La propagation du coronavirus déstabilise l’ordre mondial. Si l’évolution du nombre de décès suit de près l’évolution du nombre de cas, le taux de létalité du virus dans les différents pays touchés reflète moins l’état de santé des populations concernées, que la qualité des systèmes de prévention mises en place par les Etats.
Derrière la tragédie humaine que représente la pandémie du coronavirus, celle-ci revêt aussi une dimension géopolitique qui révèle la prégnance des égoïsmes nationaux et la nouvelle carte des puissances mondiales du XXIe siècle.
Les principales puissances étatiques demeurent des monstres froids. Elles continuent à privilégier les actions et stratégies unilatérales, la concurrence et la compétition (des modèles de gouvernance et de gestion de crise, y compris à travers l’évolution du décompte macabre des malades et des décès). Or l’urgence sanitaire mondiale supposerait une coopération et une solidarité internationale pleine et entière.
Un déficit de multilatéralisme pour faire face à cette pandémie, dont témoigne l’effacement de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et de l’ONU. Or une gestion globale de l’épidémie mondiale commande leur mobilisation-intervention. Rappelons que, sans ces instruments internationaux, le bilan des épidémies liées au SRAS et à Ebola aurait été bien plus lourd.
Déclin de l’Occident au XXIe siècle
Cette crise symbolise également le déclin de l’Occident au XXIe siècle. Une page d’histoire se tourne sous nos yeux. De New-York à l’Italie, les images d’hôpitaux submergés, de pénurie de masques et de tests marquent les esprits. Outre l’absence de tout leadership américain pour faire face à la pandémie mondiale, l’Europe concentre la majorité des cas du monde.
Entre insuffisance et dysfonctionnement des infrastructures sanitaires de l’administration américaine, la première puissance mondiale – jusqu’à quand ? – s’attend à un bilan « horrible » selon le président Trump lui-même. Alors que les Etats-Unis s’attendent à un pic de l’épidémie les jours à venir, la Chine elle a su maîtriser sa dynamique.
Paradoxalement, alors que cette pandémie est née en Chine, non seulement la relance de l’activité économique mondiale viendra d’elle. Mais son statut international pourrait sortir renforcé de la crise.
Du reste, si l’épidémie de SRAS en 2003 avait provoqué un ralentissement de la croissance chinoise. Celui-ci ne fut que provisoire. La Chine ne représentait, en 2003, que 4% du PIB mondial. Elle en pèse aujourd’hui 17 % …
Des pays d’Asie comme le Japon, la Corée, Singapour et même la Chine ont fait montre de leur capacité à contrôler l’épidémie. Par contre, nombre de pays européens se sont montrés désorganisés et inefficace dans leur préparation et leur gestion de crise. Un contraste symbolisé par le fait, qu’officiellement, l’Italie et les Etats-Unis représentent désormais l’épicentre de la pandémie mondiale.
Les opérations de solidarité ne sauraient masquer la symbolique qu’elles charrient. A travers la livraison de l’assistance humanitaire à l’Italie, Moscou et Pékin instrumentalisent leur aide internationale pour nourrir leur propagande. Moins médiatique, l’aide de l’Union européenne s’avère plus massive. Mais le mal est fait : le « retard à l’allumage » a nourri un puissant sentiment d’abandon chez les citoyens italiens.
La sortie viendra plus de la science
Enfin, la compétition interétatique a une dimension scientifique. La recherche sur le coronavirus et sur son vaccin mobilisent la communauté scientifique internationale éclatée dans des laboratoires publics et privés nationaux.
Dans cette compétition, les laboratoires pharmaceutiques joueront un rôle essentiel dans la production industrielle du futur vaccin. Une émulation qui accélère la recherche, y compris dans les traditionnelles étapes de « reconnaissance, diagnostic, séquençage, isolement » du virus.
Tant mieux, car la sortie de crise viendra plus de la science, que de quelconques croyances dans des théories fumeuses à connotation complotiste. Elles circulent malgré tout dans les réseaux sociaux…