Chawki Gaddès, président de l’Instance nationale de protection des données personnelles, est favorable à une équation équilibrée. Celle-ci concilie la lutte contre la pandémie de coronavirus et la défense des libertés individuelles, notamment la protection des données personnelles.
Dans la lutte contre le coronavirus est-il légitime d’évoquer la protection des données personnelles et de la vie privée ? Allons-nous en Tunisie vers une mise en place d’une stratégie numérique de traçage des personnes testées Covid-19 positif et soumises au confinement obligatoire ?
Cette pratique a pour nom « backtracking ». Elle consiste, en effet, à remonter l’historique des déplacements de personnes contaminées. Une méthode déjà appliquée en Chine ou en Russie. La géolocalisation et la reconnaissance faciale servent à sanctionner les individus qui ne respectent pas les mesures d’isolement.
Nécessité et proportionnalité
C’est dans ce contexte que le président de l’Instance nationale de protection des données personnelles (INPDP) Chawki Gaddès est intervenu, hier soir sur le plateau d’une chaîne privée. Et ce, pour définir l’équation difficile entre la protection de la santé publique gravement menacée par la pandémie et le respect des libertés individuelles.
« En Tunisie, la réponse à cette délicate équation figure dans l’article 49 de la Constitution tunisienne. Il met l’accent sur l’état d’urgence (nécessité)- or notre santé publique est en danger et la porportionnalité. Cela veut dire dans la pratique qu’il faut prendre les mesures adéquates qui s’imposent en tant de guerre, mais sans plus », a souligné Chawki Gaddès.
« Nous sommes naturellement attachés à la protection des données personnelles. Mais nous sommes également en guerre contre le Covid-19. Par conséquent, je présume que rien ne nous empêche d’utiliser les données personnelles pour lutter contre cette pandémie mais restons à un seuil minima. Nous devons accepter certaines restrictions des droits et libertés, ainsi que certaines violations des droits de l’Homme. Et ce, dans un contexte inédit et exceptionnel ».
Non à l’exemple chinois
Peut-on appliquer en Tunisie certaines mesures restrictives des libertés publiques et individuelles pratiquée à l’étranger ? « Non, pas la démarche chinoise à titre d’exemple. Pour rappel, à Wuhan, un pan entier de la population avait été surveillée et tracée par les Smartphones. Et même par les drones afin de punir les coupables. Notons que cela n’est pas acceptable, la dignité humaine a été bafouée ».
Ne faut-il pas faire des concessions quand la santé publique et la sécurité nationale sont en péril ?
« Oui, répond le directeur de l’INPDP. Ces données doivent être exclusivement utilisées pour un seul et unique but : la lutte contre la pandémie. A titre d’exemple, il n’y a rien de mal que les autorités sanitaires demandent aux opérateurs téléphoniques de géolocaliser certains individus pour savoir s’ils respectent le confinement obligatoire ».
Bien entendu, cette mesure est inacceptable en temps normal mais nécessaire en temps de crise sanitaire. Mais attention à ne pas élargir cette mesure pour surveiller tout le monde. C’est la ligne rouge à ne pas franchir.