général. La question se pose du contrôle « régalien » des objectifs poursuivis par l’exercice d’une diplomatie partiellement « privatisée ».
De l’autre, au sein même de l’appareil d’État, la fonction diplomatique échappe au monopole de l’organe spécialisé.
En outre, les diplomaties spécialisées en matière économique et culturelle tendent à s’affranchir de la chancellerie politique traditionnelle. Et ce, afin de gagner en importance et en efficacité.
En parallèle, les domaines considérés comme « techniques » de la diplomatie sont de plus en plus gérés par des experts. Les échanges économiques façonnent une grande partie des relations internationales. Les activités économiques vont, elles aussi, être productrices de règles de droit (règles de libre-échange élaborées au niveau de l’OMC).
De ce fait, cette diplomatie économique adopte des formes juridiques ambivalentes aux frontières du public et du privé; et ce, afin de s’adapter au monde économique. Tout en se détachant partiellement de la chancellerie politique traditionnelle. Elle est parfois qualifiée de « diplomatie publique ». Au sens où l’État tente de promouvoir son image, son action auprès d’acteurs de sociétés civiles d’États tiers.
Soft diplomacy
De plus, la fonction des diplomates évolue et s’adapte. Elle s’inscrit dans des perspectives ouvertes par le développement d’une « diplomatie d’influence »; dont la réalité fluctue selon les États.
D’ailleurs, cette soft diplomacy est le plus souvent définie comme la capacité d’orienter le comportement d’un État par des moyens autres que contraignants. Certes, dans les relations internationales, cette définition correspond au cœur du métier de diplomate, par opposition à l’action militaire.
En réalité, ce type d’action est plus subtil. Il vise à obtenir un résultat sans passer par des négociations. En s’appuyant notamment sur des acteurs privés.
Au final, la soft diplomacy est mise en œuvre via les canaux publics. Avec l’entrisme dans les organisations internationales (notamment par le biais des secrétariats généraux et des administrations internationales). Mais l’utilisation délibérée de vecteurs privés comme relais d’action ou d’expertise est également possible.