Nous sommes encore dans l’œil du cyclone COVID-19. Dans une zone située en son centre. Où les vents sont encore presque calmes… Avant d’essuyer la tempête.
En effet, en cherchant à limiter les dégâts pour l’économie, le gouvernement aura finalement alourdi la facture à payer par la suite. Mais, malgré ce retard à l’allumage de la part des pouvoirs publics, vraisemblablement par peur de pénaliser l’économie, nous résistons mieux que d’autres pays. Grâce à nos compétences parmi les hauts cadres du département de la Santé. A nos médecins, aux internes, aux résidents, aux infirmiers et tous les autres maillons de la chaîne sanitaire… Il s’agit à présent de limiter les dégâts du Covid-1. De ralentir la diffusion de l’épidémie pour l’enrayer. Et éviter que les services hospitaliers ne croulent sous le nombre de cas à traiter.
Choix particulièrement importants
Ainsi, de nombreux observateurs réitèrent que cette crise du COVID-19 façonnera probablement le monde pour les années à venir. Il serait plus recommandé de prendre l’initiative pour orienter ces changements plutôt que de les subir.
Par conséquent, nous devons également prendre en compte les répercussions à long terme des actions qui sont prises actuellement dans la précipitation. Nous sommes confrontés à deux choix particulièrement importants. Le premier se situe entre la contrainte autoritaire et l’autonomisation des citoyens. Le deuxième est entre l’isolement chauvin et la solidarité à l’échelle mondiale.
La crise du COVID-19 pourrait être le point de basculement de la bataille pour préserver nos libertés. Car, lorsque les gens ont le choix entre la liberté et la sécurité, ils choisissent généralement la sécurité. Lorsqu’ils ont le choix entre la liberté et la santé, ils choisissent souvent la santé. Ce sont en fait de faux choix.
Cependant, nous pouvons et devons jouir de la liberté, de la sécurité et de la santé. Nous pouvons choisir de protéger notre santé et d’arrêter l’épidémie du COVID-19. Non pas en profitant de l’aubaine pour instituer sournoisement des régimes discrétionnaires. Mais plutôt en responsabilisant les citoyens.
A cet égard, les sanctions sévères ne sont pas le seul moyen de pousser les gens à se conformer aux instructions de santé publique. Car, lorsque les gens sont informés des faits scientifiques. Et qu’ils font confiance aux autorités publiques pour leur expliquer ces faits. Les citoyens peuvent s’y conformer même sans charger un policier de les surveiller. Une population motivée et bien informée est généralement beaucoup plus forte et efficace qu’une population fliquée et ignorante.
« La crise du COVID-19 pourrait être le point de basculement de la bataille pour préserver nos libertés »
D’ailleurs, si nous n’y prenons pas garde, la pandémie du COVID-19 pourrait marquer un tournant important dans l’étouffement des libertés citoyennes. Les mesures temporaires ont la mauvaise habitude de survivre aux urgences. D’autant plus qu’il y a toujours une nouvelle urgence qui se profile à l’horizon; pour ceux qui espèrent nous replonger dans le passé.
Au cours des dernières années, des politiciens irresponsables ont sapé la confiance. Maintenant, ces mêmes politiciens irresponsables pourraient être tentés de prendre le mauvais chemin de l’autoritarisme. La confiance qui s’est érodée depuis des années ne peut pas être reconstruite du jour au lendemain. L’épidémie du COVID-19 est donc un test majeur de citoyenneté; comme pour ceux qui gouvernent.
Ainsi, dans les jours à venir, chacun de nous devrait choisir de faire confiance aux données scientifiques et aux experts de la santé. Plutôt qu’aux théories du complot infondées ou aux politiciens égoïstes et craintifs.
Ensuite, le deuxième choix qui se présente est donc entre un isolationnisme frileux et une solidarité internationale. L’épidémie elle-même et la crise économique qui en résultera sont des problèmes mondiaux. Ils ne peuvent être résolus efficacement que par une coopération mondiale. Nous avons besoin d’un plan d’action mondial d’urgence.
Pourtant, on constate une sorte de paralysie collective qui a saisi ce qui est communément appelé la communauté internationale. On se serait attendu à voir, il y a déjà quelques semaines, une réunion d’urgence des dirigeants mondiaux pour élaborer un plan d’action commun. Le G7 a organisé une vidéoconférence qui n’a abouti à aucun plan de ce type. Comme d’ailleurs lors des crises mondiales précédentes, comme la crise financière de 2008 et l’épidémie d’Ebola de 2014.
