L’un des secteurs les plus malmenés sur les places financières mondiales est celui des assurances.
Il y a une vraie peur que les compagnies supportent le risque pandémique lié au COVID-19. Alors qu’elles n’ont pas assez de réserves techniques pour le faire.
Les premières estimations, qui sont loin d’être exactes, parlent de 50 milliards de dollars. Les acteurs majeurs dans l’industrie ont été clairs: pas d’indemnisation pour un risque auquel les entreprises n’ont pas cotisé.
Le risque pandémique est rarement couvert
En Tunisie, la situation n’est pas différente. La relation contractuelle entre les assureurs et les assurés sera, à nouveau, testée. Il faut se rappeler qu’en 2011, le secteur a pu faire un effort considérable pour l’économie nationale.
Les sinistres payés pour l’assurance Incendie, survenus suites aux émeutes et mouvements populaires, avaient atteint un niveau record de 105,3 millions de dinars. Cette contribution a été permise grâce au support des réassureurs, y compris celui national.
En 2011, Tunis Ré avait supporté un coût de plus de 65 millions de dinars pour le seul risque Incendie. Cette fois, nous sommes devant un risque mondial et les réassureurs ne comptent pas accepter de payer la facture.
Dans le cas du COVID-19, la question concerne essentiellement les indemnisations pour interruption d’activité. La part de ces polices est extrêmement faible en Tunisie, car elles coûtent cher. Et même si elles existent, elles excluent souvent les cas des maladies infectieuses. La couverture n’est déclenchée qu’en cas de dommages physiques. La protection contre le risque pandémique, si elle existe, est offerte en extension rarement cochée par les souscripteurs.
Des gains en vue pour l’Automobile
En 2018, 43,5% des primes émises par le secteur proviennent de l’Automobile. C’est une proportion qui devrait rester stable en 2019-20. Cette branche serait la principale gagnante cette année. Avec le confinement, le nombre d’accidents devrait chuter. Il serait probable de voir une marge technique plus élevé que la moyenne historique.
Il reste toutefois un détail important à préciser. Est-ce que le confinement est considéré comme une force majeure, justifiant le report du paiement de la cotisation?
Pour répondre à cette question, nous allons nous référer à l’avis du cabinet d’avocats EAL qui a préparé une note explicative dans ce sens. Selon lui, la réponse est dans l’article 7 du Code des Assurances énumérant les obligations de l’assuré et qui prévoit que « la déchéance pour déclaration tardive au regard des délais ne peut être opposée à l’assuré qui justifie qu’il a été mis par suite d’un cas fortuit ou de force majeure ».
De plus, l’article 283 du Code des Obligations et des Contrats précise que « la force majeure est tout fait que l’homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes naturels, l’invasion ennemie, le fait du prince, et qui rend impossible l’exécution de l’obligation ». Le COVID-19 entre clairement dans le cadre de cette définition.
Pour le moment, la FTUSA avait déjà prolongé la validité des contrats d’assurance Automobile qui arrivent à terme à partir du 22 mars 2020. Et ce, pour une période de sept jours à compter de la date de la fin du confinement. Après cette date, nous allons voir si les compagnies vont pouvoir récupérer normalement leurs primes auprès des clients, non seulement de la police Automobile, mais de tous les contrats émis et renouvelés.
Il n’y a pas que des gains
Par ailleurs, d’autres segments pourraient être touchés. Il y a d’abord le Transport (3,4% des primes émises) avec l’arrêt total de l’activité économique. Il y a aussi l’assurance Vie (22,5% des primes). Celle-ci pourrait être amenée à enregistre une plus faible collecte dans la période à venir.
Mais le plus grand souci est au niveau des produits de placement. Les compagnies d’assurance sont les principaux investisseurs après les banques. En 2018, les placements cumulés se sont établis à 5,816 milliards de dinars. Ils ont généré des revenus nets de 355,390 millions de dinars. Avec les dividendes des banques qui vont tarder et risquent de ne pas être distribués dans certains cas, l’affaiblissement de la liquidité du marché actions, la baisse des taux et la réduction de l’actif géré vont certainement peser sur les bénéfices des assureurs pour l’exercice en cours.
Une opportunité de diversification
Une fois la crise du Covid-19 passée, le secteur a une opportunité en or pour se développer et offrir des couvertures innovantes, même en extension. Idem pour l’assurance Groupe Maladie. Mais pour que le coût soit raisonnable, il faut penser à développer un régime d’assurance pandémique. Ainsi, les cotisations seront encaissées annuellement et mises en réserve.
En cas de risque majeur, le secteur pourrait prendre en charge les assurés. Un pool d’assureurs pourrait le gérer et le soutenir, sous le contrôle strict du régulateur.
Les Européens commencent à y penser sérieusement, avec même une contribution des Etats.
La crise ne doit pas nous faire oublier une réalité: The most beautiful flowers grow at the bottom of the cliff.