Présenté par les autorités officielles comme une mesure incontournable et obligatoire pour la prévention contre le Coronavirus (Covid-19), le confinement sanitaire général engendre une chute du pouvoir d’achat. Pis encore, il ébauche le risque d’une explosion sociale. Autre regard sur le confinement sanitaire général.
Retour sur les faits. Le président de la République a décrété un couvre-feu de 18h à 6h et un confinement général du 22 mars au 4 avril. Conformément à cette décision présidentielle, les déplacements des citoyens sont devenus très limités. D’ailleurs, la Présidence du gouvernement explique que le déplacement n’est autorisé que dans trois cas. Il s’agit de l’approvisionnement en nourriture, achat de médicaments, analyses médicales et visites médicales. Ainsi, tous les moyens sont bons pour endiguer le Covid-19.
Par ailleurs, le décret a donné la possibilité aux travailleurs dans les secteurs vitaux. Et ce à l’instar de la médecine, agroalimentaire, médias, télécommunication et autres domaines de circuler librement. Cependant, il semble que la rigidité de ces mesures a incité le ministère de l’Intérieur à faire un nouveau type d’autorisation de circulation en cas d’urgence pour les citoyens. Le poste de police le plus proche est habilité à délivrer l’autorisation exceptionnelle. Et ce après avoir présenté une déclaration sur honneur du motif de la circulation.
Si le ministère de la Santé ne manque pas de crier sur tous les toits le bien-fondé de ces décisions et si plusieurs activistes sur les réseaux sociaux se précipitent à inciter les Tunisiens à s’y conformer. Et c’en lançant la campagne Ched Darek que les travailleurs dans le secteur informel, les petits artisans, les familles vivant au jour le jour se trouvent privés de leurs gagne-pain et ainsi de toute substance. Pour certains, la peur du Covid-19 n’est pas un motif pour oublier la précarité sociale et économique.
Le fléau de la pandémie vient accentuer leur précarité. La situation pourrait devenir plus critique à cause de la prolongation du confinement sanitaire général au 20 avril. D’ailleurs, actuellement, un témoignage vif et brûlant d’un débardeur au marché du gros fait le buzz sur le réseaux sociaux, il ne manque pas de verser les larmes à cause de l’arrêt de son travail à cause du confinement général. Une vidéo qui incite à revoir le confinement sanitaire à la lumière des besoins des catégories démunies.
Quand le confinement sanitaire général accentue la précarité des catégories vulnérables
Le confinement sanitaire général a privé plus de 30% de la population tunisienne de son revenu. Avance le président de l’Organisation tunisienne de l’information du consommateur (OTIC) Lotfi Riahi.
Il soutient que cette catégorie sociale très fragile à l’effondrement de l’économie tunisienne ne peut plus rester chez elle. Et ce pour cause de l’arrêt de son activité. Car cette activité nécessite le déplacement. Donc plus de déplacement, plus d’activité rémunérée et donc baisse drastique de son pouvoir d’achat. « Cette catégorie ne peut plus rester confinée chez elle » ; s’alarme-t-il. Et de considérer que le mois de Ramadan sera très difficile pour ces personnes.
Il ne manque pas de nous confier son inquiétude. M. Riahi recommande la mise en place de plus de mesures pour cette catégorie. Plafonner la marge bénéficiaire à 10%, une décision politique de baisser le taux d’intérêt sur tous les crédits bancaires. Le président de l’OTIC recommande également de permettre aux professionnels des métiers qui rapportant au quotidien des citoyens d’exercer (plombier, électricité, réparateur d’ordinateur et autres). Cela leur donnerait une certaine autonomie financière. Et faciliterait à la fois la vie des Tunisiens dans cette période de confinement.
Dans le même sillage le vice-président de l’Organisation de la défense du consommateur (ODC) considère que la situation est prévisible et compréhensible. Et ce étant donné l’incapacité d’une frange importante de Tunisiens à subvenir aux besoins de leurs familles. « Je comprends parfaitement que ces gens sont dans le besoin » ; regrette-t-il. Notre interlocuteur rappelle « l’échec des gouvernements successifs à mener les réformes majeures et à maîtriser les circuits de distribution » ; ajoute-t-il.
Et si le confinement sanitaire général provoquait une explosion sociale ?
Ne plus respecter le confinement et/ou déclenchement de protestations sociales. C’est ce que prévoit le secrétaire général adjoint de l’UGTT, Abdelkrim Jrad, en cas de prolongation de confinement général. Il pointe du doigt la précarité des personnes ayant de faibles revenus. Les artisans et les petits commerçants sont les plus impactés par le confinement général. Par ailleurs, il affirme que plusieurs PME sont privées d’importer la matière première pour leurs activités à cause du confinement total. Pour lui, la prolongation du confinement menacera la pérennité des postes d’emploi et l’existence des entreprises notamment les PME.
Le porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), Romdhane Ben Amor, n’exclut pas la possibilité d’un malaise social sans précédent. Car les travailleurs dans le secteur informel sont les plus touchés par le confinement sanitaire général. « Ils ont subi de plein fouet la crise économique qui dure depuis 2010 » ; rappelle-t-il. Les travailleurs dans le secteur informel se sont conformés aux décisions surtout après l’annonce du Chef du gouvernement des mesures sociales.
Pour lui, à cause du retard de la mise en place des mesures sociales, la crainte du chômage, de la baisse du pouvoir d’achat, l’incapacité de subvenir aux besoins vitaux ont pris le dessus sur la peur du virus. « Pour cette raison, on assiste à des protestations sociales à Mnihla et Cité Ettadhamon » ; explique-t-il. D’ailleurs, ces Tunisiens ont manifesté devant les institutions de l’Etat qui sont censées les aider. Ainsi, les familles nécessiteuses font la queue pour obtenir les aides sociales.
« Il est insensé de demander à une personne à très faible revenu de respecter le confinement ». Estime-t-il. En plus les aides sociales demeurent très insuffisantes pour subvenir aux besoins des catégories vulnérables ». Continue-t-il.
Par ailleurs, l’Union des diplômés chômeurs (UDC) a appelé le gouvernement à verser des aides sociales pour les diplômés, dans ce contexte critique. Egalement, l’UCD a décidé également de reporter son combat contre le chômage vu la propagation du Covid-19.