Une occasion de rénovation de la Tunisie
Pour ce qui nous concerne en tant que Tunisiens, quand tout sera fini; et que cette pandémie sera défaite un de ces jours, le plus proche possible. Nous devons considérer tout cela comme une occasion de reviviscence et de rénovation de la Tunisie. Nous avons raté le coche en décembre 2010-janvier 2011. Sachons rattraper les opportunités perdues. Certes, le COVID-19 nous a pris au dépourvu. Il nous faut dès lors tirer rapidement les leçons des séquelles de ce péril.
Dès à présent, l’après doit être défriché, prospecté et débattu. Il est nécessaire d’explorer toutes des pistes. Et ne plus marcher en aveugles vers un avenir opaque, comme nous l’avons fait jusqu’à présent. Le plus urgent est de savoir comment surmonter la menace immédiate. Sans pour autant omettre d’envisager quelle Tunisie nous voudrions reconstruire une fois la tempête passée. Cette grave crise doit représenter une occasion pour tout revoir.
Si la pandémie a fait effraction et a provoqué un bouleversement de notre vie quotidienne. Tout est chamboulé, alors essayons de centrer davantage sur l’humain et la solidarité. Les risques de ne rien faire seront bien plus importants.
Le gouvernement tunisien pourrait décider de former un Comité ad hoc. Il se composerait de personnalités reconnues pour leur compétence et leur probité. Sa mission serait tout d’abord de proposer des mesures immédiates de redressement. Ainsi que des plans de relance de l’activité économique.
Cette démarche serait enrichie par des éclairages pluridisciplinaires sur les moyens de concevoir des politiques et des stratégies sur les grands chantiers à venir au niveau des notre systèmes de santé, les défis alimentaires, mais aussi l’éducation, la démographie, l’amélioration de la cohérence des lois etc…
Prendre des mesures efficaces
Ensuite et surtout, s’atteler à la préparation d’un projet exhaustif d’un nouveau modèle de développement pour la Tunisie. Ce modèle de développement, tant réclamé et qui a été ajourné pour d’obscures raisons, permettra d’avoir un balisage sur le moyen et long terme qui déterminera les choix fondamentaux économique, sociaux et culturels pour les 20 ou 30 prochaines années. Il constituera un cadre à l’action des différents gouvernements qui se succéderont.
S’appuyant sur des données statistiques avérées (non édulcorées), il impliquera non seulement de simples indications, mais aussi une description des dispositifs adaptés pour une transformation de l’économie et de la société en général à tous les niveaux. Il déterminera l’orientation des investissements, compte tenu des objectifs à atteindre et des moyens disponibles, vers des secteurs prioritaires susceptibles d’entraîner dans leur sillage le reste de l’économie où ils seront les plus productifs et ceux qui seront susceptibles d’avoir, au moindre coût, le plus d’incidences positives sur le développement. Il définira les décisions de politique économique qui permettront de rendre optimum cette fonction.
En effet, la clé du développement ne se trouve pas seulement dans la nature du système économique ou du régime politique à ajuster, mais aussi dans l’existence d’une stratégie du développement, la mesure et les conditions dans lesquelles elle peut être appliquée.
« La préparation d’un projet exhaustif d’un nouveau modèle de développement pour la Tunisie permettra d’avoir un balisage sur le moyen et long terme qui déterminera les choix fondamentaux économique, sociaux et culturels pour les 20 ou 30 prochaines années »
Il est impératif de prendre conscience que l’on ne peut plus se permettre de faire « comme avant », de perdre encore du temps et de gaspiller les énergies. Mais sans moyens, pas de possibilité d’action politique.
Commençons par prendre des mesures efficaces pour mieux maîtriser les dépenses et assainir les finances publiques sur le moyen et long termes. Puis, osons engager des négociations pour un « arrangement à l’amiable » en vue de renégocier les termes de remboursement de cette dette extérieure si pesante. Ceci donnera un peu d’oxygène à l’économie tunisienne.
Abandonnons aussi les débats stériles sur le plus ou moins d’État et sur la force magique du marché. Il nous faut plus que jamais un État régulateur mais plus efficace, conçu comme principe de cohésion sociale, comme clef de voûte du développement social.