Dans cet article, on revient sur les décisions et les mesures de soutien prises par le gouvernement et la BCT pour sauvegarder autant que faire se peut notre tissu productif quasiment à l’arrêt et mis à mal par la vague épidémique. Sa capacité de résilience, déjà très éprouvée, menace de s’effondrer. Nos PME, PMI voire nos entreprises de taille intermédiaire doivent être mises sous perfusion. Elles ont un besoin urgent d’un appel d’air et de liquidité pour prévenir un tsunami social d’une rare puissance.
Comment aider nos unités de production à surmonter la crise sanitaire qui les paralyse ? Et comment les préparer, le moment venu quand se serait atténuée ou vaincue la pandémie du Covid 19, à la reprise ? Elles doivent disposer des ressorts nécessaires pour rebondir et renouer avec la croissance.
On propose un certain nombre de recommandations au profit des entreprises d’ordre fiscal, économique et financier. De véritables pistes d’action pour leur permettre de tenir, de résister à la tempête avant de rebondir.
Mesures prises par le gouvernement
Les mesures prises par le gouvernement pour faire face aux retentissements économiques et sociaux liés à crise sanitaire du COVID-19 ne peuvent pas être considérées comme un programme d’appui conjoncturel au vrai sens du terme. Il s’agit plutôt de mesurettes éparpillées, insuffisantes et à très court terme, dont le champ d’application est limité.
Par ailleurs, certaines mesures ne répondent même pas à l’objectif recherché, celui d’alléger les tensions de trésorerie des entreprises. Et de leur permettre de poursuivre, un tant soit peu, leurs activités et à payer les salaires de leurs employés. Et ce, dans un contexte de baisse significatives de recettes et de chiffre d’affaires. Il s’agit notamment du report des échéances fiscales à partir du mois d’avril et du dépôt de la déclaration sociale du 2ème trimestre dont l’échéance légale est prévue pour le 15 juillet. Dans un contexte de manque de liquidités, il aurait fallu reporter le dépôt de la déclaration fiscale du mois de février et de la déclaration sociale du premier trimestre à échoir respectivement le 28 mars et le 15 avril 2020.
En outre, la mise en place de plusieurs mesures d’entre-elles ne peut pas être faite immédiatement ; elle nécessite l’amendement et/ou d’adoption de textes de loi, alors que combattre la crise exige rapidité et efficacité. Qui plus est, il y a des craintes sérieuses d’être confronté à plusieurs difficultés d’application de certaines mesures, dues notamment à une lourdeur administrative et une bureaucratie asphyxiante, surtout en période de confinement général. C’est le cas notamment quand il s’agit de restitution des crédits de TVA et traitement des dossiers de chômage technique, par exemple. L’efficacité de certaines mesures risque également d’être limitée, si elles étaient assorties de conditions draconiennes (bénéfice des mesures de restructuration des entreprises par exemple).
Mesures à prendre dans l’immédiat et tout au long de la crise
Objectif principal : assurer la survie des entreprises en vue de garder un niveau minimum d’activité et de continuer à payer des salaires et ce, en leur permettant d’avoir un niveau suffisant de trésorerie à court terme.
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Sur le plan financier :
- Faire baisser davantage le taux directeur de la BCT en vue d’alléger les charges de crédits aussi bien sur les entreprises que sur les particuliers. Compte tenu de la situation économique et financière qui sévit actuellement à l’échelle nationale et internationale, caractérisée par un repli de croissance, les risques de tensions inflationnistes à court terme se sont atténués. La baisse importante de la production, des flux et des taux d’intérêts, et même les injections de liquidités faramineuses des banques centrales ne font craindre aucun risque inflationniste. Et ce ne sont pas la dégringolade des cours boursiers et des prix de l’énergie et la baisse de la consommation, qui vont ranimer l’inflation.
- Mettre en place un mécanisme de garantie des créances commerciales et non bancaires, permettant de limiter les dégâts du dépôt massif des chèques et des impayés en découlant. On peut concevoir à cet effet notamment l’allègement des conditions de dépassement en comptes et de financement des créances commerciales et la réduction des charges s’y rattachant.
- L’allègement des conditions d’escompte en vue de permettre aux entreprises de se procurer de la trésorerie.
- L’octroi de bonification de taux même sur les crédits de gestion et à court terme pour les entreprises relevant des secteurs les plus sinistrés.
- L’allègement des conditions de refinancement des banques à travers la révision de ces conditions et de la répartition des actifs admis en contrepartie (créances refinançables, BTA). Ainsi que la baisse des taux, le recours au swap de change, etc.
- Mettre en place un mécanisme pour le refinancement des établissements financiers de leasing et de factoring leur permettant d’honorer leurs engagements avec les bailleurs de fonds locaux et étrangers. Il s’agit notamment du règlement des échéances des emprunts obligataires, subordonnés et de crédits. Il faut leur permettre de faire face au manque de liquidités significatif découlant de l’octroi du report des échéances de leurs clients. Tel que prévu par la circulaire de la BCT n°2020-06.
