On sait dans quel état, du reste peu reluisant et pour le moins inquiétant, l’économie nationale a plongé dans la crise, assommée, terrassée par la pandémie du Covid-19 et confinement. On sait ce qu’elle a subi depuis sa mise en quarantaine. Les dégâts sont terrifiants et le pire est à craindre.
Difficile de prédire, pour autant, sous quelle forme, avec quels moyens et quels contingents d’entreprises elle va s’en sortir. Une chose est sûre, seules les entreprises les plus fortes, les plus intelligentes, les plus agiles, celles qui sauront s’adapter le mieux résisteront à cette pandémie qui s’en prend autant aux individus qu’à leur outil de production.
Pour l’heure, nos entreprises grandes et petites sont condamnées à l’arrêt. Le travail à distance, pour celles qui peuvent se le permettre, ne doit pas, dans l’état actuel des choses, faire illusion. Une infime goutte d’eau dans l’océan des emplois perdus temporairement ou à jamais. Chômage technique, jusqu’à quand et à quel coût ?
Licenciements secs, au prix d’une mutilation sociale et une atrophie économique lourde de conséquences ! L’un ne vaut pas mieux que l’autre. On ne comptabilise plus, à ce jour, les signaux de détresse des entreprises déjà à l’agonie ; ni les appels au secours et les cris de désarroi de plus du quart de la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté. Subitement le ciel leur tombe sur la tête.
Qui doivent-ils interpeller ? Où trouver refuge ? Sinon sous le parapluie de l’Etat. Qui met du temps à se déployer. Avec, pour les seconds, les débordements qui n’auraient jamais dû se produire. On ne sait s’il faut plaindre ou blâmer cette foule en furie qui a pris d’assaut sièges de délégation et bureaux de poste, en quête de l’aide financière promise. Au mépris des règles absolues de sécurité sanitaire. Ventre affamé ne craint pas contamination, aussi dangereuse soit-elle. Mourir pour mourir…
L’intention du gouvernement est bonne, son plan d’aide aux familles privées de salaires ou aux revenus dérisoires est juste, mais l’intendance n’a pas suivi, sans doute pour de multiples raisons. Retard d’allumage, effet d’annonce et absence de synchronisation se sont mis au travers des effets escomptés.
Le bien n’est pas toujours l’ennemi du mal. Le chaos s’est installé fût-ce par endroits et le syndrome de la peur remonte à la surface. Deux cents dinars par famille dans le dénuement total, c’est moins que le minimum vital en temps normal, par accalmie monétaire. L’effort de l’Etat n’en est pas moins appréciable. Il est dans la limite des disponibilités financières qu’il a héritées, plus virtuelles aujourd’hui que réelles.
Alors que faire quand cette foule est la proie des prédateurs et des spéculateurs patentés ? L’argent brûle les doigts, l’inflation reprend de plus belle et fait de nouveaux ravages. Au grand bonheur des corona-business. C’est l’autre face la plus hideuse et la plus meurtrière de la pandémie.
Dans une société fragmentée, à plusieurs vitesses, on comprend que le confinement soit mal vécu par les mal-nourris et les mal-logés victimes de promiscuité et d’insalubrités urbaines. Mais a-t-on d’autre choix que de s’y soumettre ?
Un scénario apocalyptique pointe à l’horizon
Impossible de s’y dérober en période de guerre. Quand c’est la seule arme pour terrasser et vaincre un ennemi invisible et des plus dévastateurs. Nous devons en faire l’apprentissage car nous n’avons connu aucune vraie guerre tout au long de notre histoire. Celle que nous menons aujourd’hui contre le coronavirus en est une avec ses périls, menaces et son lot de victimes.
Nous devons nous soumettre à ses exigences, aux nécessaires disciplines et sacrifices. C’est en s’obligeant à s’enfermer chez soi qu’on pourra s’en sortir. L’ennui est que le confinement, seul remède pour briser la chaîne de contamination et son cortège de morts, expose au danger la pérennité des entreprises, principale source de vie. Les fermetures d’usines pour cause de confinement prolongé sonne le glas de notre économie et du précaire équilibre social.
Le spectre d’un scénario apocalyptique pointe à l’horizon. Le coût économique et social du confinement est exorbitant : en termes de recul du PIB, – -4,3% selon les prévisions du FMI– de pertes de marchés, d’emplois, de revenus, de recettes pour l’Etat contraint d’activer tous les mécanismes de redistribution pour éviter la désintégration de notre tissu productif et l’explosion sociale. Terrible dilemme.
La vie humaine n’a pas de prix. Mais la survie des entreprises a un coût. Comment concilier ces deux exigences ? Seuls les pays riches, aux moyens financiers illimités, pourraient résoudre une telle équation. Les entreprises contraintes à l’arrêt pour cause de confinement doivent bénéficier d’un plan massif d’aide financière, à la mesure de leur besoin de survie. Les plus vulnérables d’entre-elles nécessitent déjà une assistance respiratoire. Besoin d’aides financières, besoin de solidarité ? Sans doute. Sauf que la solidarité nationale a ses limites.
Le patriotisme des entreprises et leur souci de protéger et de ne pas se séparer de ce qu’elles ont de plus précieux, leur capital humain, finiront par se fracasser contre la dictature de l’impératif financier.
L’Etat lui-même ne peut soustraire aux contribuables plus d’impôts, au-delà de ce qui est raisonnable. Sans casser en eux tous les ressorts de l’épargne, de l’investissement, de la consommation et de l’envie d’entreprendre.
Le Gouvernement, criblé de dettes n’a, de surcroît, que d’infimes marges de manoeuvre. Il est dès lors tout aussi raisonnable que légitime d’envisager un dé-confinement progressif des entreprises dans le respect absolu des règles de protection. Réponse nécessaire quoique partielle. Tant s’en faut. Alors jusqu’où peut-il et doit-il compter à cet égard sur la solidarité internationale dont l’expression à ce jour n’est guère rassurante ?