La BCT a publié la circulaire n°2020-06 du 19 mars 2020. Elle limite les retentissements économiques et financiers du Covid-19 sur les entreprises et les professionnels. En permettant le report, sous certaines conditions, des échéances de crédits accordés à ces derniers au titre de la période allant du 1er mars au 30 septembre 2020. Dans cette note, l’expert-comptable Walid Ben Salah, revient sur les conditions. Ainsi que sur les modalités d’application des dispositions de ladite circulaire.
Tout d’abord, Walid Ben salah affirme que, selon la BCT, le report d’échéances est systématique pour les entreprises et les professionnels. Cela concerne ceux qui sont classés 0 et 1 au 31 décembre 2019 et qui formulent une demandent à ce titre. Pour les entreprises et les professionnels classés 2 et 3 à fin 2019, les demandes se traitent au cas par cas. Et ce, par les banques et les établissements financiers.
Échéances de crédits objet de report
Ainsi, le report concerne: toutes les tombées d’échéances, en principal et en intérêts; de tous types de crédits bancaires; de loyers de leasing; et de financements de factoring. Et ce pour la période allant du 1er mars 2020 au 30 septembre 2020.
De même des crédits: dont l’échéance est fixée par la réglementation (crédits de campagnes, financements de stocks, financements en devises, …); accordés sur ressources spéciales; adossés à des lignes de financement spécifiques (bilatérales ou autres); ou encore les engagements par signature à décaissements.
Obligation de dépôt d’une demande écrite
En outre, le report d’échéances est subordonné au dépôt par le bénéficiaire d’une demande. Et ce, par tout moyen laissant une trace écrite. La circulaire ne fixe pas de date limite pour le dépôt de la demande.
A cet effet, peu importe la date de son dépôt, la banque ou l’établissement financier traitera chaque demande. Elle ouvre droit au report lorsque le bénéficiaire est éligible, avec même un effet rétroactif.
Autrement dit, si les échéances (en principal ou en intérêts ou les deux) objet d’une demande de report sont déjà perçues par la banque ou l’établissement financier, elles seront restituées au client…Quoiqu’il n’y a pas de précisions sur les modalités d’une telle opération dans la circulaire de la BCT, selon Walid Ben Salah.
Effets du report d’échéances sur les intérêts et les nouveaux échéanciers
De ce fait, les banques et les établissements financiers appliqueront des intérêts intercalaires. Et ce, au titre des crédits faisant l’objet de report d’échéances. Ils se calculeront sur le montant restant dû en principal du crédit, arrêté à la date du report d’échéances. En appliquant le taux d’intérêt conventionnel tel que prévu par le contrat en vigueur.
Donc, il n’y a pas de majoration de taux à titre d’intérêts de retard. Les intérêts intercalaires s’appliqueront sur la période allant de la date du report d’échéances jusqu’à la première tombée du nouvel échéancier.
Ensuite, à l’issue de la période de report d’échéances, les banques et les établissements financiers doivent réaménager l’échéancier initial du crédit. Et ce, en fonction de la capacité de remboursement de chaque client.
Pour ce faire, plusieurs alternatives peuvent être envisagées, dont notamment.
Les alternatives envisageables
– Le réaménagement de l’échéancier du crédit sur la même période de remboursement initiale. Tout en ajoutant les intérêts intercalaires courus sur la période de report… Ce qui se traduit par un lissage desdits intérêts intercalaires sur la période restante. Et par l’augmentation du montant de chaque nouvelle échéance de remboursement par rapport à l’échéancier initial.
– Le report « en queue de chaîne » de l’échéancier initial. Ce qui se traduit par une repoussée de l’échéancier initial d’une période équivalente à celle du report (apparentée à une période de grâce sur le principal)… Et imputation des intérêts intercalaires sur les premières échéances de remboursement ou leur mobilisation dans le cadre d’un nouveau crédit. Ou encore leur imputation par débit de compte. Ainsi, les dépassements d’autorisation peuvent, par la suite, faire l’objet de mobilisation pour régularisation sous différentes formes. Des intérêts supplémentaires de découvert bancaire et de dépassement de débit en compte seraient facturés, dans ce dernier cas.
– La consolidation du principal restant dû et des intérêts intercalaires courus (jusqu’à la date de mise en place du nouvel échéancier). Et ce, dans le cadre d’un nouveau crédit faisant l’objet d’un nouveau tableau d’amortissement. Ce dernier se déterminera selon les mêmes conditions de taux que le crédit initial.
Walid Ben Salah : alléger les tensions de trésorerie des entreprises et des professionnels
Car, l’objectif principal de la mesure est d’alléger les tensions de trésorerie des entreprises et des professionnels. Et ce, quelle que soit l’alternative retenue en commun accord entre la banque ou l’établissement financier et le bénéficiaire. Elle doit obligatoirement tenir compte de sa capacité de remboursement.
C’est pour cette raison que la durée de remboursement du crédit ayant fait l’objet de réaménagement peut être supérieure à la durée restante du crédit initial ayant fait l’objet de report… Mais les modalités d’aménagement dudit crédit ne doivent pas aboutir à des coûts supplémentaires à la charge du bénéficiaire.
Par ailleurs, les financements accordés par les banques et les établissements financiers islamiques, obéissent aux mêmes dispositions de la circulaire de la BCT. Et ce, selon les mêmes conditions et modalités précitées.
Toutefois et en ce qui concerne l’application des intérêts intercalaires, il y a lieu de prendre l’avis du comité charaïque de chaque établissement. Et ce, sur la possibilité de modification de la marge bénéficiaire en cours de contrat. La réponse par la négative fait que les échéanciers initiaux de crédits seraient purement et simplement décalés dans le temps (pour l’équivalent de la période de report au moins). Et ce, sans l’application de coûts supplémentaires à la charge du bénéficiaire… Ce qui se traduit par une perte de produits significatives pour ces établissements.
Effets du report d’échéances sur la classification et l’octroi de nouveaux financements
De plus, ne seront pas pris en compte parmi les critères d’aggravation de la classification des bénéficiaires: les reports d’échéances; ainsi que les arrangements; rééchelonnements; et consolidations en découlant, tels que prévus par la circulaire de la BCT.
Néanmoins, pourraient être aggravés: la classe de risque des clients ayant des difficultés structurelles; ou qui subissent des difficultés suite à la crise actuelle; ainsi que les clients qui n’arriveraient pas à honorer leurs nouveaux engagements suite au réaménagement de leurs échéanciers de crédits. Et ce, conformément aux critères prévus par la circulaire de la BCT n°1991-24 du 17 décembre 1991.
De même, notons qu’outre le report d’échéances, la circulaire de la BCT exige des banques et des établissements financiers de continuer à financer les entreprises et les professionnels. Les échéances reportées et les nouveaux financements accordés donnent lieu au refinancement de la BCT, selon les conditions en vigueur.
Toutefois et en l’absence totale de visibilité sur les retentissements économiques et financiers de la crise Covid-19 et son prolongement dans le temps et en l’absence de connaissance parfaite des clients (KYC), de données financières actualisées fiables fournies par ces derniers et de données prévisionnelles pertinentes établies à cet effet, toute décision d’octroi de nouveaux crédits pourrait relever, dans certaines mesures, de l’arbitraire!
Fort malheureusement, cette situation pourrait affecter significativement la qualité d’exposition aux risques des banques et des établissements financiers. Elle serait aggravée davantage par un effet de contagion ravageur. Et aurait, par la même, des conséquences dommageables sans précédent sur l’ensemble du secteur, conclut Walid Ben Salah.
(Avec TAP)