- Limiter au maximum les distributions de dividendes en vue de renforcer les fonds propres nets. Il y a lieu de conserver des liquidités au niveau des établissements bancaires et financiers. Il en est de même pour les entreprises bénéficiant des mesures exceptionnelles prévues par le gouvernement.
2. Sur le plan économique :
- Créer un fonds de soutien au profit des salariés astreints au chômage technique. Ou ayant perdu leur emploi suite à la crise. Il importe d’alléger les conditions et les procédures de mise en chômage technique. Les montants servis peuvent être lissés et imputables sur les retraites.
- Le renforcement des moyens du fonds de restructuration des PME. L’allègement dans le même ordre d’idées des conditions et des procédures de bénéfice des programmes. Extension, enfin, de son champ d’application à certaines activités exclues qui demeurent affectées par la crise. Telles que certaines activités de commerce, de consommation sur place et la promotion immobilière.
- Baisse des prix de l’énergie, notamment de l’électricité et gaz. Surtout pour les entreprises relevant des secteurs vitaux devant continuer leurs activités. On sera même bien inspiré de les renforcer, outre le report de paiement des arriérés.
- Suspension de l’application des frais et pénalités à l’importation dus à des durées de séjour des marchandises de plus en plus long. Notamment à cause de la réduction des effectifs au niveau des ports, en période de confinement.
- Règlement des fournisseurs de l’Etat et des entreprises publiques.
- Allègement des charges sociales des employeurs. Et report du dépôt de la déclaration sociale du premier trimestre 2020.
3. Sur le plan fiscal :
- Suppression et/ou report du 1er et 2ème acompte provisionnel ou, le cas échéant, la réduction significative de leur taux fixé actuellement à 30% de l’impôt dû sur les bénéfices de 2019. Et ce, afin de renforcer les fonds propres des entreprises, d’une part, et d’améliorer leurs situations de trésorerie, d’autre part. Il est possible également de les encourager à constituer des réserves non distribuables affectées à la crise du COVID-19, par prélèvement sur les bénéfices de 2019. On doit à ce titre leur accorder l’avantage de les déduire des acomptes provisionnels de 2020.
- Baisse des taux de retenue à la source et/ou révision de leurs assiettes (hors taxes au lieu de TTC). Et ce, afin d’alléger la trésorerie des entreprises et des professionnels.
- Suppression ou suspension de l’application de la retenue à la source de 25% du montant de la TVA. Et ce, au titre des marchés publics.
- Suppression, suspension ou réduction du taux des avances sur importation (10%). Et révision de son assiette (Hors taxes au lieu de TTC).
- Accélération du processus de restitution des crédits d’impôts et de TVA. Et/ou permettre leur imputation sur les montants dus au profit du trésor public en attendant leur validation définitive par les services de l’administration fiscale.
- Report d’échéances et Réaménagement des échéanciers fiscaux et sociaux déjà en vigueur. Et ce, en vue de les adapter à la capacité de remboursement des entreprises et des professionnels. Moyennant ainsi la réduction des taux de pénalités.
- L’intégration des opérations de restructuration des entreprises dans le catalogue des investissements éligibles aux avantages des SICAR et FCPR. Et ce, afin de les encourager à participer à l’effort national de redressement desdites entreprises. Ainsi que d’optimiser l’exploitation des fonds mis à leur disposition.
- Suppression de toutes restrictions de quelque nature que ce soit sur les dons et subventions accordés à l’Etat. Notamment dans le cadre de sa guerre contre le COVID-19. Permettre leur déductibilité fiscale totale aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers.
4. Moyens de financement des programmes d’appui
- L’obtention de lignes de financement destinées à faire face à la crise qui sont mises en place par plusieurs organismes et institutions internationales (FMI, BM, UE, BAD, etc).
- Injections de fonds par la BCT.
- Lancement d’un emprunt obligataire national (en dinar et en devises) à taux faible. Mais ouvrant droit à avantages fiscaux et/ou à amnistie.
- Optimisation de l’emploi des fonds mis à la disposition de la CDC, des SICAR et des FCPR.
- Report d’échéances et/ou Revolving de certains crédits de l’Etat et de certaines entreprises publiques. Notamment dans le cadre des programmes mis en place à l’échelle internationale notamment par le FMI et le G20.
- Gel des augmentations de salaires dans la fonction publique et le secteur privé Vs bénéfice des mesures de soutien exceptionnelles.
- Renégociation de la formule de calcul du prix de gaz algérien. Et ce, en vue de réduire les dépenses d’importation et revue des modalités de règlements à ce titre.
- Bénéficier de la manne budgétaire provenant de la chute significative du prix du baril. Et conclusion de contrats de hedging pour se couvrir contre le risque de hausses de prix ultérieures. Il en est de même pour les importations importantes des produits de base et de première nécessité.
- Optimisation des emplois du budget d’investissement public.