A l’heure où des voix s’élèvent en Tunisie pour demander le rééchelonnement de la dette et le conseillent même à Elyès Fakhfakh, ce que vient de décider le Liban concernant l’interruption du remboursement des Eurobonds est à étudier avec le plus grand intérêt.
Le remboursement de la dette greffe, ici et là, le budget de l’Etat. Il fragilise le développement à un moment où les deux pays ont le plus besoin d’argent pour redémarrer l’économie.
Les Tunisiens et les Libanais, sont tous deux de souche phénicienne. Ils vivent également tous deux dans une démocratie qui se cherche. Et dont ils ne sont pas tous évidements contents. En témoignent les contestations qui ne cessent de peupler leur quotidien. Des contestations qui portent sur le politique (représentation parlementaire notamment); mais surtout sur l’économique: vie chère, chômage, corruption, etc.
Des ressemblances qu’il est bon d’évoquer lorsqu’il s’agit aussi d’un mal commun: un endettement qui inquiète au plus haut point gouvernants et gouvernés dans les deux pays.
Même si des différences existent entre les deux pays. Car la dette libanaise est bien loin de celle de la Tunisie: 170% du son PIB (92 milliards de dollars- environ près de 259 milliards de dinars). Celle de la Tunisie est estimée à 82,890 milliards de dinars à fin 2019, soit 75% du PIB.
Et de nombreux Tunisiens de se demander s’il ne faut pas marcher sur les traces du Liban. En effet, le Premier ministre, Hassan Diab, annonçait, samedi 7 mars 2020, que le pays ne serait « pas en mesure de rembourser une partie de sa dette arrivant à échéance le 9 mars ». L’Etat libanais doit rembourser 1,2 milliard d’Eurobonds à cette date.
Prendre le taureau par les cornes
Il ne faut certes pas aller, comme on dit, trop vite en besogne. Mais, le Liban a peut-être, et c’est du reste un commentaire largement évoqué par nombre de responsables du pays du cèdre, fait le bon choix en prenant le taureau par les cornes concernant ces Eurobonds. Soit « des bons du Trésor émis en dollar par l’Etat, dont une partie est détenue par les banques et la Banque centrale ».
La décision libanaise- il faut le préciser- a bénéficié de l’accord de ce qu’on appelle là-bas aussi, les trois Présidences. A savoir: la Présidence de la République, du gouvernement et du parlement. Elle a été bien motivée par Hassan Diab. Il soutient notamment que les réserves en devises « ont atteint un niveau inquiétant » et qu’il « s’agit du seul moyen pour stopper l’hémorragie ».
Est-ce faire un rapprochement tiré par les cheveux que de souligner cette phrase extraite d’une interview du nouveau chef du gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh, dans l’édition du dimanche 8 mars 2020 du quotidien Le Maghreb: « Nous allons défendre les intérêts du pays face au Fonds Monétaire International (FMI) et nous n’accepterons pas des conditions qui ne prennent pas en considération ceux-ci ». Mais surtout à l’heure où des voix se lèvent en Tunisie pour demander le rééchelonnement de la dette et le conseillent même à Elyes Fakhfafkh.
Certains diront que c’est trop dire que de signifier par-là que la Tunisie empruntera de sitôt la voie libanaise. Quoique la question de la lourdeur de la dette reste, ici et là, posée. La Tunisie a des besoins de financement estimés à près de 11% du PIB en 2020. Ces besoins devraient atteindre environ 12% du PIB à l’horizon 2021.
Dur, dur, pour l’investissement public
Ce qui constitue un souci de premier ordre pour le pays. Qui a besoin, en ces moments difficiles de beaucoup d’argent pour faire démarrer durablement l’économie et notamment l’investissement public (le volume de ces investissements constitue la moitié du montant de la dette à rembourser). Des investissements publics dont le déficit est ressenti au niveau de la création d’emplois. Mais aussi de l’amélioration des services offerts au citoyen: éducation, santé, transport, etc.
Et de se demander aussi bien pour le Liban que pour la Tunisie ou pour tout autre pays qui souhaiterait revoir et réviser la dette s’il est possible de croiser le fer avec un système financier qui a plus d’une corde à son arc pour jouer les empêcheurs de tourner en rond.
A commencer au niveau des créanciers et de ces agences de rating. Ils font souvent la pluie et le beau temps lorsqu’il faudra aller chercher des emprunts.