Dans son discours prononcé hier soir lors de la réunion du Conseil de sécurité nationale, le président de la République Kaïs Saied n’a pas cherché à rassurer les Tunisiens en ces temps de crise. Un discours qui divise au lieu d’un appel à l’union nationale. Analyse.
Quand on part à la guerre, il faut avancer en rangs serrés. Ce crédo militaire ne semble pas s’appliquer au discours du président de la République Kaïs Saied prononcé hier soir. Et ce, lors de la réunion du Conseil de sécurité nationale.
Un discours clivant
En effet, en ces temps de crise sanitaire porteuse d’une angoisse collective face au mal qui frappe notre pays, avec son cortège de courbe de contaminations exponentielles et de morts, les Tunisiens avaient besoin d’être rassurés. Il n’en fut rien… Car on s’attendait à un discours fédérateur de la part du chef de l’Etat. Ainsi qu’un appel à l’union sacrée pour canaliser la lutte commune contre ce fléau des temps modernes.
Malheureusement, la parole présidentielle était clivante puisqu’elle opposait le peuple à l’Etat, les riches aux pauvres. Et les régions favorisées contre les régions démunies. Bref, on avait l’impression que le président de la République, garant de la cohésion sociale, n’était pas encore habité par la fonction présidentielle, car il tenait hier soir un discours de candidat à la présidence!
Des coups de griffe à droite et à gauche
Ainsi, Kaïs Saied n’a pas manqué de critiquer le gouvernement, se désolidarisant presque de l’action gouvernementale: « Certes, je ne sous-estime pas les efforts du gouvernement, mais des erreurs ont été commises. Elles doivent être corrigées. En particulier à propos du respect des dispositions du confinement ou du retour des Tunisiens bloqués à l’étranger ». C’est ce qu’il a indiqué, en faisant allusion à l’homme d’affaires qui a pu, avec l’intervention d’un député, sortir de son auto-isolement. Un autre coup de griffe destiné à Rached Ghannouchi, en sa qualité de président de l’ARP.
« Récupérer l’argent du peuple »
Par ailleurs, le président de la République n’a pas laissé passer l’occasion sans évoquer la fameuse liste des hommes d’affaires soupçonnés d’être impliqués dans des affaires de corruption sous le régime de Ben Ali. Et ce, en insistant sur la nécessité de « récupérer l’argent du peuple ». S’agit-il d’un appel à la confiscation?
Notons que juste après le discours présidentiel prononcé sur un ton martial, un communiqué de la présidence de la République est venu dissiper cette menace. « Cette proposition consiste à conclure une réconciliation pénale. Celle-ci est désormais évoquée dans plusieurs textes de loi. Cela doit s’inscrire dans un cadre juridique. Les personnes concernées doivent être classées par ordre décroissant selon les montants qu’elles doivent. Un autre classement doit être effectué au niveau des délégations des plus pauvres aux moins pauvres. Ainsi, chaque personne condamnée doit s’engager à réaliser les projets revendiqués par les habitants de chaque délégation. Sous la supervision d’une Commission régionale chargée du contrôle et de la coordination. La réconciliation définitive n’est conclue que lorsque la personne concernée présente les justificatifs des projets qu’elle a réalisés ». C’est ce qu’indique la présidence de la République.
Alors, pourquoi recourir à un communiqué pour expliquer le discours présidentiel? La parole présidentielle doit être mûrie, réfléchie et minutieusement pesée. Car le diable se cache dans les détails!